La route est longue pour descendre de Quito, 2850m d'altitude, vers la forêt amazonienne. Cinq heures de virages et de boucles qui s'enchaînent, nous pressant d'un côté puis de l'autre, entrecoupés de traversées de villes et villages et d'arrêts au milieu de nul part pour prendre et déposer des passagers on ne sait trop où. C'est l'occasion pour moi de commencer à faire connaissance avec José Liqui, assis à côté de moi, et de son fils Raoul. Nous arrivons finalement à Tena, bourgade de 30.000 habitants, point de départ de nombreuses excursions en Amazonie, et endroit où réside une bonne partie de la famille de José Liqui.

José Liqui donc. Un monsieur pas très grand et à la petite moustache, conservant toute sa vitalité du haut de ses 80 ans, père de dix enfants plus deux adoptés, chaman de père en fils depuis au moins 4 ou 5 générations, initié à l'usage des plantes depuis l'âge de 12 ans, et vivant désormais retiré la plupart du temps avec son épouse au milieu de la forêt. Il n'est pas pour autant coupé du monde, bien au contraire ! Il accueille sur son terrain des personnes et des groupes du monde entier, et il lui arrive aussi régulièrement de prendre l'avion pour aller dispenser sa médecine dans d'autres pays.

Nous partons donc le lendemain, après quelques courses, en direction de son terrain situé en pleine forêt. Après vingt minutes de taxi, nous nous mettons en marche, bottes aux pieds chacun avec nos sacs, le mien sur mes épaules, le sien porté en bandoulière sur le front, pour environ 45 minutes de sentier. Ça grimpe, le terrain est boueux, son sac est assez pesant, mais ça ne semble pas soucier ce vieux monsieur encore très tonique, et nous arrivons donc sur sa propriété. Il s'agit en fait d'un vaste domaine de 100 hectares de forêt ! Au sein de ce domaine, une partie est en partie défrichée et aménagée. Il y a construit avec ses enfants plusieurs cabanes et abris, planté divers arbres fruitiers, cultive du Yuca, élève de nombreux poulets en liberté, récolte et fait sécher des fèves de cacao, et reçoit régulièrement des étrangers à qui il prodigue son savoir et ses soins, en vertu de sa connaissance héritée et développée des plantes et de leurs propriétés.

C'est donc ici que je vais passer dix jours de retraite ! Et pour commencer à me nettoyer, nous procédons l'après midi à une vaporisation. Il s'agit d'une hutte de sudation, hermétique, au sein de laquelle nous introduisons une grosse marmite fumante dans laquelle il a fait bouillir plusieurs feuilles et plantes. Je reste une demi heure enfermé à l'intérieur, à inhaler les vapeurs et à suer de tout mon corps. J'en ressors exténué et un peu shooté, mais le bain au décours à la rivière me fait le plus grand bien, tonifiant très agréablement mon corps et mon esprit. Je suis là, assis en tailleur au milieu de la rivière, à contempler une forêt paisible et luxuriante, bercé par de nombreux bruits d'insectes et de chants d'oiseaux qui animent un fond sonore incessant, conscient de l'honneur qu'il m'est fait de pouvoir être là, et me préparant tranquillement au travail de fond qui m'attend pour les jours à venir.