[Première partie de ma mini-série sur le sport : certains dépensent plus de 80€ pour un maillot de foot. Des footballeurs gagnent le prix d'une maison chaque semaine, de 300.000€ à 1.000.000€. Des matchs qui sont un prétexte pour se réunir entre copains ou pour se battre contre les supporters adverses.

Pourquoi cet engouement pour un jeu aussi simple ? Pour commencer, essayons de comprendre pourquoi le monde est obsédé par le foot.]

La magie du football

Vous pouvez le sentir dans l'air ce soir. L'ambiance est chargée. Des meutes de gens affluent dans la même direction. Prêt à hurler et à crier leurs sentiments. Ce soir, entre 40.000 et 100.000 personnes vont s’entasser et porter leur attention au centre du stade.

Lors d'un match, un but et la foule sautent à l'unisson. Le stade est un lieu singulier où s'unissent des personnes qui étaient auparavant divisées.

Ça n'est plus l'origine, le bord politique ou l'ethnie qui unira, mais un idéal commun.

Car c'est la magie du football : il gomme les différences qui nous séparent pour laisser place à un collectif.

Mais le football est aussi un sport qui peut faire basculer les gens de l'euphorie totale à la rage soudaine. Une décision injuste de l'arbitre, un mauvais geste... Et la foule devient rouge. Testostérone, alcool et bouteilles éclatées par terre : les rues grondent. Et c'est partout pareil.

Pourquoi une telle intensité dans les comportements autour du foot ?

Le grand rassemblement

Nous sommes des animaux sociaux. Et ce que les animaux sociaux recherchent, c'est ce sentiment particulier lorsque l'on se réunit tous ensemble. Avoir un toit et de la nourriture sont des besoins essentiels. Mais qu'en est-il du sentiment d'appartenance ? Ne pas avoir d'interactions sociales ne vous tuera pas tout de suite, mais ça fait mal :

• À l’école, pensez à cet enfant victime de harcèlement moral.

• En cours de sport, lorsque vous êtes choisi en dernier dans l’équipe.

• En entreprise, lorsque vous n'êtes pas invité à une réunion qui concerne votre activité professionnelle.

• Lorsque l'on vous ignore.

Comment vous sentez-vous lorsque vous êtes exclu ?

Être dans un groupe signifie donner et recevoir de l'attention. Et nous permet de nous sentir en sécurité psychologiquement. Lorsque nous sommes exclus, une alarme se déclenche dans notre tête. Ne pas être intégrer dans un groupe, que ce soit dans sa famille, entre amis, au travail ou dans une communauté religieuse provoque une vraie douleur dans notre cerveau.

Avec qui il est facile de créer ce lien d'appartenance ?

• La communication, les personnes qui parlent la même langue, voire mieux, qui ont le même accent que nous.

• La culture, les personnes qui ont grandi dans la même région ou le même pays que nous.

• L'éducation, les personnes qui ont suivi les mêmes études ou parcours que nous.

• Les mêmes centres d'intérêt, les personnes qui suivent le même club que nous.

Et ce besoin est suffisamment puissant pour provoquer des changements dans nos comportements, nos croyances et nos attitudes pour nous conformer aux standards et aux normes du groupe.

La métamorphose

Les expériences de conformité d'Asch explicitent l'influence des autres sur nos comportements.

Il a placé un participant dans une pièce avec sept autres personnes. L'excercice est simple : trouver les deux lignes de même taille sur chaque image.

La réponse est simple, sauf que les autres participants sont des acteurs qui ont convenu de donner tous la même mauvaise réponse.

Au cours des 12 essais, environ 75% des participants se sont conformés au moins une fois et 25% des participants ne se sont jamais conformés.

Cependant, sans l'influence des autres participants, moins de 1% des personnes donne la mauvaise réponse.

Le football, c’est le coeur qui parle, ça s’explique pas

Si on demande aux gens d'expliquer pourquoi ils aiment le foot, on remarque que les raisons sont difficiles à cerner :

• "Mon père soutient ce club, c’est normal que je le soutienne aussi".

• "C'est une passion, j'adore ce sport, tout ce qu'il représente et ses valeurs".

• "Je jouais au foot quand j'étais enfant".

Il ne s'agit pas seulement des joueurs, ce sont tous les éléments qui gravitent autour du sport qui peuvent vous définir. Cela peut être la place que vous occupez dans l'équipe si vous jouez, votre engagement dans le club, le fait de suivre l'actualité d'un grand club... 

Mais en pratiquant un sport, on découvre une porte qui permet de comprendre de quoi l'on parle de façon concrète. Il se cache quelque chose de bien plus individuel encore.

Un combat de personnalités

J'ai fait du Wushu Sanshu (Sanda), un style de boxe pieds-poings qui vient de Chine - à un niveau loin des combats UFC cependant. Mais dans mon club, lors des combats d'entraînement, les catégories étaient inexistantes. Ce qui signifie que je pouvais affronter des physiques et des niveaux d’expériences variés.

Si se battre est plaisant, j’ai surtout découvert quelque chose de surprenant. Lorsque l’on s'entraîne avec quelqu’un, ce n’est pas tant les différences de physique qui ressortent que le caractère de la personne en face de soi :

• La première personne que j’ai affrontée était de taille moyenne et portait des lunettes. Je le savais assidu aux entraînements depuis plus de quatre années. Il s'appuyait sur une technique précise et de bons réflexes. J'ai choisi de compenser avec mon physique. Dès le début, j’ai senti qu’il gérait ses efforts pour pouvoir durer les trois rounds. Il planifiait, toujours conscient de ce qu’il faisait et dans le contrôle. Un boxeur cérébral.

• Puis je me suis retrouvé face à une fille que je n'avais jamais rencontrée. Dès que le signal a été donné, l’ambiance a changé. Elle m’a fait comprendre que même si elle n’était pas un homme, elle ne devait pas être sous-estimée. Attaque franche et directe. Coups de pieds, coup de poings. Une boxeuse explosive avec des bases efficaces. Elle avançait en permanence jusqu'à réduire le régime à partir de la seconde moitié du deuxième round.

• Enfin je me suis entraîné avec quelqu’un d’élancé et de quinze centimètres de plus que moi. Je m’attendais à passer un moment douloureux, mais en réalité il a été décontenancé par mon volonté à casser sa distance et profiter des moindres ouvertures. A sa façon de frapper, j'ai compris qu'il n'était pas là pour blesser. Chacun cherchait des ouvertures, mettait une touche, sans jamais avoir la volonté de faire mal. C'était intense, avec un bon état d'esprit. L’objectif était de progresser ensemble et de passer un bon moment.

Les sportifs ont des difficultés à mentir

Quand on m'a dit que jouer au football pendant 90 minutes avec ses collègues permettait de savoir avec qui on va pouvoir travailler ou pas, j'étais d'accord tout de suite.

Tout le monde connaît les bonnes réponses par cœur.

Mais que faites-vous lorsque vous vous battez contre quelqu'un de meilleur que vous ? Vous travaillez, vous trichez, vous abandonnez ?

Que faites-vous lorsque vous êtes en position de force ? Vous écrasez la personne en face, vous partagez votre expérience, vous vous mesurez à quelqu’un de votre niveau ?

Dans le sport, il n’y a pas besoin de rédiger un essai de 50 pages sur la question. Parce que tout le monde aura compris votre opinion sur le sujet à travers vos mouvements.

Tout le monde est capable de faire la différence entre un sourire heureux après une victoire et un sourire narquois et arrogant.

Pour devenir un athlète respecté, il ne s'agit pas du nombre de victoires ou de titres que vous accumulez, mais de la façon dont vous les gagnez.

Des super-héros en chair et en os

Et c'est ainsi que certains athlètes finissent par devenir des super-héros. Tout le monde a ses propres idées sur la façon dont les choses fonctionnent dans le monde et donc de la meilleure stratégie à adopter.

Jusqu’à devenir plus qu’eux-mêmes, ils deviennent des idéaux. Parce qu’un grand champion c’est celui qui sera reconnu pour avoir mis en pratique ses idées, ses valeurs à travers son attitude. Le sport étant la courroie de transmission de ceux en quoi l'on croit. Cela donne le beau et le mauvais geste. Un style de jeu particulier qui fait écho à l'identité de la personne. Le respect des règles et de l’autre.

Ces athlètes montrent ce qu'il est possible de réaliser si nous osons rêver. Ils mettent en évidence ce qu’il est possible de réaliser si nous mettons en pratique nos idées. Et si l’on rencontre un ou deux grands sportifs, on peut vite se rendre compte que nous avons beaucoup plus de choses en commun avec eux que nous aurions pu l’imaginer.

L’histoire probable de ta vie

Qu'arrive-t-il aux personnes naturellement talentueuses, et qui décident d'exploiter leurs atouts au maximum ?

• Lionel Messi est l'un d'entre eux. Un artiste sur le terrain. Il rend le football esthétique. Grâce à sa petite taille, 1m69, son centre de gravité est bas, ce qui lui permet d’être stable et vif sur ses appuis. Il est considéré comme le joueur le plus complet au monde notamment pour ses talents de dribbleurs, son contrôle du ballon et sa longévité à haut niveau. C’est un joueur offensif intelligent, capable de prendre les bonnes décisions dans l’instant et de trouver des solutions face des armées de défenseurs lui bloquant la route.

Maintenant, si vous avez quelques prédispositions, et que vous décidez de travaillez dessus ?

• Zinedine Zidane représente ce talent sauvage. Il est agile sur ses jambes, mais il a travaillé pour intensifier son jeu et développer ses capacités. Son style de jeu est agréable et simple comme le football se veut d’être jouer. Ce n'est pas un homme qui cherche à faire le spectacle. Il est introverti, mais il a la sang chaud, ce qui ne l'a pas empêché d’atteindre le statut d’un des meilleurs joueurs au monde.

Une de vos caractéristiques peut vous freiner dans votre discipline ? 

• Zlatan Ibrahimovic est grand, très grand : 1m95. Ce qui pourrait être un inconvénient majeur dans le football par rapport à un manque d'agilité et de puissance, il est parvenu à le compenser. Parce qu'il a combiné la pratique du taekwondo de son enfance, à sa pratique du football, il est parvenu à rester rapide et agile. C’est un acrobate sur le terrain donnant l’impression qu’il peut marquer avec toutes les parties de son corps et dans toutes les positions possibles. Il est aussi célèbre pour son orgueil. À son ancien entraîneur Guardiola, il déclare un jour : « Quand vous m'achetez, vous achetez une Ferrari. Donc, vous mettez du super carburant dans le réservoir, vous roulez sur l'autoroute et vous mettez les gaz. Guardiola fait le plein de diesel et part faire un tour dans la campagne. Si c'est ce qu'il voulait, il aurait dû acheter une Fiat ».

Vous avez des rêves d'enfants, mais pas de compétences particulières ?

• De l’autre côté, Cristiano Ronaldo est, comme l'a dit Zlatan à son sujet, l'un des meilleurs joueurs de football, non pas à cause d'un talent naturel, mais grâce à un entraînement intensif. Cristiano visait à devenir le meilleur joueur de l'histoire de ce sport. Il avait une vision, a su rester concentré dessus et a travaillé sans relâche pour parvenir à ses objectifs. Et c'est encore plus impressionnant lorsque l’on apprend que cette performance a été réalisée alors qu'il devait gérer une situation difficile avec un père alcoolique dès son jeune âge.

Plus un athlète ou un club rassemblera vos conditions, plus il fera écho en vous.

Mais ce n’est pas lié au football uniquement

Le travail de répétition.

Au rugby, Jonny Wilkinson était un joueur connu pour sa précision et sa régularité lorsqu'il frappait une pénalité. Si le nom vous dit quelque chose, c'est peut-être parce que vous suivez le rugby ou bien parce que c'était le joueur préféré de mon ancien directeur des ventes.

J’en parle ici: Comment vendre de 6.000€ à 20.000€ en 2h30 sur un coin de table ? Maintenant vous savez pourquoi. 

Force physique VS. Force technique.

Au tennis, Rafael Nadal est bien connu à la fois pour ses frappes lourdes et sa ténacité reposant sur ses capacités physiques, alors que Roger Federer mise sur sa technique et sa gestion de l’effort tout au long de la rencontre. 

Recevoir la grâce

Alors pourquoi n’êtes-vous pas touché par la grâce pendant que d’autres deviennent des fanatiques ?

• Un manque de connexion avec vos émotions ?

• Vous êtes trop civilisé pour ce sport bien trop populaire à votre goût ?

• Ou bien est-ce parce que vous êtes un loup solitaire, vous faites bande à part ?

En réalité, c’est plutôt que vous ne sautez pas le pas. Car vous restez incrédule, vous maintenez une distance personnelle entre le jeu et vous.

Pourtant face à un film ou une série, vous vous laissez absorber alors même que vous savez que ça n'est qu'une histoire fictive. Mais vous vivez l’histoire dans la peau des personnages, vous vous mettez à leur place et vous vous engagez avec eux dans leurs aventures. 

Vous devez vous mettre à la place des joueurs lorsqu'ils se précipent dans une ouverture. Ou quand l’équipe est à la peine, car elle ne trouve pas de solutions face à une équipe adverse organisée. Vous devez scruter le jeu en tentant de déchiffrer les dynamiques qui se développent. Vous devez vous-même être présent sur le terrain. Que se passe-t-il maintenant ?

Cela demande un peu de temps, mais rapidement, vous allez pouvoir décrypter aussi le jeu.

Bienvenue parmi les tiens

Et puis ensuite vous vivrez ces moments d'apnée. Vous serez en communion dans cette ambiance avec les joueurs et les supporters. Vous lèverez les yeux vers le ciel en demandant à des forces invisibles, quelque chose, n’importe quoi, qui puisse donner à votre équipe la force de marquer le prochain but pour remporter la victoire.

Le football est presque un culte. Les signes et les prières, les comportements irrationnels. Un exemple farfelue nous vient du criquet. La Barmy Army est un groupe de supporters qui s’est fait connaître en 1994 parce que ses membres suivaient leur équipe partout à travers le monde. Y compris, quand les chances de gagner étaient nulles. Mais eux tenaient à être présents dans le stade et continuaient à chanter pour soutenir leur équipe jusqu'au bout.

Une affaire sérieuse, mais sans importance

La Barmy Army est même devenue une véritable entreprise qui s’occupe d’organiser la vente de tickets et organiser les voyages aussi bien au Royaume-Uni que dans le monde entier.

D’un point de vue extérieur, il est toujours déconcertant de voir des gens s’engager autant pour un jeu. Alors même que l'issue d'un match ne changera pas le quotidien, le sport semble être pris plus au sérieux que la politique ou la vie professionnelle.

Pourtant,  sport et politique traitent de sujets communs :

• Se rassembler autour d’une vision commune.

• Défendre des idées et des valeurs personnelles,

• Des moments importants qui réunissent le pays entier.

Pas besoin d’être un intellectuel pour parler de foot ou de politique. Un peu d'intérêt et de mémoire suffisent.

Alors pourquoi certains se mobilisent plus rapidement devant un match de foot que devant les urnes ? Les gens ne s'intéressent qu'à eux-mêmes ? Les gens préfèrent le divertissement au questionnement ? 

[Dans mon prochain article, j'essaierai de découvrir ce qu'il se cache derrière le sport et la politique. On essaiera ensuite de comprendre pourquoi malgré des thèmes communs, comme réunir le plus de monde autour d'un projet commun et des idéaux personnels,  nous nous y engageons différemment.]

Photo de couverture par Md Mahdi sur Unsplash et schéma par simplypsychology.org.