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Le miroir des âmes

Le miroir des âmes

Pubblicato 26 mar 2021 Aggiornato 23 mag 2024 Science fiction
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Le miroir des âmes

 

 

 

Je le savais, je le sentais. Une espèce de pressentiment, une présomption. Le genre d’intuition où tu te dis, dès le bon matin, « j'aurais mieux fait de me casser une jambe ». En même temps, comment est-ce que j'aurais pu savoir ? Rien ni personne n'aurait pu deviner. Rien ni personne n’aurait pu empêcher cela. La fatalité, l’inévitable ? Le destin ? Je ne saurais dire.

Et dire que tout cela a commencé par une belle journée de printemps. Le soleil égayait de nouveau la frimousse des passants. La ville semblait reprendre ces couleurs. Malgré la grisaille des bâtiments, les routes assombries par le bitume, les quelques rayons qui frappaient nos rares arbres faisaient un bien fou. Un peu de vert, un fond de l’air un peu moins frais, les bonnes conditions pour que ma mère souhaite aller … à la “Foire Atout” ? Roh, le vilain jeu de mots. Qui avait bien pu pondre cela ? Il y avait vraiment des gens tordus dans la vie.

Comment ai-je pu, encore une fois, me laisser entraîner dans ce magasin ? Incroyable. Soit c'est ma volonté de paresseux, mon animal fétiche, d’où je dois tenir mes origines, soit c’est que je n’arrive jamais à me confronter aux décisions de ma mère.  Ce n’était pas la foire là-dedans, c’était un bordel. Un dépôt de marchandises ? Plutôt un dépotoir oui. Tout était entassé, comme si rien n’avait de réelle valeur, à part les prix parfois exorbitants qui étaient affichés. Ma mère y trouvait à chaque passage son bonheur. L’année dernière, on s’était trimballé une commode qui devait dater des prémices des homo sapiens. J’ai cru au premier abord qu’elle était livrée en kit, comme chez Ikaka. J’ai rapidement compris mon erreur. Le temps l’avait transformé en meuble en kit. De mon simple avis, de ce qu’il vaut, la commode aurait pu facilement servir en feu de cheminée. Un peu cher pour cet emploi, mais, je ne lui voyais pas d’autre utilité.

Je me souviens très bien du comportement admirable que j'eus cette fois-ci. Ne voulant en rien gâcher le plaisir absolu de ma mère à chiner dans les moindres recoins de ce gourbi, je mettais posté en avant-garde, sur une chaise des années vingt … dix-huit cent vingt , qui traînait à l’entrée. J’avais déjà prévu le coup de passer des heures d’angoisse à m’emmerder. Je sortis ma console de la poche et c’était parti pour finir le nouveau Final Fantasy. Magnifique. Pas d’autre mot. Ils avaient sorti LE jeu par EX-CE-LLENCE ! Une pure beauté, une pure merveille. C’était des dieux pour moi, les devs qui avaient pondu ce titre. Tout y était. Une histoire trop sympa. Des persos trop beaux. Et Aélys, comment elle pète ! Si elle existait, dans “la vraie vie”, in true life comme disent mes potes, elle serait ma femme. Forme parfaite. Sourire parfait. Habillée trop classe. Ces sorts de combat en jettent. Et sa voix... oula, je n’ose même pas en parler. Une déesse. Mieux, une sirène, une enchanteresse. J’avais pris soin d’emmener mes R'poud pour profiter à fond de l’univers musical du jeu. Là aussi, une merveille. J’avais même fini par acheter les CD audio et les passer en boucle chaque soir avant de dormir.

Complètement détaché de tout ce qui pouvait se passer dans la foire, je n’entendais pas ma mère bramer qu’elle était aux anges. Mes yeux rivés sur les écrans de ma console, je ne la voyais pas non plus sauter en tous sens. La honte. On aurait pu croire que faire les magasins était un sport national. Si ça devenait une discipline aux J.O., y avait moyen pour qu’elle monte sur le podium. Elle devait perdre au bas mot cinq kilos à chaque sortie. Sachant ceci, on pouvait facilement comprendre la taille de guêpe. Ma mère, si elle n’était pas ..  ma mère, je la verrais comme une très belle femme. Elle a toujours de bons restes, malgré son âge. Une énergie débordante. Toujours à rire de tout. Une Aélys en puissance, mais, dans la véritable vie. Son pouvoir spécial ? M’élever. Seule.

Il m’arrivait par moment de lever les yeux. Oui, juste pour savoir quand mon calvaire serait fini. Je perdais quelques fois de vue ma mère kangourou, mais, vu sa discrétion naturelle, c'était de courte durée. À force de scanner toutes les zones où elle pouvait se trouvait, mes yeux s’arrêtèrent sur un miroir. Posé à peine à quelques centimètres sur ma gauche, dans un coin mal éclairé et très poussiéreux. Pas très vendeur. Il n’avait bizarrement aucun prix d'étiqueté. C’était certainement un nouvel arrivage. Il avait un grand besoin d’être rafraîchi.

En voyant les toiles d’araignée sur son cadre, je me rappelais de certains décors dans Final Fantasy. Un en particulier. Au plus profond d’une grotte. Le sujet de la quête était de rapporter le collier d’une richissime demoiselle, subtilisée par une horrible créature. Tellement la peur l’avait tenaillée, elle ne put tracer un portrait de la bestiole immonde. On devait s’attendre à tout. J’avais pris mon perso favori. Oui, vous l’avez dans le mille. Aélys. En même temps, pour ma défense, et votre gouverne, c'était la plus forte. Et rien à voir avec le fait que je faisais toujours en sorte qu’elle soit montée à fond. Arme optimum. Ces sorts aux max. Lvl max. Je venais de gagner un nouveau skin. Elle était encore plus …, je ne trouve même les mots qui pourraient la décrire.

Je ne sais pas si c’était à force de penser à Aélys, mais un phénomène bien bizarre se produit. Quand je sortis de mes rêveries, les yeux toujours pointés vers ce pauvre miroir en perdition, j’ai cru la voir se matérialiser. Tout un monde inconnu autour d’elle. Féérique. Des couleurs vivent chatoyantes. Elle était là, derrière ce miroir, comme s’il était le passage pour la rejoindre. Elle paraissait tellement vraie, que je crus voir une femme, et non un sprite de jeu vidéo. Insensé.

Je me rappelle avoir fermé les yeux l’espace d’un instant, n’en croyant pas ce qui se produisait devant moi. Et là, plus rien. Tout était redevenu morne, triste, sombre et poussiéreux. “Les jeux vidéo sont peut-être nocifs pour la santé” pensais-je. Aucune trace de mon … hallucination.

C’est en sursaut que je m’aperçus que ma mère me scrutait comme si j’étais un devenu un fou, un animal perché. Moi, quoi. Elle s’était tellement rapprochée, que c’était son souffle chaud sur ma joue droite que je sentis en premier. En me retournant, elle faisait une telle grimace, que je crus avoir perdu mon palpitant. L’incendiant par tous les noms de piafs qui me passaient par la tête, elle me fit remarquer, sans prendre compte une seule seconde de ce que je disais, que le miroir était vraiment sublime.

“Oh non, pas ça !”. Pourquoi fallait-il qu’elle l’ait vu. On va encore se ramasser une relique de la période du crétacé. L’appart en était rempli. Je voyais déjà d’ici l’atelier peinture en pleine action. Ce bon miroir aurait retrouvé vie d’ici une semaine, même pas. Elle avait l’art et la manière de rendre beau et agréable chaque objet vieillot qu’elle retravaillait. Heureusement pour moi, elle avait capitulé de me faire participer à ces moments de créativité. Ce n’était vraiment pas mon truc. À part jouer, traîner avec mes potes, watch T.V. all the day, je ne faisais pas grand-chose d’autre. La vraie vie. Quel bonheur.

Comme je l’avais si, bien deviné, le miroir fit partie des nouvelles acquisitions de my mother. Elle était dingue. Tout le long du trajet, sur la route du retour, elle n'arrêta pas de me gonfler sur tout ce qu’elle comptait en faire.  Ponçage, peinture, les couleurs, le vernissage, tout. J’en avais mal au crâne. Son énergie débordante me fatiguait. Si seulement j’avais su, j’en aurais bien plus profité.

Quelques jours plus tard, le week-end d’après pour être plus exact, j’en avais déjà oublié ce qui s’était passé dans le magasin. C’est quand je suis allé retrouver ma mère à son atelier de fortune que cela m’est revenu. Elle avait encore oublié de me laisser les clés de la caisse. Je devais partir pour la soirée de Dams et comme à mon habitude, j’étais à la bourre. Une super teuf était prévue normalement. Une mémorable. Dommage, je n’en vis jamais la couleur.

Ma mère était encore partie je ne sais où. Sûrement acheté un énième petit pot de peinture. Qu’est-ce qu’elle pouvait en bouffer. Si je ne savais pas  qu’elle adorait cela, c’est que j’avais vraiment un problème. Je vis à nouveau le miroir. Elle lui avait donné un coup de frais, comme je l’imaginais. Il était devenu superbe. Avec un petit de jeune, il paraissait à la fois ancien, par ces formes très ondulées dans le cadre, ses finitions très détaillées, et de notre temps par ses couleurs fraîches et lumineuses. Ma mère avait mis son coup de pinceau favori. Le cadre en blanc, tournant légèrement vers le gris et le détail des boiseries en un bleu pastel. Les motifs les plus marqués étaient en un violet très clair. Le tout était en parfaite harmonie. Encore du sacré boulot d’artiste. Elle avait vraiment loupé sa vocation. Au lieu d’être commerciale, elle aurait pu faire de merveilleux chef-d’œuvre avec son talent. Mais la vie est ainsi faite. « il faut bien payer les factures » me disait-elle si souvent. Était-ce de ma faute ? Jamais elle n’osa me l’avouer.

Je ne sais pas ce qui m’a pris de vouloir me rapprocher du miroir. Peut-être que je voulais apprécier pleinement le boulot qui avait été fait. Sur mes premiers pas, il commença à briller. Ce fut très léger au début, puis plus intense au fur et à mesure que j’avançais. Pas rassuré, et surtout très con, je vins à le toucher. Mais qu’est-ce qui m’avait pris ? J’aurais dû me couper les mains plutôt que de faire ça ! Quel idiot !

La vision, celle du magasin, elle était de nouveau là. Juste derrière la face cachée du miroir. Une porte vers un monde sorti tout droit de mon esprit ? Aélys, elle aussi … était là. J’étais comme subjugué, happé, en admiration la plus totale. Elle était habillée comme le dernier skin que j’avais gagné. Un shorty, bleu et rose. Un mini haut, rouge avec quelques reflets roses, dévoilant juste ce qu’il fallait de sa peau si lisse et parfaite. Elle semblait flotter dans les airs. Un ange n'aurait pas eu autant de grâce. Une envie irrépressible de la toucher m'avait pris. Je me rappelle avoir tendu une main tremblante vers elle et peu assurée. C’est à ce moment que j’ai perdu le fil du temps et de la raison.

Sans m’en apercevoir, j’avais franchi le seuil. Ce palier non perceptible, qui séparait mon monde du sien. J’étais entré dans cet endroit, qui semblait si joyeux, si jovial, où aucun souci ne transparaissait. Une végétation luxuriante s’offrait à moi. J’étais entre le ravissement et la panique. Qu’est-ce que je faisais ici ? Je ne suis décidément qu’un mec faible, qui a suivi une belle jeune femme sans se soucier des conséquences. Elle a su me charmer sans esquisser un seul mouvement, sans même parler une seule fois. Je ne sais pas combien de temps j’ai pu passer ici. Au début, c’était le paradis. Mieux … que le paradis. Tout ce que je peux aimer est ici. Tout y est agréable. Tous mes rêves sont réalités. Aélys est le reflet même de la perfection. Mais, elle est telle une statue magnifique, elle ne parle pas. Jamais. Les quelques pauvres gestes qu’elle s’autorise, ressemblent étrangement à ce que je connais du jeu vidéo. Ceux que je trouvais grandioses, hallucinants, finissent par me lasser. Cette peau éblouissante, ce teint inégalable, ces poses si aguicheuses et sensuelles ne me donnent plus aucun frisson. Cette femme n’est rien d’autre qu’une figurine géante. Jamais elle ne me prendra dans ces bras, jamais elle ne m'embrassera fougueusement, comme dans les plus grands moments de tendresse de cinéma. Ce monde, aussi fabuleux soit-il, n’est pas le mien. Tout y est beau, fantastique, mais ma place n’est pas ici.

J’ai pourtant si souvent détesté ma vie, ma famille, mes écoles. Toujours le martyre, toujours le souffre-douleur. Le pris pour cible. Je passais plus de temps à vivre seul dans le noir, que de lézarder ou frimer auprès des filles. Je passais plus de temps devant les écrans que de sortir tous les soirs, sans but précis. Je fréquentais très rarement les bars, mais tellement plus souvent les salles de jeu. C’est là-bas d’ailleurs que j’ai rencontré les quelques amis que j’ai aujourd’hui. Enfin, que j’avais. Sans nouvelles de ma part, ils m’oublieront.  Ils n’ont pas besoin de moi pour battre Ken ou Ryu. Ils n’ont pas besoin de moi pour draguer. Certainement parce qu’aucun de nous ne sait faire. Malgré tout, ce sont mes amis. Ma bande de tarés, que j’aime dire affectueusement. Il me manque, mes tarés.

Et ma mère ? Elle qui n’arrête pas de dire  que je suis toute sa vie. Depuis le décès de mon père, elle n’a jamais cherché le réconfort vers un autre homme. Et  heureusement pour moi, elle n’a jamais voulu que j’aie un paternel de substitution. « Mon seul homme, c’est toi », qu’elle répétait sans cesse, avec un sourire aussi large que le Joker. C’était flippant. Mais j’aimais ça, au final. Toi aussi, tu me manques. Bien plus que tout le monde. Bien plus que tout ce que j’ai bien pu connaître. Je suis désolé, ma chère maman. Je t’ai abandonné, tout comme mon père l’a fait. Je ne vaux pas mieux que lui. Alors que lui vit en enfer, cause de son infâme trahison, moi, je suis ici parce que je trouvais ce monde plus merveilleux. Quelle ironie ! Moi qui ne voulais surtout pas lui ressembler. Moi qui le détestais plus que tout de nous avoir lâchés.  Je suis navré maman, je n’ai jamais réussi à sortir d’ici, à retourner en arrière. Le miroir reste sans teint, sans reflets, sans rien. Un mur ne ferait pas mieux. Pourtant, à travers sa surface si froide, j’ai l’impression d’entendre des sanglots. Serait-ce les tiens ? Ou est-ce mes propres pleurs qui résonnent ?

Je dois trouver un moyen de revenir. Il le faut. Je ne tiens plus. Qui aurait pu imaginer cela ? Ce monde si incroyable, si riche en émerveillement, ne représente finalement qu’une prison à mon cœur.

     - Mais que dois-je faire pour sortir de ce cauchemar ? C’est bon, j’ai compris la leçon ! Ma vie était peut-être merdique à souhait, mais j’avais le droit à mes petites doses de bonheur. C’est juste que je n’ai pas su en profiter. Je n’ai pas su les percevoir. Je n’ai pas su en chercher d’autres. J’aime ma mère, même si j’avoue que par moment elle m’agace. J’aime mes amis, même s’ils sont peu nombreux et que l’on partage peu de chose au final. Et j’ai certainement dû aimer mon couillon de père. J’ai longtemps cru que si nous étions dans la merde, c’était entièrement dû à lui. Il faut reconnaître qu’il ne nous a pas aidés. Mais, c’est à nous d’aller de l’avant. De changer notre présent et de modeler notre avenir. Tout n’est qu’excuse quand on abandonne. Tout n’est qu’excuse quand on lâche prise. JE REFUSE ! Je refuse de rester indéfiniment ici. Les rêves doivent rester tels quels. Ils doivent nous pousser vers l’avant. Ils doivent nous inspirer au quotidien. Je suis tombé dans la facilité de rentrer un monde construit sur mes rêves, mais je n’en suis pas l’auteur, et j’en paye le prix. J’AI COMPRIS ! RELÂCHEZ-MOI !

En martelant le miroir de multiple coup de poing, qui les mit en sang, j’entends le bruit d’un bris de verre. Merde, j’étais en train de casser ma seule chance de sortir d’ici. J'ose à peine lever les yeux vers mon carnage. Un liquide rouge coule le long de mes manches et finit par tomber au sol. Au point où j’en suis, regarde en face tes conneries. Qu’as-tu encore brisé, en plus de ta vie ? Argh, c’est bien ça. Le miroir a accusé plusieurs impacts bien prononcés. Je suis foutu. 

Attends ! C’est quoi ce point de lumière au centre ? Il …. il s’élargit, il me semble. Qu’est-ce qui se passe ? Je vois de plus en plus flou. Merde, le miroir se venge sur moi. Qu’est-ce qu’il est en train de me faire ? Il va me dégommer ? Après tout ce que je viens de subir ? Sans un adieu, sans un “au revoir” ? Me voilà entièrement entouré d’un voile blanc. Whaa, j’ai mal au crâne. Eh! C’est quoi cette voix ? Je deviens fou maintenant, je suis devenu JEAN D’ARC.

“Debout. Aller. Lève-toi.”

Me lever ? Je ne comprends pas. Je ne suis pas assis. Quoique, avec cette lumière intense qui me brûle les yeux, je ne sais plus où je suis.

« Allez, secoue-toi un peu »

Attends, cette façon de parler… !

« Ne m’oblige pas à sortir mon … »

- … arme suprême.

- Ah, mais te voilà enfin réveillé ? Tu devais être épuisé. Ça fait bien une trentaine de minutes que tu pionces. Comme … un … bébé !

- Maman ?

- Bah oui, tu veux que ce soit qui ? Le bon Dieu ?

J’ouvre de nouveau les yeux. L’image floue est remplacée par le visage de ma folle de mère. Toujours à grimacer pour me faire rire. Que m’était-il arrivé ? Je suis de retour ? Joue-t-on encore avec mes nerfs ? Est-ce vraiment la réalité ?

- Tu as encore trop joué au jeu vidéo, toi. As-tu fait des cochonneries à cette fille ? Tu sais, celle qui remplace tes papiers peint tellement tu as des posters d’elle.

- MA-MAN… !

- OUI… !

Toujours ce sourire moqueur, mais si radieux. Sans m’en apercevoir, et certainement dû à ce que je venais de vivre, mes bras sont autour d’elle. Un câlin ? Je lui fais un câlin ? Je n’ai pas dû faire cela depuis des années, je crois. Je… je crois que … non…, des larmes ? Je… je pleure ? Oh la honte. Faut que j’essuie ça sans qu’elle s’en rende compte.

- Tu sais mon chéri, je ne pensais pas que ce genre de câlin me manquerait tant. Je te remercie d’être dans ma vie. Tu es le seul…

- … homme de ta vie.

Oula, elle se retire de mes bras, faut vite que j’essuie mes yeux. Mes manches sont trempées, mais c’est bon, elle n’a rien vu. Ouah, quel visage rayonnant. Je ne l’ai pas vu comme ça depuis…, depuis ce jour tragique.

- Hop hop hop, tu m’effaces cet air nostalgique. Ne gâche pas ce moment.

- Oui, maman, tu as raison. … Tu sais… je t’aime.

- Oh, qu’il est choupinou celui-là. Viens par là que je te fasse plein de mimi.

- MA-MAN… !

- Allez, on va y aller. La soirée pointe son nez, ils vont bientôt fermer.

En se retournant, elle s’arrête un instant.

- Tu sais, ce miroir, j’ai…

- NON !

- Heu, oui, t’inquiètes. Si tu m’avais laissé finir, je t’aurais dit que… je ne voulais finalement pas le prendre.

« Ouf, tant mieux »

- Et puis, de toute façon, il est trop abîmé. Y a comme des bris de verre sur la face intérieur du miroir. C’est irrécupérable. Dommage, il aurait été génial dans le salon. Tu ne trouves pas ?

- NON ! Heu, non, … on a trop de … bibelots à la maison, c’est bon.

- Oui, tu as raison. Allez, on y va. Range tes affaires et go.

En me levant, la curiosité m’attise. Abîmé ? Brisé ? De l’intérieur ? Je ne sais quoi penser. Un rêve ? Vraiment ? Tout cela paraissait tellement réel. Il est vrai que, en y réfléchissant, les images semblaient vraies, mais il n’y avait aucun son, aucune odeur. Et, je me rappelle vouloir toucher Aélys, mais, quand j’étais tout proche d’elle pour le faire, je ne me souviens plus de rien, à part le fait de me sentir emprisonné. Ma mère avait sûrement raison, tout cela n’était que mes songes. Faut que j’arrête ma drogue, les jeux. Ça rend dingue.

Les éclats de verre sont toutefois troublants. Ils se trouvent être aux endroits où mes poings l’ont frappé violemment. D’ailleurs, mes mains ? Sont-elles en sangs ? Non, rien. Ni sur mes bras ni sur mes vêtements. J’avais vraiment halluciné. Bon, je vais rejoindre ma mère à la sortie du magasin, tout ceci m’a bien secoué tout de même.

« Adieu, mon bel aventurier ».

- Pardon… !

Cette voix ? Elle vient de derrière moi. Du miroir. Non, c’est impossible. Ma caboche me joue encore des tours.

« Profite de chaque instant de ta vie… avant de… »

Du coin de l’œil, je la vois. C’est bien elle. Elle paraît toujours belle et merveilleuse. Mon reflet ? Mes manches ? Mes mains ? Quel est tout ce sang qui coule ?

« … Avant que tu me rejoignes à nouveau… à jamais…»

Fuir… je dois fuir… Vite la sortie …

- Et bien mon grand, ça va ? On pourrait croire que tu as croisé un fantôme. Allez viens, je suis exténuée. Rentrons à la maison…

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