Mon cher amour,

Aujourd’hui, j’ai déshabillé notre sapin de Noël de tous ses ornements satinés.

Ça m’a fait mal, si tu savais.

Je n’arrivais pas à m’y résoudre, tant j’aurais aimé le garder pour l’éternité, car quand nous l’avons décoré, tu étais là, avec moi.

On ne savait pas encore.

La vie d’avant me paraît tellement légère et douce, surtout depuis que je la teinte d’une nuance nostalgique a posteriori. Comme si c’était tout à l’heure, je me souviens que tu m’as embrassée en m’envolant déposer l’étoile à sa cime, et j’étais alors la plus heureuse de toute l’humanité.

Ce sapin, c’est presque la seule chose vivante qui me reste de toi, et être en sa silencieuse compagnie depuis ton départ me réchauffait de ton silence, de cette absence qui me dévore.

Mais, hélas, depuis des jours, je le voyais perdre de sa superbe, et j’ai dû me résoudre à laisser mon père l’emporter. Je sais que c’est idiot, mais j’avais l’impression de m’arracher le cœur en un millier d’éclats à chaque branche démaquillée. Comme si je scellais ton départ pour de vrai, comme si vraiment, je le réalisais. Je n’ai pas de nouvelles de toi depuis le quatrième jour de l’Avent. Nous sommes le quatrième jour de cet an nouveau que j’exècre déjà puisqu’il m’éloigne de toi.

Nous n’avons pas eu le temps d’échanger nos présents au pied de l’épicéa, nous n’avons pas pu nous embrasser sous le gui, et tes bras ne sont pas là pour m’aider à détacher l’étoile scintillante qui attendra l’an prochain, remisée au grenier. Cette babiole de cristal que tu as frôlée est devenue à mes yeux l’un de mes plus grands trésors.

Mais tu me manques chaque jour, plus encore que je ne pourrais te l’écrire, quelque soit la couleur de la dentelle.

Le petit salon est vide de ces derniers fragments que tu m’as laissés de toi. Il paraît que je dois me sentir fière que l’on t’ait envoyé si loin de moi, pour servir la Patrie, comme on dit.

Mais moi, je veux que ta seule patrie soit moi.

Je sais que je n’ai pas vraiment le droit de dire ça.

Et que si ces lignes étaient lues par mes parents, je verrais le dédain offusqué de ceux qui ne peuvent comprendre le chagrin d’une femme amoureuse du plus profond de son être. Ou alors l’ont-ils oublié sous la patine du temps.

Je me sens seule, incomplète et paradoxalement égoïste, je dois bien l’avouer, de ramener le mal-être à ma seule petite personne.

J’aimerais tellement savoir que tu vas bien, que tu me racontes, que tu me dises que tu t’accroches et que chaque jour passé l’un sans l’autre nous rapproche de notre destin lié.

Je voudrais t’envoyer tout mon amour pour qu’il te serve de bouclier, qu’il te préserve de sa puissance en une invisible armure. J’aimerais que tu t’en sentes enveloppé, à travers l'espace.

Quand tu es parti, j’ai essayé d’être forte. Pour te faire honneur, pour ne pas ajouter de poids à la fatalité.

Mais en réalité, je crois que je ne réalisais pas encore. Pas tout à fait.

Aujourd’hui, j’ai déshabillé le sapin de Noël et j’ai le cœur brisé.

À bientôt mon amour, on se retrouvera dans cette vie… ou celle d’après.

image réalisée avec Seelab et retravaillée avec Canva