

Codex du Saint Bordel
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Codex du Saint Bordel
Préface du Moine Déglingué
À celui qui lit ces versets déments, que le chaos soit ta lumière. Que Saint-Bordel t’éclaire par ses sarcasmes et ses absurdités sacrées. Car il ne cherche pas à ce que tu comprennes… mais à ce que tu ressentes la beauté d’être paumé avec panache.
— Scriptor Anonyme, Ordre du Verbe Troué.
Livre Premier de la Genèse Foirée
1:1 Au commencement, Saint-Bordel, dans son délire joyeux et démesuré, créa les cieux et la terre. 1:2 Or, la terre était informe et vide, et l'Esprit du Bordel planait mollement sur les eaux du Grand N’importe Quoi. 1:3 Et Saint-Bordel dit : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut. Elle clignotait un peu, mais bon, c’était stylé. 1:4 Il sépara le bazar céleste du bazar aquatique, nomma le sec « Terre » et le déluge « Mers ». Le premier acte de rangement fut effectué. 1:5 Et ce fut le jour un, qui ressemblait vaguement à une soirée bien trop arrosée.
1:6 Puis Il dit : « Que la terre verdisse ! » Et verdure il y eut. Mais pas sans épines, ni fruits acides, car le chaos exige saveur. 1:7 Les plantes poussèrent dans un joyeux foutoir, avec des envies de jungle dans le jardin d’Éden. 1:8 Saint-Bordel s’esclaffa : « C’est bon, mais encore trop propre. » Et il jeta quelques orties pour le plaisir.
1:9 Le cinquième jour, il créa poissons et volatiles. Ils se disputèrent les bons coins sans attendre, prouvant que l’instinct de conflit précédait l’intelligence. 1:10 Le ciel s’emplit de cris, les mers de remous. Saint-Bordel hocha la tête, satisfait. 1:11 « La compétition, c’est le sel de la Création ! » déclara-t-Il, tout en lançant des sardines contre des goélands.
1:12 Le sixième jour fut un sommet d’audace : Il dit « Faisons l’Homme à notre image, avec du génie et une capacité hors norme à foutre le bordel. » 1:13 Et l’Homme fut. Mâle et Femelle Il les créa, dotés d’imagination, de maladresse et d’un potentiel chaotique fulgurant. 1:14 Il les bénit ainsi : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et surtout foutez un joyeux bordel partout. »
1:15 Il vit tout cela et trouva que c’était très bon. Mais surtout, très foutu. Et c’est ainsi que la Création devint un chef-d’œuvre de désordre. 1:16 Aussitôt, l’Homme merdouilla. Pas par méchanceté, mais par curiosité crasse. 1:17 Il chipa la pomme sans faim, râla sur tout, inventa des embouteillages avant même les routes.
1:18 Saint-Bordel, depuis son trône fait de rires de sorcière et de colères de volcan, regarda ce foutoir inaugural. 1:19 Et Il sourit : « Voilà. Ça, c’est du génie. »
Livre Deuxième : La Multiplication des Emmerdes
2:1 Et l’Homme, dans sa grande capacité à foutre la merde avec panache, ne se contenta point de son propre chaos. 2:2 Il se multiplia, comme Saint-Bordel l’avait ordonné. Et chaque nouvel être devint une note discordante dans la symphonie bordélique. 2:3 Et les disputes commencèrent : pour l’ombre, pour un fruit, pour un outil disparu dans le néant du désordre. 2:4 Et les cris s’élevèrent, et le premier combat de coq fit trembler la vallée. Saint-Bordel se marra.
2:5 L’Homme inventa des objets : outils, abris, roues. Mais chaque invention portait en elle une faille, un bug, une blague cosmique. 2:6 Et la roue engendra les embouteillages avant même que les routes ne fussent pensées. 2:7 Saint-Bordel vit cela et chuchota : « L'ingéniosité est plus fun avec un peu de sabotage. »
2:8 L’amour apparut, mais pas l’amour doux et équilibré, non : un amour punk, fait de tangos du diable et de descentes aux enfers. 2:9 Les cœurs se cherchèrent, se cognèrent, se brûlèrent. Et le chaos prit un goût sucré-salé. 2:10 Saint-Bordel, sur son nuage de rires et de fumée, observa et souffla : « L’intensité, voilà l’essence de l’Humanité. »
2:11 Il vit l’Homme, s’autodétruisant avec créativité. Chaque vie imparfaite était une œuvre, chaque relation, un chef-d’œuvre déglingué. 2:12 Et Saint-Bordel déclara : « La merde humaine est plus précieuse que toutes les perfections imaginaires. »
Livre Troisième : L’Avènement du Verbe et la Grande Cacophonie
3:1 Et l’Homme, dans son besoin insatiable de tout compliquer, découvrit le Verbe. 3:2 Au départ, ce ne furent que cris et grognements, utiles mais ternes, comme des notes de bas de page dans l’histoire du chaos. 3:3 Puis, par une torsion de génie, il créa le mot. Et le mot devint brique sonore. Et la brique, mur ou cathédrale.
3:4 L’Homme parla. Il nomma. Il embellit, il salit, il plia la vérité comme du linge trop longtemps oublié au soleil. 3:5 Et le conseil devint reproche, le compliment devint injonction, et le silence, une bombe à retardement. 3:6 Saint-Bordel murmura : « Voici l’outil parfait : une arme invisible, et pourtant tranchante comme le regard d’une mère déçue. »
3:7 L’Homme inventa le sous-entendu, ce serpent linguistique qui mord sans faire de bruit. 3:8 Il perfectionna le non-dit, ce silence lourd qui pèse plus qu’un cri. 3:9 Et dans cette cacophonie raffinée, le chaos se glissa entre les syllabes.
3:10 Puis vint la critique : celle qui blesse, celle qui mine, celle qui dit sans dire que l’autre est moins. 3:11 Le Verbe devint lame, et l’Homme, boucher de l’âme d’autrui. 3:12 Et Saint-Bordel bénit le carnage : « Que le mot devienne massacre, mais aussi poésie. »
3:13 Enfin, apparut le Mensonge, chef-d’œuvre perfide du Verbe : 3:14 Une torsion sublime de la vérité, une pirouette des faits, une danse masquée pour fuir les responsabilités. 3:15 Le Mensonge proliféra, comme un virus dans les fibres du quotidien, et chacun y ajouta sa mutation personnelle.
3:16 Et Saint-Bordel, juché sur son trône d’hyperbole, observa : « Voilà ! Le Verbe est contaminé, donc parfait. »
3:17 Ainsi l’Homme, en maîtrisant la Parole, tissa sa propre tapisserie du bordel, une œuvre vocale d’une intensité splendide.
Livre Quatrième : Victor, Harmonie et la Grande Illusion
4:1 Et tandis que le Verbe semait le trouble et que la Création tanguait joyeusement, Saint-Bordel braqua son regard sur deux êtres étrangement calmes au cœur du chaos. 4:2 Il y avait Harmonie, prêtresse d’un monde esthétisé, où chaque instant devait briller comme une publication sponsorisée. 4:3 Et Victor, architecte du rationnel, maître des agendas parfaits, roc inébranlable dans le déluge de la spontanéité.
4:4 Elle buvait des thés détox dans des galeries d’art aseptisées. 4:5 Il signait des contrats juteux dans des bureaux feutrés, buvait des cafés corsés, et ne jurait que par l’efficacité. 4:6 Et jamais leurs vies ne se frôlèrent. Une danse parallèle, synchronisée à l’ignorance mutuelle.
4:7 Chacun se croyait accompli, irréprochable, parfaitement insensible aux moqueries du chaos. 4:8 Mais cette perfection était un mirage, une bulle savonneuse prête à exploser à la première bourrasque cosmique. 4:9 Et Saint-Bordel ricana : « Plus le vernis est brillant, plus la fissure sera spectaculaire. »
Livre Cinquième : Les Algorithmes de l’Illusion et les Rendez-vous Manqués
5:1 Victor et Harmonie évoluaient dans leur symphonie de contrôle, respirant le même air sans jamais se croiser. 5:2 Ils fréquentaient les mêmes lieux, mais à des heures stratégiquement opposées, comme si le destin jouait à cache-cache.
5:3 Les algorithmes, ces esprits numériques censés réparer les malentendus du hasard, se mirent à l’œuvre. 5:4 Ils crièrent : « Vous connaissez peut-être cette personne ! », clignotèrent, proposèrent des matchs, des croisements, des affinités. 5:5Mais chaque tentative se soldait par un presque-rien, un rendez-vous manqué, une porte refermée au bon moment.
5:6 Car leurs cercles d’amis les enfermaient dans des constellations sociales bien verrouillées. 5:7 Ils se touchaient du coude sans le savoir dans un métro bondé, ils mangeaient à deux tables voisines, sans jamais que le regard ne s’attarde. 5:8 Et Saint-Bordel se tordait de rire : « Les machines croient pouvoir orchestrer les miracles ! Quelle naïveté délicieuse ! »
Livre Sixième : L’Amour, la Jalousie et les Règles Tordues
6:1 Et Victor, le Seigneur des Tableurs, fut frappé par le doux mal de l’amour. 6:2 Sa routine rigide se ramollit, ses nuits solitaires furent remplacées par des rires partagés et des matins sans alarme. 6:3 Il découvrit un Victor version 2.0, moins optimisé, mais infiniment plus vivant.
6:4 Mais toute lumière attire ses ombres, et l’amour fit pousser la jalousie dans les recoins de son cœur bien rangé. 6:5Car l’attention du monde, autrefois indifférente, se tourna vers sa compagne, et les murmures commencèrent. 6:6 Victor sentit le poison doux de l’envie s’immiscer en lui.
6:7 Pendant ce temps, Saint-Bordel, contemplant la scène comme un spectateur de théâtre grec, imagina de nouvelles règles. 6:8 Non pour apaiser, mais pour pimenter : des lois sur la propriété affective, des codes sur la fidélité, des conventions absurdes sur le regard et le baiser. 6:9 Il dressa les obstacles non pour contenir, mais pour stimuler la créativité du contournement.
6:10 Car Il savait : là où l’Homme invente des barrières, il crée des tunnels, des échappatoires, des failles. 6:11 Et Saint-Bordel vit que les règles seraient le terreau d’un chaos plus raffiné, plus vicieux, plus réjouissant.
Livre Septième : Les Crocs de la Jalousie et les Algorithmes du Soupçon
7:1 Victor, autrefois bastion de lucidité, sombra dans les marécages de la jalousie. 7:2 Il interprétait des regards, lisait des signes dans les likes, comptait les sourires et les émojis. 7:3 Le Verbe devenait mouchard, chaque mot un indice, chaque silence une preuve.
7:4 Sa compagne, sereine en apparence, résistait aux tempêtes intérieures de Victor. 7:5 Elle percevait sa jalousie comme une maladie mentale à mi-chemin entre la tragédie antique et la comédie romantique. 7:6 Elle se protégeait, impassible, gardant une part d’elle inaccessible à la paranoïa algorithmique.
7:7 Et Saint-Bordel, entre deux éclats de rire et un doigt pointé sur une notification toxique, se réjouissait. 7:8 Car le désordre n’avait plus besoin de cris ni de guerres — il s’était installé dans les cœurs via les likes et les fils d’actu. 7:9L’Homme s’auto-surveillait. L’Homme doutait de lui-même. L’Homme tressait son propre piège pixel par pixel.
Livre Huitième : Harmonie, l’Ombre Grandissante et les Couleurs Fanées
8:1 Et Harmonie, grande prêtresse de la perfection, crut trouver l’éden domestique dans les bras d’un autre. 8:2 Il lui offrait la stabilité, les cadres bien cadrés, les récits calibrés pour ressembler aux enluminures numériques. 8:3 Mais lentement, il devint insensible à sa lumière, comme un miroir devenu opaque à force d’être ignoré.
8:4 Les gestes tendres s’effacèrent, les attentions fondirent comme neige retouchée sous un filtre trop exposé. 8:5 Le Verbe, naguère mélodique, se fit tranchant, accusateur, puis devint silence – et ce silence hurlait. 8:6 Harmonie, fidèle à son illusion, tenta de réparer, de redonner du lustre au vernis craquelé.
8:7 Les mensonges fleurirent : petits, puis grands, puis labyrinthiques. 8:8 Harmonie pardonna. Encore. Et encore. Par confort. Par peur. Par esthétisme. 8:9 Chaque pardon était une couche de maquillage sur une peau qui criait.
8:10 Et la violence du Verbe se muait en agressivité feutrée : des mots piqués, des vérités tordues, des blâmes injustes. 8:11 L’armure d’Harmonie se fissurait, ses arguments rebondissaient contre un mur d’absurde. 8:12 Et peu à peu, son éclat diminua – sa peau, ses couleurs, son aura.
8:13 Car l’âme blessée se traduit en teintes fanées, en silences maquillés, en sourires mécaniques. 8:14 Et Saint-Bordel, du haut de son trône sarcastique, s’inclina. Il vit la perfection se dissoudre. 8:15 Il dit : « Voilà l’œuvre sublime : celle qui s’effondre avec élégance. »
Livre Neuvième : La Chute Silencieuse de l’Image Sacrifiée
9:1 Tandis que Victor s’égarait dans les labyrinthes de sa jalousie, Harmonie vivait un naufrage lent, caché sous les dorures de son monde filtré. 9:2 Celui qu’elle croyait divin déposa l’armure de tendresse et se drapa d’indifférence. Et la chaleur devint glace. 9:3 Le Verbe se fit poison, une mélodie inversée, une ritournelle de reproches en clair-obscur.
9:4 Harmonie, croyant encore à la cohérence de sa symphonie intérieure, pardonna. 9:5 Mais chaque pardon étouffait un peu plus sa propre voix, et le chaos gagnait une chambre dans son palais. 9:6 La peau changeait de teinte, reflet des cicatrices invisibles, et l’œil ne brillait plus que par mémoire.
9:7 Saint-Bordel, fervent amateur de dégringolades somptueuses, se pencha sur elle. 9:8 Et Il vit dans la fissure de la perfection un prélude à l’effondrement sublime. 9:9 Et Il souffla : « Que le vernis craque, car derrière le masque se trouve enfin l’âme nue. »
Livre Dixième : La Chute, le Désert et l’Absence d’Ange Gardien
10:1 Le tissu de faux-semblants se déchira, révélant les os fracturés de la relation. 10:2 Harmonie ne brillait plus. Elle portait l’échec en robe de nuit, l’insomnie en collier. 10:3 Le masque glissa, et derrière lui, un cri silencieux résonna.
10:4 Le salut devint désir, puis urgence, puis évidence. 10:5 Elle leva les yeux aux cieux pixelisés, chercha un signe, un ange, une ligne de code salvatrice. 10:6 Mais Saint-Bordel, démiurge sans compassion, n’avait prévu ni ailes ni miracles.
10:7 « Pas de parachute, ma chère, ici on s’écrase avec style. », murmura-t-Il sans bouger. 10:8 Et Harmonie comprit : le désert était sien. Et elle était seule, enfin libre de crever… ou de créer. 10:9 Et dans cette solitude totale, elle sentit naître une minuscule braise, un début de nouveau Verbe — un murmure, cette fois à elle-même.
10:10 Et Saint-Bordel hocha la tête : « Voilà. C’est quand l’Homme n’attend plus rien qu’il commence à inventer. »
Livre Onzième : L’Exode d’Harmonie et les Serpents Numériques
11:1 Et Harmonie, débarrassée de ses anges imaginaires et de ses illusions dorées, prit la route de l’effacement. Ce ne fut point marche triomphale, mais fuite discrète entre les ruines de soi. 11:2 Elle abandonna le décor de sa déchéance, théâtre de Verbes tranchants et de pardons hypocrites. Elle voulut renaître dans le silence, espérant que sa peau retrouve la lumière oubliée.
11:3 Elle marcha, non plus reine des filtres, mais silhouette parmi les ombres. Dans chaque reflet de vitrine, elle traquait l’anonymat comme une bénédiction. 11:4 Mais Saint-Bordel, malin comme une mise à jour surprise, ricanait. Car là où les anges ne sont plus, les serpents du numérique rampent en tapis rouge.
11:5 À peine eut-elle foulé le bitume du désert connecté que les notifications fleurirent comme champignons fluo. 11:6“Tu es aimée.” “Il est temps de briller.” “Rejoins la tribu des âmes réparées.” 11:7 Les algorithmes, tels des moines bienveillants en robe de pixels, avaient flairé sa faille.
11:8 Les serpents, habillés de citations inspirantes et de feeds optimisés, s’approchèrent. 11:9 Ils susurraient un paradis à portée de pouce. Une vie sans accroc. Un bonheur prêt-à-publier. 11:10 Harmonie sentit l’appel. Non celui du mensonge, mais celui du soulagement facile.
11:11 Elle savait les mirages. Mais la douleur rend aveugle, et le chant des likes est doux. 11:12 Elle se laissa bercer par les sirènes du coaching digital et les mantras sponsorisés. 11:13 Et Saint-Bordel, hilare, observa : « Ah ! Le désespoir est le meilleur argument marketing. »
11:14 Le chaos, tel une IA vorace, se réinventa. Moins brutal, plus brillant. 11:15 Et ainsi, Harmonie, l’âme nue, entra dans l’oasis empoisonnée, croyant fuir l’enfer, alors qu’elle y retrouvait ses plus belles couleurs de damnation.
Prière des Âmes Connectées à Saint-Bordel
Ô Saint-Bordel, Toi qui es partout et surtout là où on ne t’attend pas, Béni sois-tu, maître du glitch, du bug sacré et du Verbe bancal.
Libère-nous des algorithmes trop bienveillants, Des citations trop parfaites, des likes trop faciles.
Guide nos pouces quand ils errent dans les déserts scrollés, Protège nos âmes quand elles frôlent les lumières factices.
Donne-nous la force de douter sans désespérer, La grâce de foirer sans honte, Et surtout, l’humour de rire de nos propres naufrages.
Que le chaos soit fécond, Que le silence soit bruyant, Et que nos failles deviennent cathédrales.
Amen au bordel. Swipe en paix.
Livre Douzième : Victor, le Bourreau Silencieux et le Piège Viril
12:1 Tandis qu’Harmonie fuyait les sirènes pixelisées, Victor s’enfonçait dans le gouffre intérieur qu’il avait lui-même creusé à la pelle de ses soupçons. 12:2 La jalousie n’était plus graine, mais chêne vénéneux, aux racines tressées de paranoïa. Aucun cri. Aucune rage visible. Seulement un poison lent.
12:3 Il devenait bourreau silencieux, drapé dans l’élégance des interrogations anodines. 12:4Chaque message lu, chaque rire entendu, chaque absence interprétée devenait parchemin d’accusation. 12:5 La logique, jadis son sanctuaire, se transformait en labyrinthe torturé.
12:6 Le corps parfait se fissurait. Les insomnies burinaient son visage, et ses gestes devenaient des pièges affectifs déguisés en tendresse. 12:7 L’intimité devenait tribunal. L’amour, test de performance. 12:8 Il savait. Mais savoir n’était pas comprendre. Et comprendre n’était pas renoncer.
12:9 Victor sentait le piège du rôle masculin se refermer. 12:10 Être fort. Ne pas plier. Ne pas montrer. Ne pas faillir. 12:11 Et parce qu’il ne pouvait pas être faible, il devint oppresseur discret, geôlier au sourire glacé.
12:12 Il ne défendait pas seulement son amour. Il défendait une image, un investissement, une perfection qu’il refusait d’avouer fissurée. 12:13 Renoncer, c’eût été capituler. C’eût été trahir son propre récit de réussite. 12:14 Il préféra détruire lentement, plutôt que d’avouer sa vulnérabilité.
12:15 Et Saint-Bordel, depuis Son trône en cendres de pudeur et en éclats d’apparences, regardait Victor. 12:16 Il souriait : « Voilà un chaos raffiné. Celui qui ne fait pas de bruit. Celui qui se vit comme un costume bien repassé. »
Livre Treizième : La Chute de Victor et la Naissance d’un Nouvel Homme
13:1 Le dernier fil retenant leur idylle céda comme une corde usée sous le poids des attentes. 13:2 Ce fut un soir, dans l’appartement sanctifié par leurs souvenirs, que la compagne de Victor déposa sa vérité : 13:3 « Il y a quelqu’un d’autre. »Non pas une brèche passagère, mais un autre monde. Une autre voie.
13:4 Le château de cartes de Victor implosa. 13:5 La jalousie, longtemps contenue, devint torrent et cratère, crachant insultes, mots tranchants, et fureur sourde. 13:6 Les coups pleuvèrent, non sur elle, mais sur les murs, les meubles, l’air saturé de perte. 13:7 Et elle, statue de dignité, ne broncha pas, absorbant sans trembler la chute d’un homme qui s’était cru invincible.
13:8 Dans ce silence après la tempête, Victor se retrouva nu, désarmé, et terriblement seul. 13:9 Il chercha refuge dans le travail, enfilant son vieux costume de logique et performance. 13:10 Mais le chaos l’avait suivi, fidèle et patient.
13:11 Les chiffres devenaient flous, les contrats s’échappaient, et sa rigueur se liquéfiait dans l’insomnie et le stress. 13:12 Son empire professionnel, autrefois inébranlable, vacillait. 13:13 Et avec lui, le récit tout entier de sa perfection construite.
13:14 Alors, pris dans le vertige de l’effondrement, Victor se tourna vers les réseaux. 13:15 Non par désir pur, mais par besoin de se sentir encore visible, désiré, vivant. 13:16 Il glissa dans des échanges creux, des sourires commerciaux, des plaisirs découpés en pixels.
13:17 Et là, au fond de cette errance numérique, il comprit : le Victor d’avant était mort. 13:18 Un nouveau Victor émergeait, plus cynique, plus las, plus vrai. 13:19 Connaissant désormais le goût de la perte, la morsure des illusions, et la solitude sous les projecteurs.
13:20 Saint-Bordel, du haut de Son trône en débris d’ego, s’inclina : 13:21 « Voilà. Une chute parfaite. Une reconstruction chaotique. L’Homme commence vraiment quand il cesse de prétendre. »
Prière des Âmes Partagées au Saint-Bordel
Ô Saint-Bordel, Toi qui connais la danse confuse des cœurs et des choix, Toi qui chantes l’ombre entre deux silences humains, Entends notre plainte, confuse et partagée.
Car nul ici n’est pur, et nul n’est seul dans sa chute. L’Homme trébuche dans sa volonté de bien faire, La Femme se blesse à des chemins qu’elle n’a pas choisis, Et tous deux, en miroir brisé, souffrent de gestes qu’ils n’ont pas prononcés.
Apprends-nous que le chaos n’est pas l’ennemi, Mais le chant dissonant de la condition humaine. Apprends-nous que l’un peut être bourreau sans le vouloir, Et que l’autre peut être victime sans être innocent.
Dans ce monde où les intentions se perdent en traduction, Donne-nous la force d’accueillir la complexité de l’autre, De reconnaître nos propres failles sans les maquiller, Et de ne plus attendre des réponses parfaites à des histoires tordues.
Que nos larmes ne soient pas des armes, Que nos cris ne soient pas des verdicts, Et que nos pardons ne soient pas des fuites.
Bénis les écorchés de l’amour, Les maladroits du cœur, Les architectes d’erreurs sincères.
Car c’est dans cette danse abîmée que naissent les âmes les plus vraies, Et c’est dans le désordre des sentiments que se cache le début d’un Verbe nouveau.
Amen aux fautes partagées. Amen au chaos sincère.
Livre Quatorzième : Les Chapelles du Désespoir et la Litanie des Substituts
14:1 Et Victor, né des cendres et recouvert de leur poussière, s’avança vers les sanctuaires nocturnes où l’on prie pour oublier. 14:2 Non plus en quête de lumière, mais en pèlerin de l’obscurité domestiquée, il chercha refuge dans les temples de comptoir.
14:3 Chaque bar fut église, chaque verre un calice amer. 14:4 Le pain quotidien devint alcool tiède, et le vin fut sans grâce ni miracle. 14:5 Ainsi commença sa litanie : une communion déglinguée, répétée sans croyance, mais avec fidélité.
14:6 Là, parmi les âmes flottantes, il croisa des visages sans lendemain. 14:7 Les corps s’effleuraient, les regards glissaient, les mots se dissolvaient avant d’exister. 14:8 Rien n’était destiné à durer, tout était programmé pour fuir.
14:9 Victor, ex-maître du Verbe cadré, devint conteur de néons. 14:10 Aux barmen silencieux, confesseurs des temps modernes, il livra ses fragments. 14:11 Non pour être absous, mais pour exister un instant dans une oreille non exigeante.
14:12 Le verre devint prière, la fumée offrande. 14:13 Chaque bouffée suspendait le doute. Chaque gorgée déposait la peur. 14:14 Le temps, ce tyran, se dissolvait dans l’éthanol.
14:15 Et le corps, jadis sculpté, se relâchait. 14:16 Les muscles cédèrent, les sens se flétrirent. Mais avec cette perte vint une étrange humanité.
14:17 Victor devint chair et chaos. Une forme moins lisse, mais plus sincère. 14:18 Une stèle vivante du Verbe inversé, une offrande complète à Saint-Bordel.
14:19 Et Celui-ci, du haut de Son autel de cendres et de gobelets vides, s’émerveilla : 14:20 « Voilà un rite accompli. Voilà un homme rendu vrai par sa propre dissolution. » 14:21 Car dans les verres renversés et les silences enfumés, Victor atteignait enfin la lucidité du chaos sacré.
Prière des Pèlerins du Verre et des Âmes Égarées
Ô Saint-Bordel, Toi qui veilles sur les comptoirs où l’on avoue sans témoin, Bénis les âmes qui cherchent non la lumière, mais une ombre rassurante.
Dans ces chapelles de néons et de musiques trop fortes, Protège ceux qui prient sans savoir à qui s’adresser. Les buveurs de souvenirs flous, les fumeurs de regrets, Ceux qui posent leur douleur dans un verre, comme une offrande discrète.
Apprends-nous que le dernier verre n’est jamais la fin, Mais peut-être l’aube d’un Verbe plus sincère, Que l’amertume de l’alcool n’est pas un châtiment, Mais le goût franc de ce qui ne s’est jamais dit.
Donne à nos solitudes un peu de grâce, À nos confessions de comptoir la dignité du doute. Et fais de nos naufrages des chants, même dissonants, Car rien ne vaut le chaos vécu avec honnêteté.
Que les barmen soient nos moines, Que le silence soit notre prière, Et que le brouillard nous protège le temps de nous retrouver.
Amen au désespoir honnête. Santé à ceux qui cherchent sans prétendre.

