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Lettre à Aurore

Lettre à Aurore

Pubblicato 10 ago 2025 Aggiornato 10 ago 2025 Romance
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Lettre à Aurore

Ma chère Aurore,


Je te cède ma place avec joie. Elle n’est plus tout à fait chaude, néanmoins je te la confie, et je sais que très vite, passé le premier instant douloureux, tu y seras à l’aise et choyée.


Quelle joie aurais-je eue de te serrer dans mes bras pour cette passation ! Hélas, c’est impossible. Tu viens un peu tard pour cela. Oui, c’est bien toi qui lambines ! Ce n’est certainement pas moi qui me précipite !


Il y a peu, je relisais mon cher Voltaire. Comme il sait être drôle et plein d’esprit ! Je crois que je l’ai toujours un peu jalousé. Enfin, j’ai trouvé dans sa correspondance avec son ami Damilaville, à qui il croyait pouvoir attribuer un poste en académie, cette mystérieuse phrase : « Heureusement, la place qui vous est promise n’est point encore vacante ; on aura tout le temps de faire valoir vos droits si bien établis ». Je crois que c’est cette ironie qui m’a inspiré l’idée de t’écrire.


À l’heure où je tiens la plume, il est vrai, la place n’est pas vacante. Heureusement pour moi, sans doute ! Mais j’ai besoin de vacances, et c’est ton droit de venir, le droit le mieux établi du monde ! Celui-là seul qui se crée de lui-même : il suffit de le réclamer, de sortir et de le prendre, comme on prend un souffle d’air.


Outre l’idée même d’une lettre – idée saugrenue, j’en conviens –, c’est cette phrase qui m’a suggéré cette histoire de passation. C’est vrai, c’est idiot, mais puisque nous franchissons toutes deux la même frontière, à si peu de temps d’intervalle l’une et l’autre, et chacune en sens contraire, j’ai trouvé cela adéquat ! Qu’en penses-tu ?


Je crains maintenant que, lorsque tu me liras, tu ne me prennes pour une folle ! Mais je n’étais pas folle ! Qu’ai-je été ? Oh, mon Dieu, bien des choses. J’ai d’abord été une enfant, tu t’en doutes. Mais quoi ? Je l’ai bel et bien été ! Alors, je le dis ! Mieux, je l’affirme. Et j’affirme l’être encore un peu. J’ai été une petite fille heureuse, même pendant les pires privations. Je courais sur les chemins et chantais pour faire oublier à mes sœurs combien elles avaient faim. Seigneur, cela n’a pas duré, mais, Seigneur, ce fut dur tant que cela dura. Rien, pourtant, ne m’aurait enlevé le bonheur de les voir gazouiller des comptines imbéciles en cueillant le serpolet pour la tisane. Ils te la feront goûter, cette tisane. Ils te les feront chanter ces comptines.


Après la victoire, j’ai été adolescente. Le croirais-tu ? Belle. Convoitée. Demandée ! Mais amoureuse. Alors, je disais non à tous mes prétendants, bien que je les laissasse tout de même me faire danser au bal de la fête votive. Jusqu’à ce qu’enfin, il trouvât le courage. Ou que la jalousie l’y obligeât, qui saura jamais ? Je l’ai aimé. Je l’aime. Je te souhaite une chose semblable. Je ne dis pas « la même chose », car rien n’est jamais tout à fait identique, même dans l’éternel retour.


J’ai aussi été étudiante ! Brillante ! Bien que mon professeur de philosophie me battrait s’il lisait ma dernière remarque sur l’éternel retour... Je m’en moque ! Moi, je dis que c’est Nietzsche qui n’a rien compris, et qui ne se comprenait pas lui-même ! Laisse les hommes te dire quoi faire, puis pense le contraire et fais l’inverse ! Voilà mon conseil.


Il n’en demeure pas moins que… quoi, est-ce un homme ? Ou est-ce la vie ? En tout cas, l’un ou l’autre m’a fait le cadeau d’être mère. Voilà ce que, surtout, j’ai beaucoup été, pour le bonheur incommensurable de n’avoir plus qu’un seul instrument de mesure, valable pour tout et partout : eux, eux, eux.


J’essuie une larme et me relis : voilà que j’oublie de t’écrire, puisque je m’écris. Alors, ne parlons plus de moi, parlons de toi, parlons de ce qui vient. Et qu’est-ce qui vient, d’ailleurs ? Si tu me lis, c’est que tu sais lire, et que, sans doute, tu sais déjà. Mince, cela me fait le même effet : en pensant à ce qui vient, c’est à nouveau à moi que je fais face.


Ce qui vient, d’abord, je ne l’ai pas conçu, comme toi-même tu ne le concevras pas avant un moment. C’était hors de ma portée d’enfant. Puis, j’ai compris, un jour, et cela m’a rendue triste. Triste, oui, mais pour les autres, car c’était encore hors de moi, fait pour autrui, trop éloigné de mon petit sort ! Quand j’ai su que cela m’attendait, j’ai pris peur et me suis débattue ! Avec quelle rage et quel acharnement ! Quelle soif de vivre avais-je alors ! Comme j’eusse aimé que tu me voies. Puis, peu à peu, les choses se sont inversées. Elle s’est mise en avant, moi en retrait. Et cela fait maintenant longtemps que c’est moi qui l’attends. Elle me tend les bras, à moi ; et moi, je te tends les bras, à toi ; mais toi, tu ne les as pas encore ouverts, ni à moi ni à ta mère.


Toi qui vas naître, et moi disparaître, n’y a-t-il pas entre nous un commerce des plus équitables ? Je te cède ma place, et tu vas la prendre, en pleurant d’abord, en riant bientôt. Et moi, je prends ta place dans le néant de l’inexistence, avec des larmes de joie. Ce qui nous sépare n’est rien. Naître et mourir, à nous deux, c’est renaître.


Ton arrière-grand-mère Renée, qui t’aime et qui s’en va ce jour où tu viens, et qui aurait de tout son cœur aimé te connaître.

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