Ecstasy
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Ecstasy
Je crois bien ne jamais m’être frotté à la littérature japonaise auparavant. J’ai débuté avec ce roman, Ecstasy de Ryû Murakami. Autant dire que j’ai démarré fort. Peut-être un chouïa trop fort même. Mais je n’y suis pas pour grand-chose dans le choix du livre ni de l’auteur. C’est mon ami Patrick qui me l’a mis dans les mains avec un laconique « tiens, faut que tu lises ça ». Quoiqu’en y réfléchissant bien, dans le cas présent je ne sais pas si on peut réellement parler d’ami. Quel ami offre un truc pareil ??* Parce que laissez-moi vous dire que ce Ecstasy, c’est tout sauf un livre comme les autres…
Alors je vais de ce pas essayer de vous planter le décor.
Ça démarre à New-York. Miyashita y travaille pour une boîte de production vidéo japonaise, en tant que jeune assistant de production. Au détour d’une rue du Bowery, il rencontre un SDF, japonais lui aussi, qui l’aborde avec une énigmatique question « Sais-tu pourquoi Van Gogh s’est taillé une oreille ? ». Puis le vagabond lui donne un bout de papier avec un numéro de téléphone pour quand il sera de retour au Japon. S’il appelle ce numéro, on lui donnera de l’argent…
C’est ce que fait Miyashita une fois rentré à Tokyo. Mais l’interlocutrice à l’autre bout du fil n’est pas du tout ce à quoi il pouvait s’attendre. Il va faire la connaissance de la maîtresse SM ultime, Keiko à la beauté magnétique, qui va être son initiatrice dans un monde nouveau et insoupçonné pour lui jusqu’alors. Il va donc expérimenter d’une part l’univers sado-maso et d’autre part la drogue, à travers la cocaïne et l’ecstasy principalement. Il va rapidement être entraîné au centre d’un étrange trio SM, composé de Keiko mais aussi de Yazaki, le faux SDF richissime rencontré à New-York, et de Reiko** une actrice résidant à Paris et qui fut l’esclave sexuelle du couple Yazaki / Keiko.
Bon, bon, bon. Voilà, voilà, voilà.
Franchement, ça commençait plutôt pas mal. Intrigant et tout. Et puis on bascule rapidement dans le SM, et là… Attention quand je dis SM, c’est pas la version combinaison de cuir et fouet à deux balles et j’aime autant vous le dire tout de suite, ça n’a rien à voir avec le pseudo-SM à sa mémère de 50 nuances de gris. Ici on est au Japon messieurs-dames : le Marquis de Sade aurait certainement rendu son quatre heures fissa s’il avait dû tester ce SM-là ! C’est pas pour les fillettes. Les midinettes en mal de sensations n’ont qu’à bien se tenir, elles vont être servies. Au Japon on te file pas trois claques sur les couilles en t’obligeant à crier « pardon maîtresse ». Non, leur kif à eux, c’est plutôt l’humiliation profonde, la plus cérébrale possible d’ailleurs, et si possible à base d’excréments c’est quand même beaucoup mieux. Il y est question de soumission extrême, mais on va bien au-delà de la douleur physique. Tant que le masochiste ne connaît pas la honte suprême et la frustration sexuelle poussée à son paroxysme, tant qu’il ne se vautre pas dans la merde en en redemandant une double-ration pour la route, le sadique ne sera pas satisfait. Et même là, ça ne sera encore qu’un début…
Alors je le savais déjà mais là j’en ai eu la confirmation nette et sans bavure, le sado-masochisme ce n’est pas du tout pour moi. Je n’y trouve non seulement aucune source même de la plus petite excitation, mais je n’y vois pas le moindre début d’intérêt. Pourtant je ne me considère pas comme quelqu’un qu’on puisse facilement choquer (moi j’aurais vachement mieux réussi le test de Belmondo que Anconina passe dans Itinéraire d’un enfant gâté !!). Mais là on est au-delà de tout. C’est juste dégueu. Mais pas que. J’ai trouvé ça aussi très vain, profondément vain. Et là, si c’est à la fois dégueu mais aussi vain, je décroche. Je veux bien lire des trucs horribles, mais il faut que ça ait du sens, même caché, même un peu. Là, ce que j’ai ressenti, c’est surtout la volonté de choquer le bourgeois lecteur. L’envie de surenchérir dans la provocation. J’y ai vu beaucoup de démonstrations du « moi je sais raconter des trucs glauques et gerbants », mais au-delà de ça, beaucoup de vide aussi. Surtout du vide en fait.
Ce qui fait que l’effet crade recherché est obtenu dans un premier temps, mais au lieu d’exacerber la curiosité, au lieu de titiller l’envie de savoir, on comprend assez vite qu’il n’y a rien à découvrir derrière, et de fait, on se lasse très, très vite. Du coup c’est de l’indifférence que cela a éveillé chez moi. Je me suis ennuyé, mais d’une force !! La lecture d’ Ecstasy est devenue un calvaire pour moi. Mais pas parce que ce que j’y lisais était vomitif (ce qui était certainement le but recherché par l’auteur) mais parce que c’était long, répétitif, et que du coup ça ne me faisait plus rien d’autre que bâiller (et ça je doute que c’était voulu comme effet). Le calvaire c’était d’en terminer avec un récit qui n’en finissait pas de mener nulle part.
Alors il faut savoir que ce roman est le premier d’une trilogie définie par Murakami comme les « monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort ». J’en resterai personnellement au premier volet donc. Je finis toujours un livre que je commence, mais je ne suis pas masochiste (décidément pas !) au point de me farder toute une trilogie dont le premier tome m’a été aussi lent et pénible à lire.
Je passe donc mon tour sur ce coup-là.
Si je termine en disant que ce roman ne fait pas partie de ceux que je conseille, vous aviez déjà compris ou bien ?
Cela dit, s’il y a des partisans des pratiques sado-maso un peu hardcore dans la salle, faites-vous plaisir, infligez-vous Ecstasy !
* bon, pour être parfaitement honnête, il m’en a filé deux des bouquins en même temps, celui-ci et Le Chuchoteur de Donato Carrisi, dont j’ai pensé le plus grand bien. Comme quoi, on ne peut pas gagner à tous les coups !
** ben oui, comme vous c’est ce que je me suis dit, Keiko et Reiko, il aurait pu choisir des prénoms un peu plus éloignés pour éviter les confusions aux lecteurs occidentaux. Nathalie par exemple.
Cet article a été initialement publié sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com