La nef des fous
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La nef des fous
Les livres de SF se suivent mais ne se ressemblent pas. Il y a peu de temps je vous causais de Vision aveugle, véritable concentré de hard-science et de concepts bien perchés. Avec La Nef des fous de Richard Paul Russo, on navigue dans de toutes autres eaux. Pourtant il y a des similarités dans l’histoire, en particulier le premier contact entre les humains et ce qui semble être un vaisseau d’origine extraterrestre… Mais avant d’en dire plus, voici de quoi on parle dans La Nef des fous…
L’infini de l’espace. Un vaisseau gigantesque, l’Argonos erre sans réel but. En son sein, il abrite toute une société d’humains. Ils voyagent depuis longtemps, très longtemps, trop longtemps. Des générations et des générations. Plus personne ne sait quand le voyage a débuté, ni d’où ils sont partis (de la Terre ?). Les archives ont été détruites, la mémoire commune s’est effacée progressivement depuis. À bord, la vie est organisée sur une société à plusieurs niveaux. En haut de l’échelle les dirigeants, navigateurs et politiciens, riches et privilégiés. Et en bas, les soutiers, les manutentionnaires, les mécanos, les ouvriers de tous types qui œuvrent à l’entretien de l’immense vaisseau pourtant clairement sur le déclin… Chapeautant l’ensemble, il y a le clergé, avec l’Évêque à sa tête, qui est en perpétuelle lutte d’influence avec les officiers de navigation pour la mainmise sur le vaisseau. Le personnage principal du roman est Bartolomeo Aguilera, orphelin et mal-formé de naissance, contraint de vivre engoncé dans un exo-squelette. De basse origine mais doté d’un intellect supérieur, il est devenu le conseiller du Capitaine Nikos Costa.
Quand l’Argonos capte un signal probablement d’origine humaine sur une planète proche, baptisée Antioche par l’Évêque, décision est prise de se rendre sur place. Ce que l’équipe d’exploration découvre est inattendu : il s’agissait bien d’une colonie humaine, mais cette dernière a été clairement massacrée. Une boucherie. Par qui, pourquoi ? Mystère. Le capitaine décide de quitter Antioche, mais la rébellion gronde dans le bas-peuple : un grand nombre de gens veulent s’installer sur cette planète et enfin se soustraire à leur vie cloisonnée à bord du vaisseau. Bientôt un autre mystère se présente : un vaisseau est détecté dans les alentours d’Antioche, cependant il reste silencieux et ne donne aucun signe de vie à son bord. Tout semble laisser croire qu’il est d’origine extraterrestre…
D’entrée de jeu, le monde créé par Richard Paul Russo s’avère intéressant. Pas tant dans son principe de base qui est somme toute plutôt classique (une société composée de castes, la caste supérieure profitant de la classe inférieure, on n’est pas loin d’une vision de la société à la Mélenchon), ni dans ses personnages assez caricaturaux (le capitaine et surtout l’Évêque sont quand même bien basiques et monolithiques, seul Bartolomeo tire son épingle du jeu, de par son apparence et son statut à part). Mais l’ensemble est plutôt cohérent et malgré le décorum SF, on est surtout plongé dans un portrait de société, des relations entre groupes d’humains, et de lutte de pouvoir. Et l’autre thème qui est ici clairement développé et investigué par l’auteur, c’est la confrontation à l’inconnu, l’étrange, et l’étranger. Même si la conclusion un peu bateau « on est tous l’étranger d’un autre » semble poindre le bout de son nez dans ce récit, tout n’est pas forcément aussi simple qu’on peut le croire.
J’ai apprécié le personnage principal, assez torturé dans son genre, loin d’être idiot mais indécis face à l’inconnu, et pas toujours sûr d’être à sa place dans cette société si particulière de l’Argonos. J’ai trouvé la description du pouvoir religieux en place un peu caricatural, bien que plutôt proche de la façon dont je m’imagine ce type d’institution de manière générale (ce qui ne prouve rien d’autre sinon que j’ai moi-même des idées caricaturales parfois). C’est en fait surtout l’ambiance que l’auteur instaure dans son livre qui m’a plu et m’a tenu en haleine, bien plus finalement que ce qui s’y passe réellement. Ce qui, à froid, m’amène à en dire que si j’ai plutôt apprécié ma lecture, ce roman n’est pas pour autant à classer parmi les indispensables dans son genre. D’ailleurs pour ceux qui n’aiment pas ne pas avoir le fin mot de l’histoire sur absolument tous les aspects du récit, ce roman risque même de s’avérer être une petite déception, car il n’explique finalement pas grand-chose, et laisse pas mal de pistes ouvertes. Le lecteur se trouve ainsi libre d’imaginer ce qui lui plaira le mieux. Liberté qui n’est pas toujours appréciée par tout le monde, alors autant prévenir avant…
Un roman de SF qui brille donc surtout par l’ambiance du récit. Si vous avez l’âme d’un explorateur des tréfonds de l’espace, lancez-vous !
Cet article a été initialement publié sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com
Jean-Jacques Hubinois 2 anni fa
Cette nef des fous apparaît bien différente de celle du journal quotidien de Michel Onfray!
La science-fiction est toujours passionnante quand elle décrit un possible proche. C’est pourquoi les multiples histoires, toujours courtes, de Philip K Dick m’ont toujours interpellées.
On ne sait pas trop si c’est le héros qui parle ou une copie dans un monde parallèle et l’on est déstabilisé bien que l’histoire reste en soi banale et touche "monsieur tout le monde ».
Un monde parallèle tellement possible que l’on ne sait même pas que nous y sommes!
Je crois comprendre qu’ici on devine mal la finalité de l’auteur, mais le thème, bien que classique, peut être intéressant.
Cette nef des fous apparaît bien Je vais le glisser dans ma valise pour cet été!
Merci à vous.
Stéphane Hoegel 2 anni fa
Merci à vous Jean-Jacques pour ce commentaire.
Je partage votre avis sur Philip K. Dick, ces réalités parallèles mais si proches, et le thème qui revient souvent dans ses récits : la mémoire.
Si la SF vous intéresse, "Vision Aveugle" de Peter Watts que j'ai chroniqué précédemment, pourrait également vous intéresser.
Très bon été de lecture à vous !
Jean-Jacques Hubinois 2 anni fa
Cette nef des fous apparaît bien différente de celle du journal quotidien de Michel Onfray!
La science-fiction est toujours passionnante quand elle décrit un possible proche. C’est pourquoi les multiples histoires, toujours courtes, de Philip K Dick m’ont toujours interpellées.
On ne sait pas trop si c’est le héros qui parle ou une copie dans un monde parallèle et l’on est déstabilisé bien que l’histoire reste en soi banale et touche "monsieur tout le monde ».
Un monde parallèle tellement possible que l’on ne sait même pas que nous y sommes!
Je crois comprendre qu’ici on devine mal la finalité de l’auteur, mais le thème, bien que classique, peut être intéressant.
Je vais le glisser dans ma valise pour cet été.
Merci à vous