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CHAPITRE XII

CHAPITRE XII

Pubblicato 31 ott 2024 Aggiornato 31 ott 2024 Humor
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CHAPITRE XII

Où il est démontré que la politique est un monde féroce

Le 3ème adjoint obtient aisément que le projet de la rue Monorgueil soit proposé lors du Conseil municipal suivant, avec une présentation par son initiateur, en présence de diverses associations choisies par lui-même.

La salle des fêtes est donc réquisitionnée sans que l’adjoint chargé des festivités puisse s’y opposer.

En tout état de cause, il aurait conservé une distance raisonnable, sentant que le 3ème adjoint disposait de soutiens importants.

Et en outre, une très bonne amie à lui, qui est étudiante en communication, obtient un stage rémunéré.

L’initiateur de ce projet de première importance écologique, qui permettra de disposer d’un espace aéré, et calme, dans cette ville bruyante et polluée par les voitures des habitants des communes alentour, mettra fin à cette dérive mécanique.

En effet, la partie de la rue Monorgueil concernée par ce projet est l’axe pénétrant de la nationale irrigant l’ensemble du nord de la ville.

Il suffira d’ouvrir un parking à l’extérieur et de prolonger la ligne de tramway.

L‘adjoint en charge du service voirie tentera bien une intervention timide soulevant la difficulté de modifier l’ensemble des sens de circulation.

Mais devant l’enthousiasme du public associatif présent, devant le silence d’une grande partie des adjoints et conseillers, admiratifs qu’ils sont de l’habileté tactique du 3ème adjoint, le Maire ne peut que faire voter oui au projet.

Le seul espoir qui lui reste est l’ensevelissement du projet par la commission de gestion des interventions, qu’il charge, en dernier ressort, de fixer les missions de chacun.

Cet espoir sera vite balayé par l’intervention de l’adjoint en charge, qui lui indique que le planning a déjà été organisé grâce au travail admirable de certaines associations que le 3ème adjoint se charge de promouvoir.

L’adjoint au budget, lui donne le coup de grâce en indiquant, sous les applaudissements du public qui ne cessent pas depuis l’intervention de l’adjoint en charge de la gestion des interventions, en confirmant que la demande d’aides européennes pour la végétalisation et l’irrigation économe et raisonnée, a d’ores et déjà été acceptée à hauteur de 70 % du budget initial.

La rage au ventre, le Maire se réjouit officiellement de ces bonnes nouvelles, ne peut s’empêcher de lancer un regard haineux à tous ces traitres qui n’existent que grâce à lui, félicite le 3ème adjoint de son implication dans le projet qu’il s’engage à présenter lui-même, lors d’une réunion, à tous les riverains de la rue Monorgueil.

Il charge immédiatement le secrétaire général de Mairie d’organiser cette réunion dans les plus brefs délais, et se tourne vers le public en l’invitant à venir pour tenter de récupérer partie du moment de gloire du 3ème adjoint.

Il est constant que les élections se jouent systématiquement sur les franges et minorités, dès lors que l’inertie de la masse des « administrés » partage les voix à 49/49%.

Il ne fait, toutefois, pas état de l’intercommunalité dont il est président, mais se réserve ce plaisir…

Il lève enfin cette séance désastreuse, mais instructive.

Il quitte le Palais municipal et se dirige vers un petit studio qu’il loue depuis des années, juste à côté de la sortie arrière du restaurant gastronomique de la place de la Mairie.

Il s’installe confortablement avec un verre de sa boisson préférée, et active son second téléphone portable.

Le lendemain, tout guilleret, le Maire pénètre dans la Mairie par la porte de service.

Il ressent une drôle d’impression, se sent observé et malgré un tour d’horizon, ne relève aucun élément différent, ou à même de l’inquiéter.

Il se convainc de sa paranoïa découlant des situations et traitrises de la veille.

Il reprend sa marche et traverse le hall où il croise et salue le gardien de nuit qui finit sa dernière ronde.

Le gardien semble se retenir de parler, et cette hésitation cumulée avec le sentiment précédent, le fait s’arrêter pour discuter avec cet agent.

« Il est rare que nous nous croisions. Je dois avoir modifié mon horaire d’arrivée de quelques minutes. »

« D’habitude, quand vous arrivez je suis encore dans les couloirs du premier étage de l’annexe. Je le sais parce que je vous entends ouvrir votre bureau avec le silence qu’il y a. »

« Je crois que vous tenez un cahier de vos rondes, n’est-ce pas ? »

« Je le remets chaque matin au responsable de la sécurité de la Mairie. »

« Ce n’est pas au service de sécurité du Maire ? » : tente le Maire

« J’aimerais bien, monsieur le Maire. Ce serait plus simple. » répond l’agent qui continue : - « Je me suis engagé comme gardien dès que vous avez été élu, parce que vous défendez les principes des gens comme moi. »

Ne voulant pas le brusquer, le Maire lui demande de poursuivre sa ronde et ses activités, tout en marchant à ses côtés. Il sent que cette journée va être pleine de renseignements et d’informations utiles.

Ils discutent de choses et d’autres et le Maire découvre l’histoire de cet agent qui, après 12 ans dans la Légion, a dû mettre fin à sa carrière lorsque son épouse est tombée gravement malade.

En rémission depuis presque 6 ans, elle élève avec son mari, leurs 2 enfants adolescents.

C’est un homme qui transpire le port du militaire tant dans sa démarche que dans son expression verbale.

Sa haute stature et ses épaules larges démontrent la poursuite d’une intense activité sportive.

Son visage semble difficilement souriant mais avec le regard vivant de ses anciennes expériences mortelles.

Le Gardien dépose le cahier de ronde au service sécurité et se prépare à quitter le bâtiment.

« Allez-vous changer et rejoignez-moi dans mon bureau pour prendre un café. »

Le gardien jette un œil vers le bureau de la sécurité et après une brève hésitation que le Maire note avec intérêt, laisse ses sentiments prendre le dessus et accepte l’invitation de son élu.

Lorsqu’il pénètre dans le bureau, le Maire sent toujours cette impression de retenue et décide, face à la rectitude d’un ancien militaire, d’aborder la question frontalement et directement !

« Tenez, voici votre café. Monsieur Berger, vous avez remarqué, entendu, perçu, ressenti des choses que je dois savoir ! Dès que l’on est à un poste comme le mien, on se trouve totalement isolé… »

« Et j’ai besoin de retrouver le contact précieux de gens comme vous. »

Il laisse s’installer un silence pour que son agent puisse s’exprimer mais ce dernier hésite encore. Il s’agit, à l’évidence de quelque chose de grave.

« Tout va bien, Monsieur Le Maire. Les adjoints et les conseillers sont sympas. Mais vous savez, je les vois peu du fait de mes horaires. » dit l’agent en lui tendant un papier plié qu’il a dû rédiger au vestiaire.

Le Maire, dont l’oreille est formée à l’écoute des non-dits, est dorénavant convaincu, que l’un ou plusieurs membres de son équipe municipale a commis un acte que réprouve son gardien.

Il ouvre le papier sur lequel est indiqué le café de la place dans une petite commune à quelques kilomètres et l’horaire de 17 h 30.

Le Maire, conscient de l’inquiétude que son agent a de croiser quelqu’un en partant, met fin à la rencontre avec des remerciements, en acquiesçant de la tête au rendez-vous fixé.

Il est temps de resserrer les rangs, se dit-il. Il devient urgent de faire un tri sauvage…

Le rendez-vous du soir sera pour le moins instructif sur les moyens utilisés pour prendre sa place, volonté dont il ne doute plus, des membres de cette conspiration.

Faut-il se méfier de son parti ? Ou seulement des autres ?

La démission du 3ème adjoint de son parti lui redonne un certain espoir quant au soutien de sa direction partisane et du Mouvement Autonome de Promotion Unitaire du Centre Extrême.

Son adjoint n’aurait pas quitté son parti, autrement !

Quoique !

Philosophe tout en étant attentif, il décide d’y repenser après son RV d’enquête.

Ce matin-là, le secrétaire général de la mairie fait parvenir un mémo, indiquant qu’il sera absent pour l’AM pour pouvoir accompagner sa mère à un examen médical.

Le Maire, avec ses années d’expérience humaine, il a 56 ans, ses 25 ans comme chef d’entreprise avec de nombreux salariés et ses 10 ans de politique, se dit, avec un sourire, que le manque de contrôle au sein de l’administration n’améliore pas la qualité des excuses.

Un second mémo l’informe que plusieurs adjoints souhaitent le rencontrer au cours d’une réunion informelle dont le rapport sera conservé au service de sécurité de la Mairie.

La date proposée est celle du deuxième mardi du mois, de 10 heures à midi. Une collation sera organisée pour suivre.

C’est la semaine prochaine, constate le Maire.

Le Conseil se réunissant le mardi à partir de 15 heures, il s’attend à des demandes de vote !

Sur ces entrefaites, le 3ème adjoint sollicite un entretien que le Maire accepte.

Il lui fait part de l’avancée technique du projet. Il remet le cahier des charges et d’enquête publique.

Le Maire est suffoqué de n’avoir pas vu venir les accords conçus dans son dos !

Même dans son entreprise, jamais un tel projet n’aurait pu être formalisé en si peu de temps.

Son 3ème adjoint est en contact, sinon de connivence, avec le promoteur de la végétalisation de la rue Monorgueil.

Il propose même le nom d’un commissaire enquêteur sensibilisé aux pollutions des véhicules.

Lorsque l’adjoint pose sur son bureau, les projets d’affiches et les différents articles de presse couvrant toute la période de campagne de promotion de ce même projet, il sait qu’il a perdu et que les prochaines élections seront particulièrement combatives !

Il lui faut absolument mettre son adjoint en porte-à-faux face aux « administrés ».

Il est déjà 16 heures 30 lorsque l’adjoint quitte le bureau du Maire avec un sourire satisfait que remarqueront les personnes qu’il croise.

Le Maire range brutalement le dossier et ferme son bureau, pour se rendre à son rendez-vous avec le gardien de nuit, monsieur BERGER.

Là aussi, les personnes qui avaient trouvé le sourire de l’adjoint particulièrement satisfait, constateront que le Maire est particulièrement tendu.

Ce dernier prend sa voiture, et se fera flasher dès la sortie de la ville, en oubliant que les nationales sont désormais limitées à 80 km/h.

Et le pire, pense-t-il, c’est qu’il est à l’origine de cette installation de radar, avec l’appui relationnel de son 3ème adjoint !

« Berger a intérêt à avoir des infos ! » marmonne-t-il sous le coup de la colère.

Son sens politique le ramène à la raison et lui fait regretter d’avoir cherché un bouc émissaire.

« N’allons pas perdre un allié ! ».

Il se gare à quelques rues du café, en se rappelant la citation selon laquelle, toute personne qui n’est pas paranoïaque est une victime en puissance.

Il ne peut s’empêcher de regarder les autres passants et de chercher à se souvenir s’il en reconnait certains.

Arrivé au lieu de rendez-vous, il entre dans le café et s’installe juste après le bar, en commandant un demi au passage.

Il est 17 heures 25.

A 17 heures 45, il se fait le reproche de ne pas avoir réclamé le numéro de téléphone du veilleur.

A 18 heures, il quitte l’établissement et rejoint son studio, en ville.

Heureusement, son statut lui permet d’obtenir une table au restaurant étoilé près de chez lui, pour tenter de se détendre.

L’adjoint à la sécurité de la mairie, lui gâchera même ce moment en lui indiquant vers 20 heures 30 que le gardien de nuit n’a pas pris son poste et qu’il doit joindre une société de gardiennage pour le remplacer en urgence.

Il veut un SMS du maire l’autorisant à le faire.

Il faudra cependant organiser une réunion avec les différents services concernés, pour valider cette décision.

 

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