Journal d'un barbier sur le fil du rasoir, épisode 03
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Journal d'un barbier sur le fil du rasoir, épisode 03
Photo de cottonbro studio, Pexel
Journal d'un barbier sur le fil du rasoir, épisode 03
Putain, j’ai la rage ! Vous imaginez même pas comme ça me gonfle. Vous faites tout pour monter votre petit business et voilà qu’un crétin fait parler de lui et me vole ma célébrité !
Vous avez entendu parler de cet abruti de tueur invisible ? Ils arrêtent pas de dire son nom à la télé. Le tueur invisible par-ci, le tueur invisible par-là. En plus, c’est même pas lui qui travaille ! Il envoie deux types dans la nature et c’est eux qui se tuent ! Enfin, l’un doit tuer l’autre et l’autre doit se cacher suffisamment longtemps pour que le premier meure quand le chrono s’arrête. Il est où le travail artisanal ! On parle de lui alors qu’il se contente d’observer. Moi je ne joue pas au sniper, je viens au corps, je travaille du couteau, ou plutôt au rasoir.
Putain je vous raconte pas comme j’ai envie d’aller lui tailler un sourire à ce tueur invisible. Il a intérêt à se bouger le cul le commissaire Lewis qui s’occupe de l’affaire, parce que ça me gonfle sérieusement. En plus, je peux rien faire pendant ce temps. Un, parce que j’ai la rage et que ça risque de me faire faire des conneries, et deux, parce que je risque de faire juste un bandeau pendant que lui fait les gros titres. Ou pire, passer inaperçu.
Faut que je passe mes nerfs sur quelqu’un.
J’exulte ! Merci au tueur invisible. J’ai compris qu’il me fallait frapper au hasard quand j’ai décidé de passer mes nerfs sur quelqu’un. Avec tous ces flics qui font des profils et finissent par nous repérer comme à la télé, j’ai décidé de laisser le hasard faire. Pas de liens entre les victimes, pas de profils types, pas de date récurrente, rien. Le hasard total.
J’étais en vadrouille et j’ai commencé à regarder, à chercher quelqu’un. Vous savez le genre : lui il a l’air cool, elle trop jolie, lui trop musclé. J’avais l’impression de remplir une fiche pour une agence matrimoniale ! J’ai rigolé tout seul comme un con. Ça m’a détendu. Alors je suis parti. Des fois qu’on m’ait vu en train de rire comme une baleine derrière mon volant. J’ai filé direct à la campagne, y’a moins de caméras dans les bleds paumés, moins de circulation. Y’a moins de gars qui fréquentent les salles de sport aussi. Bref, les cibles sont moins sur la défensive et bim, j'en ai trouvé une.
Je roulais tranquille et à un moment, il fallait que je me soulage la vessie. J’arrête la voiture auprès d’un arbre en bois comme le chantait Renaud, et, j’allais faire pleurer le colosse quand j’ai vu plus loin, au travers de la végétation, une tente. J’ai bien fait de ne pas verser mon offrande, ça aurait laissé des traces de mon passage. J’ai remballé la marchandise et j’ai attrapé mon sac à dos. Genre le gars qui vient casser la croute au bord d’une rivière. Y’en avait une. Là, je vois le type qui pêchait tranquille. Il a tourné la tête quand je suis arrivé avec un hochement de tête pour dire bonjour. J’ai fait pareil. Puis, j’ai chuchoté pour pas faire peur aux poissons. Comme ça le gars, probablement un étudiant, il s’est dit que je respectais sa pêche, son campement, son intimité. Je lui ai montré que j’allais juste bouffer un sandwich en le sortant de mon sac. Et, j'ai attendu un peu plus loin.
Pas de bruit de voiture, pas de promeneur. Y’avait juste le gars, les poissons et moi. Enfin les poissons c’est vite dit. J’avais l’impression que ça mettait des plombes à mordre ! J'avais presque fini mon sandwich. Soudain le gars s’est levé en tirant sur sa canne. J’ai affiché mon plus beau sourire admiratif ! Il a remonté la poiscaille et j’ai fait mon curieux, comme si j’étais impressionné et ravi pour lui. C’est là qu’il a perdu toute notion de danger. Il était penché sur son poisson, me demandez pas lequel c’était. Avec sa pince, il commençait à triturer la bouche pour dégager l’hameçon. Je me suis dit que le gars, si on lui faisait ça, y’aurait longtemps qu’il hurlerait. Alors, pendant qu’il était absorbé à sa tâche, j’ai chopé mon rasoir, et hop ! Je maitrise le geste comme les loubards avec leurs crans d’arrêt. Le poisson, il a rien dû comprendre en recevant tout le sang sur la gueule. Ça m’a fait marrer ! T’imagines la bestiole MDR, elle est là en train de se faire retirer l’hameçon, elle sait qu’elle va crever et puis d’un coup, elle se prend le sang du pêcheur sur la tronche. Pas le sien, mais celui de son bourreau MDR. J’aurais bien aimé savoir ce qu’il a pensé le poisson. L’autre s’est affalé en continuant de pisser son sang et le poisson il se tortillait à côté comme s’il se marrait en se tapant les côtes. J’ai eu pitié de lui quand même alors, j'ai coupé la ligne et je l’ai poussé du pied dans l’eau. Ça me fait drôle de savoir qu’il y a un poisson maintenant qui se trimballe avec hameçon en guise de piercing dans la lèvre et que ce poisson c’est le seul témoin qui peut m’identifier !
Bon, j’avoue, ça va pas faire les gros titres. D’un autre côté, maintenant que je me sens mieux, c’est pas plus mal. Le tueur invisible il sait pas lui qu’il a fait du bon boulot en prenant la vedette. Il m’assure une certaine discrétion. Après tout, plus je suis discret, plus j’aurai des trucs à vous raconter. En attendant, si vous voyez un poisson se balader avec un hameçon planté dans la lèvre inférieure et un petit bout de ligne de trois centimètres, vous penserez à moi. Je kifferai même de voir passer la photo sur les réseaux sociaux avec une super légende. J’espère que ça sera sur Panodyssey. Je l’aime bien celui-là parce qu’il y a pas de trolls et qu’on peut lire de super trucs. Bon, je commenterai pas hein ! Ou alors un truc innocent. Oui, je kifferai, ça c’est sûr.
Notes
Le tueur invisible existe bel et bien ; du moins sous la plume d'Angelo Casilli. Vous trouverez son roman ici. J'ajouterai certainement mon avis sur Panodyssey puisque je rapatrie l'ensemble de mes écrits sur cette plateforme.
Journal d'un barbier sur le fil du rasoir | Épisode 01 |
Journal d'un barbier sur le fil du rasoir | Épisode 02 |
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Jackie H 8 mesi fa
J'adore quand le barbier se préoccupe plus du poisson que du pêcheur qu'il vient de trucider... le parfait psychopathe quoi 😆
Jean-Christophe Mojard 8 mesi fa
Merci pour l’appréciation et heureux de vous avoir fait sourire. J’avoue que ça m’a beaucoup amusé aussi. Je pense le faire réapparaître dans un chapitre maintenant qu’il est identifiable 😅