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Les quatre éléments de Colette

Les quatre éléments de Colette

Pubblicato 1 ago 2024 Aggiornato 1 ago 2024 Cultura
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Les quatre éléments de Colette

L'innocence

Jean Cocteau, qui a été l’ami et le voisin de Colette dans son dernier appartement du Palais-Royal, l’a décrite comme un être évoluant par delà bien et mal. Étonnant, dans une époque où les questions morales étaient si importantes ! Quand l’œuvre de Mauriac se ronge et se retourne dans un lit de remords, les personnages de Colette dorment profondément du sommeil des justes. On ne peut que constater l’absence de toute inquiétude morale dans son œuvre -et autant qu’on puisse en juger, dans sa vie.

Cette sérénité lui vient-elle d’un état d’esprit conventionnel ? Non, bien sûr. Mais contrairement à la légende, les livres de Colette n’ont pas été si transgressifs -ou juste ce qu’il fallait. En tous cas, bien moins que ceux d’Alfred Jarry ou d’Octave Mirbeau.

Son originalité est ailleurs. Chez Colette, tout baigne dans l’innocence. L’athéisme et l’indifférence morale ne semblent pas le résultat d’un long  combat, d’un arrachement, de douloureuses réflexions (comme chez André Gide par exemple). Colette parle de tout avec une entière liberté, sans forfanterie, et toujours avec élégance, même dans les situations les plus scabreuses. Pour elle, c’est tout naturel : le désir fait force de loi.

La sensation

Colette fuit les idées et les raisonnements. On lui a reproché d’être superficielle. En fait, son credo peut se traduire par cette pensée de Paul Valéry : « ce que l’homme a de plus profond, c’est la peau ». La sensation est la matière première de son écriture. Il lui arrive de se laisser aller à la réflexion (Le Pur et l’impur, La Naissance du Jour), mais c’est plutôt rare. Colette assume cette primauté donnée aux sens. Elle fera dire à l’un de ses personnages :

« Moi, c’est mon corps qui pense. (…) Toute ma peau a une âme. »

L’écriture, chez Colette, suppose de savoir regarder, goûter, toucher, écouter. A l’opposé de Marguerite Yourcenar dont l’art procède par un mouvement d’élévation, Colette a le nez dans les pâquerettes. Mais quelle force d’attention ! Quelle finesse d’observation ! L’art de Colette tient d’abord à son regard, et ensuite à son écriture merveilleusement souple et précise :

« Une sorte de sourire descendit de ses yeux à sa bouche… »

En la lisant, on a parfois l’impression que le temps se ralentit, ou qu’elle voit bien plus que les 24 images par seconde qui suffisent à notre médiocrité…

Les bêtes

La présence des animaux dans l’œuvre de Colette est très discrète. Ils sont les protagonistes principaux de deux œuvres seulement : Douze Dialogues de bêtes et La Chatte (dans une moindre mesure, Les Vrilles de la vigne). Sur cinquante livres, c’est peu ! Pourquoi l’image de Colette est-elle invinciblement restée attachée aux bêtes ? Parce qu’elle en parle comme personne. Il semble que les frontières normales qui existent entre nous et les animaux, ne valent plus pour Colette. Elle les regarde du même œil qu’elle observe les hommes, avec beaucoup d’attention et une légère ironie.

Colette étant parfaitement athée, les hommes ne sont pas traités comme des créatures divines, à la dignité inaliénable. En revanche, les animaux sont doués de sentiments qu’un autre écrivain appellerait humains. Ainsi, la chatte Saha triomphe d’une épouse jalouse (La Chatte) après avoir été victime d’une tentative d’assassinat. Grâce aux antennes ultrasensibles de l’auteure, ce panthéisme réjouissant nous met de plain-pied avec l’ensemble du monde vivant.

Forts et faibles

La délicatesse et l’élégance du style de Colette n’empêchent une certaine brutalité dans sa conception de l’amour. A travers lui, les caractères se révèlent. Presque toujours, les hommes sont inconsistants sous sa plume. Les femmes sont plus fortes et plus déterminées. Totalement dépendant de son amour pour son épouse, Michel (Duo) se suicide à la première trahison. Dans Le Blé en herbe, Vinca provoque Phil, adolescent indécis, prompt aux larmes et aux évanouissements.

Dans son œuvre, l’amour se déploie souvent dans une dialectique de domination. Il s’agit de se jouer de l’autre pour parvenir à ses fins amoureuses. Mais l’enjeu est aussi de se dominer soi-même, et ses propres passions, pour éviter de tomber dans une dépendance non consentie. Dans Chéri, Léa est âgée et croit voir partir son jeune amant sans trop de regrets. En fait, elle s’illusionne sur ses propres sentiments, un peu comme le narrateur d’Albertine disparue. Et elle sera broyée par l’absence du jeune homme.

 

Pour approfondir : Colette, sur Littératurefrançaise.net

 

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