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L'humanisme à la Renaissance : les lettres en ébullition

L'humanisme à la Renaissance : les lettres en ébullition

Pubblicato 19 ago 2024 Aggiornato 19 ago 2024 Cultura
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L'humanisme à la Renaissance : les lettres en ébullition

A la fin du XVe siècle et pendant tout le XVIe siècle, de nombreux érudits et écrivains se mettent à travailler dans une nouvelle direction. Pic de la Mirandole, Érasme, Guillaume Budé, Rabelais, Marguerite de Navarre, Montaigne et La Boétie (entre autres) ont en commun des admirations, des rêves et parfois des projets. Bien plus tard, au XIXe siècle, on les appellera les humanistes.

Cette fièvre intellectuelle transforme profondément la langue, la littérature et les thèmes de réflexion. Comme les peintres et les sculpteurs de la même époque, les intellectuels sentent qu’ils participent à une mutation majeure dans l’histoire. C’est le monde moderne qui commence.

 

Retour aux sources

Contrairement à un préjugé répandu, le Moyen-âge pensait. Mais la philosophie ne sortait guère de l’Université. Copiés à la main, les livres coûtaient cher et circulaient difficilement. Les polémiques intellectuelles restaient très encadrées et confinées. La grande affaire était de réussir à concilier  Aristote et le dogme chrétien.

Mais au XIVe siècle,  Pétrarque montre et suscite autour de lui un enthousiasme nouveau pour l’antiquité, au-delà de la figure d’Aristote. Cette appétence continue à croître et à partir de 1450, le développement de l’imprimerie vient mettre les textes dans toutes les mains. On commence à discuter, à s’interroger sur les traductions existantes et sur les transformations successives des textes des philosophes grecs ou des auteurs latins. L’état des connaissances sur l’Antiquité grecque, en particulier, paraît très lacunaire et fondé sur des traductions contestables. Guillaume Budé convainc François Ier de créer des chaires pour le grec, le latin et l’hébreu. Érasme ose retraduire le nouveau testament. Partant à la chasse aux manuscrits dans toute l’Europe, les érudits traduisent et font publier des œuvres majeures de l’Antiquité. On redécouvre peu à peu l’immense paysage culturel de l’Antiquité grecque et latine.

De l'admiration à la création

Ce retour aux sources greco-latines (qu’on peut observer aussi dans la sculpture) s’accompagne d’un geste créatif. Les intellectuels de la Renaissance ne veulent pas se contenter d’être des compilateurs, des traducteurs ou des commentateurs. Tout en admirant l’Antiquité, ils se sentent capables de faire quelque chose à leur tour, avec leurs propres aspirations et dans leur langue.

L’écriture des Essais de Montaigne témoigne bien de cette ambition. Alors que les premiers chapitres noient le propos dans un flot d’anecdotes tirés de Plutarque ou de Tite-Live, l’écrivain prend peu à peu confiance et affirme davantage sa personnalité, ses idées et son style à mesure que son livre avance. De même, l’immense érudition de  Rabelais ne l’empêche pas de créer une langue profondément originale. Sur un volet plus théorique, la Défense et illustration de la langue française de Joachim du Bellay encourage les écrivains à écrire en français, langue en friche mais qui selon lui a un formidable potentiel littéraire !

Nouveaux horizons littéraires

Le rêve d'une langue totale

Alors qu’ils auraient pu s’épuiser dans une imitation stérile de la littérature antique, les humanistes et leurs émules enrichissent et font vivre leur langue. Ils ne cherchent pas non plus à la calquer sur le goût de la cour.  Montaigne n’hésite pas à utiliser des expressions gasconnes.  Ronsard recommande aux poètes de fréquenter les artisans pour tirer de leur pratique des mots et des métaphores nouvelles.

Mais c’est peut-être chez  Rabelais que ce rêve d’une langue embrassant tous les registres prend sa forme la plus aboutie, dans des pages qui vont du scatologique à la rhétorique classique, en passant parfois par des récits d’allure franchement surréaliste ou fantastique !

« Les formes de parler, comme les herbes, s’amendent et se fortifient quand on les transplante. »

Montaigne, Essais, livre III, ch. 5.

Nouveaux genres

Les genres littéraires médiévaux sont abandonnés ou profondément renouvelés par les auteurs de la Renaissance. Inspiré de Boccace, l’Heptaméron de Marguerite de Navarre n’a plus grand chose à voir avec les fabliaux et les contes du Moyen-âge mais ressemble davantage à ce qu’on appellera plus tard la nouvelle. Avec Pantagruel (1532) et Gargantua (1534), François Rabelais signe sans le savoir la naissance du roman moderne. Les Essais de Montaigne (1580), méditations libres où il est question de l’art de manger avec ses doigts comme des fondements de la connaissance, donnent lieu à un nouveau genre littéraire (l’essai) qui acquiert une grande fortune en Angleterre notamment (Francis Bacon, Essays, 1597).

L'éducation en chantier

Dans un ouvrage écrit à l’âge de 23 ans et que l’on présente souvent comme le manifeste de l’humanisme, Pic de la Mirandole fait tenir à Dieu un discours où nous pouvons encore nous reconnaître :

« Je ne t’ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ni immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d’un bon peintre ou d’un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme. »

Pic de la Mirandole, De la Dignité de l’homme, 1496

Voilà un programme qui allait occuper les siècles à venir. Dans ce contexte, l’éducation revêt une importance majeure. Pour les humanistes, l’enjeu de l’apprentissage est bien autre chose que de faire passer un contenu d’une cervelle à une autre : il s’agit de donner les moyens à chaque enfant de s’accomplir librement en tant qu’homme. Au XVIe siècle, Rabelais et Montaigne s’emparent du sujet avec passion, en préconisant l’épanouissement du corps, mais en insistant aussi sur l’intérêt de l’expérimentation, du voyage et de tout ce qui se passe en dehors de la classe. L’apprentissage devient une manière d’être au monde !

Les débuts de la pensée critique

L’humanisme est initialement un appétit de lecture, de découvertes et de traductions. Les érudits ne sont pas des contestataires, ils veulent simplement qu’on les laisse mener leurs recherches, qu’on leur permette par exemple d’élaborer des traductions plus précises des textes sacrés. Le pouvoir ecclésiastique réagit brutalement. Il se sent menacé. S’il autorise chacun à avoir son opinion, que deviendra son autorité ? Peine perdue : le ver est dans le fruit. L’examen et la critique n’épargneront bientôt plus aucun domaine.

En plus de chercher la petite bête, les humanistes ont un autre défaut : ils ne peuvent pas s’empêcher de rêver. La découverte d’un nouveau continent ne pousse pas Montaigne à mettre en place des projets commerciaux lucratifs, elle l’amène à s’interroger sur les notions de barbarie et d’altérité. Pourquoi considérer les coutumes différentes des nôtres comme barbares ? Au contraire, la vie modérée des indigènes du Brésil ne met-elle pas en relief  notre propre démesure ?

"Or, je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare ni de sauvage dans cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage, tout comme, à la vérité, nous n’avons pas d’autre mire pour jauger la vérité et la raison que l’exemple et l’idée des opinions et des us du pays où nous sommes. Là sont toujours la parfaite religion, le parfait gouvernement, le parfait et accompli usage de toutes choses." (Montaigne, Essais, livre 1, ch. 30)

En Angleterre, Thomas More va encore plus loin en inventant l’utopie, une société imaginaire dont le fonctionnement et les mœurs questionnent le bien fondé de nos usages (Utopia, 1516). La pensée critique avait de beaux jours devant elle !

 

Pour approfondir :

L'humanisme, sur Littératurefrançaise.net

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