CHAPITRE 17: FUNAMBULISME
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CHAPITRE 17: FUNAMBULISME
Au bout du couloir une fenêtre, elle donne sur le vide et sur une immensité bleue traversés de mouettes. Le haut/ la bas : Fragile. Où est la limite ? Fragile. J’aurai mangé du rêve. C’est si doux, si léger le rêve, évanescent et tellement rassurant le rêve. J’aurai ouvert les yeux, me serais laissée bercer le cœur et l’oreille, aurai étouffé les cris, parfois admiré le silence. Les dessins sur les murs disent le monde, les mains s’ouvrent et se referment comme pour retenir quelque chose. Les yeux en disent long.
Sur le fil un funambule résiste, il s’accroche à ses rêves. On peut encore y croire. Ne pas oublier de se laver les mains, surtout ne pas oublier. Il y a quelque chose qui pulse, c’est si léger, c’est fragile, on pourrait croire que ça va s’envoler. Il faudrait le retenir, ne pas le laisser s’échapper au bout du couloir vers la fenêtre, elle donne sur une immensité bleue.
Les mains s’ouvrent et se referment comme pour…dans le vide. Derrière la fenêtre, il y a les mouettes. C’est tellement rassurant ! Parfois il m’arrive de rêver. Je crois en l’absolue transparence du bleu qui berce le monde. Je n’ai pas oublié de me laver les mains, trois fois pour bien faire. Parfois, il m’arrive de rêver et je vois un funambule. Il ne marche pas sur un fil mais est au-dessus de son fil et il marche tout droit vers le bout. Il n’a pas peur, il sourit à lui-même, à son fil, au bout qu’il voit les yeux ouverts.
On ne ferme pas les yeux dans mon rêve, surtout quand ils en disent long. Il a ce sourire impénétrable qui n’appartient qu’à lui, je ne le comprends pas, je tente de lui faire des signes, je lui jette des cris, je veux le retenir mais il continue sa marche tout droit, au-dessus, bien au-delà sa marche. Je sais alors que je ne peux rien faire, mes cris sont avortés, mes signes se perdent pour mieux se résigner. Je ferme les yeux. Est-ce une fin en soi ? Le réel a dépassé ma vie, il est allé se nicher dans des territoires inconnus laissant place à des bribes d’irréel qui sont venus se loger dans mes creux avec tellement de force que la conviction a suivi.
Aujourd’hui encore je ne peux y croire. Certaines choses sont demeurées abstraites ou ont été délibérément maquillées par mon subconscient comme ne s’étant pas produites, n’ayant pas existées. Des choses pourtant pas anodines, ou devrais-je dire : justement pas anodines et qui ressurgissent malgré tout parce que le devoir de mémoire existe, des choses troublantes aussi et indicibles, qui ressurgissent malgré tout car elles ont été marquantes, qui ressurgissent malgré tout parce que c’est là désormais que je vais puiser ma force pour affronter ma vie, c’est là que je retourne pour réaliser, pour accomplir, qui ressurgissent malgré tout pour que rien, pas la moindre petite parcelle de vie partagée avec ses enfants n’ait été vaine, ni la mort qui nous les a ravi, ni la guérison qui leur a ouvert les portes d’un autre devenir. Enfin, qui ressurgissent malgré tout parce qu’en vérité, je ne veux rien effacer.