Cet espace minuscule et infini 10/10
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Cet espace minuscule et infini 10/10
[...] Il sort ainsi de ma chambre et de la vie de la Sérenissima. Personne ne remarqua sa disparition, tout le monde était en fête pour l'élection du nouveau Doge. On me rapporta que au moment dans lequel le nom de Ludovico Manin fut prononcé Grimani dit: "Ils ont fait Doge un Friulain, la République est morte", je l'ai su quelques sémaines après, une fois complétement rétabli. Pendant quelques jours la fièvre continuait à déscendre et grimper. Au matin j'entends Bepi qui cause avec Gina sur le palier, il parle de Padoue, puis il s'en va. Au soir il y du bruit dans l'entrée de mon palais. Des pas dans les escaliers. Bepi ouvre la porte de ma chambre, Andrea entre avec lui. Je n'ai aucune envie de le voir, mais je n'ai pas la force de le mettre déhors. Sans trop de préambules me dit: "je t'ai porté un unguent pour l'avant bras, ce n'est rien de grave, il faut juste un peu de patience, j'ai donné à Bepi un médicament pour ta fièvre. Il agit très vite, d'ici demain tu iras mieux. Puis il y a un remede pour tout le reste". Il sort sans rien ajouter, il ne me laisse pas le temps de lui poser des questions. Bepi arrive, passe l'unguent sur mon avant bras, je prends le médicament, je m'endors. Au matin, à mon réveil, je trouve à mes côtés le remede pour tout le reste. Foscarina est en train de me regarder avec la douceur de toutes les femmes que je n'ai jamais eu de ma vie, une douceur de mère, de soeur, d'amie, d'épouse. J'essaie de parler, ma mon coeur bats trop fort pour arriver à le faire. Nos yeux qui se croisent, me font oublier toute souffrance. Je souris, malgré tout ce que je viens de vivre. Avec infinie précaution Foscarina me caresse la tête, le front, le visage, la main. D'amour elle en a plein les doigts. Je me rendors. Heureux. Foscarine est avec moi. Je suis dans le port le plus sûr qu'on puisse imaginer.
[...]
Nous nous trouvions à Iskandaryia, en juillet, quand le Révolution des Français éclata. L'air de revolte ne s'était pas arrêté aux frontières, comme Antonio, l'ambassadeur de la Sérenissima avait prédit, l'Europe avait été arrachée à son paisible sommeil. Des troupes conduites par un ambitieux général corse avaient déferlé dans les pays voisins, en commençant par l'Italie. De peur que les possessions sur la terre ferme soient ravagés, les membres du Grand Conseil, en suivant la volonté du Doge, laisserent les français rentrer à Venise, sans se défendre, seuls les arsenalotti s'étaient battus, cela ne m'étonne point. Avec cette résolution toute destruction fut évitée, mais effectivement la République morut. Comme Grimani avait prevu, comme Paolo avait prevu. Ce qu'ils n'avaient pas prévu c'est que la Serenissime n'est pas finie avec la République. Pendant tous ces chamboulents elle était restée allongée dans cette poignée de miles carrés, dans cet espace minuscule et infini, qu'elle occupe sur Terre depuis plus de mille ans désormais.
Foscarine et moi, nous nous sommes mariés l'année même de la mort du Doge Renier. Peu après, les enfants sont arrivés. Elle m'a transmis sa passion pour la lecture, moi la mienne pour le vent et la liberté. Elle a resolu, à sa manière, le problème qui tant inquiètait Andrea. Elle n'est pas resté à la maison m'attendre à chaque retour de voyage. Elle a fait ce que personne ne s'attendait d'elle, ni Andrea, ni moi. Elle s'est embarquée avec moi, elle m'a suivi dans mes périples. Elle voyage comme quelqu'un qui a vu le monde d'en haut d'un livre avant de poser les pieds au sol. Je crois que c'est pour cela qu'elle a fini par apprecier chaque lieu dans lequel se trouve bien plus de n'importe quel autre voyageur. La beauté de tout ce qu'elle voit lui reste dans les yeux, car elle a appris à la cueillir avant de le rencontrer. Certaines soirs, nous descendons ensemble sur le quai, main dans la main. On regarde ensemble la mer, ou elle s'éloigne un peu. Je la laisse tranquille dans son univers. Il m'est impossible imaginer à quoi elle pense. Parfois elle regarde un point indéfini devant elle, comme un marin elle contemple la ligne du horizon. Parfois, bien au delà. Elle a les yeux pleins de nostalgie, maintenant je sais de quoi. Je pense à tout le chemin qu'elle au dû parcourir pour rejoindre la nostalgie qu'elle a depuis toujours au fond des yeux.
Il Consiglio dei Dieci, Supernova ed. Venezia 2022, pp 148-151.