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Journée d'enfer dans l'Au-Delà - Chapitre 4

Journée d'enfer dans l'Au-Delà - Chapitre 4

Pubblicato 5 giu 2024 Aggiornato 20 lug 2024 Adventure
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Journée d'enfer dans l'Au-Delà - Chapitre 4

Chapitre 4 - Réseaux et colonies

Vivre avec un Saigneur n’était pas aussi horrible que Cain le pensait. Il s’était attendu à être sans cesse rabaissé pour son manque d’expérience et ses idées « saugrenues », mais il s’était trompé. Samaël se comportait très normalement avec lui et ses amis, du moins, aussi normalement qu’il le pouvait. Hormis ses manières anciennes, sa manie de faire craquer son cou — sans doute pour les effrayer — dès qu’on essayait de le toucher et son humour décalé, il était plutôt facile à vivre.

Contrairement à Cléo et Tara !

La première avait harcelé leur hôte pendant une bonne demi-journée pour obtenir rapidement une connexion Internet. En effet, elle lui avait presque hurlé qu’elle devait rendre la suite de son scénario en urgence avant que son boss ne pète un câble ! Elle avait finalement obtenu ce qu’elle voulait en fin de journée, ainsi que la boîte à images – nouveau surnom de Samaël pour la télévision. Elle passait une bonne partie de son temps avec un ordinateur portable sur les genoux, assise dans le canapé du salon pour écrire ses scénarios.

Tara était pour sa part seulement supportable au moment des repas, lorsqu’elle avait la bouche pleine de nourriture. Le reste du temps, sa méfiance légendaire en faisait presque une paranoïaque. Elle ne cessait de surveiller les moindres faits et gestes de leur hôte, marmonnant quelque chose à propos d’un plan tordu qu’il devait mijoter dans son coin.

De son côté, Oscar était relativement discret. Lorsqu’il ne participait pas au ménage dans la demeure — ce qui semblait presque être la raison de sa présence — il lisait quelques livres sur les jeux de cartes. Il était très difficile de discuter avec lui, puisqu’il avait pour habitude d’envoyer balader tout le monde avant même qu’ils aient le temps de dire un mot.

Cain était quant à lui plongé dans des recherches pour trouver un moyen de faire avancer son projet. Malgré la difficulté de ce dernier, il ne voulait pas baisser les bras : tout le monde avait droit à sa seconde chance !

Mais vivre avec un Saigneur avait aussi son lot d’inconvénients !

Le matin de leur quatrième jour dans la maison de Samaël était déjà marqué par une routine bien en place. Réveillé le premier, le démon renard se chargeait de préparer le petit-déjeuner qu’ils prenaient tous ensemble. Il n’avait pas menti sur ses talents en cuisine. Comme d’habitude, il lisait son journal en buvant une bonne tasse de thé chaud.

— Eh ! lança Oscar en se tournant vers le Saigneur.

Ce dernier sembla comprendre que c’était à lui qu’il s’adressait et baissa le dessus de son quotidien pour le regarder.

— Je sais pas si tu es au courant, mais on parle beaucoup de toi sur les réseaux, continua l’ex-barman avec son habituel air grognon. Ton retour fait… du bruit en Enfer.

Samaël plissa légèrement les yeux, comme s’il essayait de savoir à quoi il pensait.

— C’est vrai, confirma Cléo en allumant son téléphone. Ton pétage de câble dans le bar a fait le tour, y’en a même un qui a essayé de faire une photo.

Elle montra son écran à ses amis, mais l’image était brouillée, comme si son téléphone était défectueux.

— Pas très réussie, commenta Cain en haussant un sourcil avant de se tourner vers leur hôte qui sirotait son thé d’un air innocent. C’est toi qui as fait ça ? interrogea-t-il avec curiosité.

— Il faut me comprendre, répondit-il en haussant les épaules. J’étais un peu sur les nerfs, et dans ces moments-là, je ne suis pas très élégant. Je préfère être sûr qu’aucune image désagréable de moi ne soit révélée.

— Par contre, Axon passe son temps à se foutre de ta gueule, continua Cléo en reprenant son téléphone.

Cette fois, le sourire de Samaël se crispa.

— On ‘arl’ d’cheloui ‘okel j’penche ? demanda Tara avec la bouche encore pleine.

— Si ta question est « on parle de celui auquel je pense ? », traduisit sa camarade, oui, c’est bien lui.

— C’est qui, Axon ? interrogea Cain, alors que Oscar se frappait la tête contre la table.

— Ce gosse va me tuer tant il est con !! s’exclama l’ex-barman avec désespoir.

— Bon, petit cours de rattrapage, tempéra Cléo avec une sagesse remarquable. Axon est un Saigneur et sans doute l’un des plus friqués des Enfers. C’est lui qui tient l’industrie des technologies modernes, donc les téléphones, les ordis, les télés, tout ça vient de lui. Il est aussi co-créateur des réseaux sociaux et dirige à peu près tout ce qui est de la médiatisation moderne.

— Et à ses heures perdues, c’est un égocentrique complexé, compléta Samaël en reposant sa tasse sur le bord de la table. Je ne l’aime pas et il ne m’aime pas, ça ne me surprend pas qu’il essaye de me tourner en ridicule.

— Justement, maintenant qu’on en parle, reprit Oscar avec le plus grand sérieux. T’as été absent un moment, et à cause d’Axon, tout le monde commence à douter de ta puissance. Après tout, on ne sait pas pourquoi tu as disparu et ce que tu as fait…

— Parce que vous n’avez pas besoin de le savoir, coupa le Saigneur avec légèreté.

— Je veux simplement dire que tous tes ennemis risquent de rappliquer s’ils ont l’impression que tu t’es affaibli.

— Serais-tu en train de t’inquiéter pour moi, Oscar ? jubila le rouquin avec un rictus moqueur.

— Ha. Ha. rétorqua-t-il avec un rire forcé. Non, c’est pour moi que je m’inquiète ! Si tous ceux qui te détestent rappliquent ici, on risque d’avoir la moitié des Enfers sur le dos !

— Tu t’en fais trop, s’amusa Samaël en se levant pour prendre la direction du salon. Personne ne serait assez idiot pour me mettre en colè…

Sa phrase fut interrompue par une bruyante détonation dans le hall d’entrée ! Se retournant brusquement, Cain eut à peine le temps de voir un morceau de la porte passer sous le nez du Saigneur. Ce dernier, bien que toujours souriant, semblait surpris de cette entrée fracassante. Et sans doute aussi de voir tout un bout de son mur arraché.

— OSCAR !! brailla une voix familière dehors. SORS DE LÀ, SALE CHIEN !

L’intéressé se leva d’un bond de sa chaise, la renversant au passage, avant de s’approcher du mur détruit. Cain quitta sa place aussi pour le suivre, espérant de tout son être qu’il avait mal entendu.

Mais malheureusement, il ne s’était pas trompé sur la personne : Raphaël était venu jusqu’ici, accompagné par une bonne dizaine de démons.

— Tu bosses pour moi, t’as oublié ?! lança-t-il avec mépris. Tu crois que te planquer chez un Saigneur va te sauver les fesses ? Tu vas vite revenir à la réalité. Quant à toi, Samaël, tu vas regretter de t’être aventuré sur mon territoire !

— On se connaît ? demanda le démon renard en haussant un sourcil.

Pendant un moment, Cain crut qu’il se fichait de leur assaillant, mais il semblait vraiment ne pas se souvenir de lui.

— Est-ce qu’on se… bredouilla Raphaël dont le visage devenait rouge de colère. Bien sûr qu’on se connaît ! Tu as détruit mon bar il y a quatre jours, vieille branche !

— Ça ne me rappelle rien, c’était sans doute insignifiant, soupira le rouquin en haussant les épaules.

— Tu vois ? intervint Oscar avec fureur. C’est de ça que je parle ! Partout où tu vas, tu te fais des ennemis et ils veulent en découdre à chaque fois ! Et maintenant, grâce à Axon, presque personne ne te prend plus au sérieux !

Le sourire de Samaël s’étira pour devenir presque diabolique. Entre deux battements de cils, ses yeux dorés devinrent rouge vif.

— Dans ce cas, ricana-t-il avec assurance, il est temps que je rappelle à tout le monde qui je suis… restez ici, je vous prie, je ne voudrais pas vous blesser par mégarde…

Cain vit ses mains gantées s’éclairer d’une vague lumière verte tandis qu’il s’éloignait de la maison. Face à lui, Raphaël semblait un peu trop rassuré pour que le blond se sente à l’aise. — Vous êtes sûr qu’on ne devrait pas l’aider ? interrogea-t-il en jetant un rapide coup d’œil à ses amis aussi immobiles que lui. C’est quand même du un contre douze !

— Si pendant son absence, il n’a pas diminué en puissance, il gagnera, répondit Oscar, la mâchoire crispée.

— Dis, puisque t’as l’air de bien le connaître, intervint Tara en essuyant la confiture qu’elle avait au coin de la bouche avec sa manche, tu penses que c’est normal, ça ?

Elle pointait du doigt le nuage noir qui s’élevait derrière la silhouette de Samaël. Regardant en alternance leur hôte et l’ex-barman, Cain remarqua l’expression sceptique de celui-ci.

— Euh, non… marmonna-t-il. Il s’est ramolli, là !

Ce constat, Raphaël devait l’avoir fait également, car il ordonna à ses sbires de passer à l’offensive. Mais à peine avaient-ils fait trois pas qu’ils s’arrêtèrent immédiatement. Une immense silhouette d’au moins quatre mètres de haut s’était dressée derrière le Saigneur. Elle avait l’air à peine humaine : grande et mince, avec des crocs très aiguisés ! Ce qui ressemblait vaguement à des bras se terminait par des griffes qui mesuraient un bon demi-mètre. Ses yeux étaient d’une intense couleur verte, sans iris ni pupille.

Un rire démoniaque semblait venir de Samaël, et un écho plus bruyant sortait de la gueule de la créature.

— VENEZ AFFRONTER LE DÉMON RENARD, MISÉRABLES INSECTES !!

Cain sentit des frissons remonter le long de sa colonne vertébrale en entendant la pointe de démence dans sa voix. Le monstre se jeta les démons les plus proches, et trois d’entre eux périrent d’un seul coup de griffes, découpés net. Raphaël sembla réaliser son erreur et déguerpit à toute allure, détalant comme un lapin. Ses sbires n’eurent pas cette chance et finirent déchiquetés sur le sol.

— Ça me fait vraiment chier d’le dire, grommela Oscar, mais ce type a quand même une putain de puissance…

— Pitié ! s’exclama Tara en s’attrapant les cheveux. Me dis pas que là, il était fatigué !

— Ben si, répondit l’ex-barman en regardant son visage se décomposer. Mais non, j’déconne, ça, c’est son mode normal !

— Ferme la bouche, Cain, ronronna Cléo à son oreille, il y a une colonie d’araignées qui est en train de s’installer dedans…

Le blond se rendit alors compte qu’il avait la bouche entrouverte depuis de longues minutes et la referma d’un coup, manquant de se mordre la langue. Ses yeux étaient toujours rivés sur la créature qui reprenait lentement une taille plus décente. Le monstre tenait dans sa patte griffue une cheville. Mais contrairement à celles étalées sur le sol, celle-ci était encore rattachée à un corps humain entier.

Samaël fit demi-tour pour les rejoindre, suivi docilement par la bête noire qui retenait toujours sa prise. Au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient, Cain put mieux distinguer leur captif. Ou plutôt leur captive. Il s’agissait de la démone qui leur livrait le journal tous les matins. Les mains cramponnées autour des griffes de la créature, elle essayait de se libérer de son emprise et se débattait comme une possédée.

Le Saigneur avait repris un visage paisible, souligné par ce sourire indélébile, comme s’il ne venait pas de tuer dix démons en moins d’une minute et demie.

— C’est bon de relâcher la pression, déclara-t-il avec satisfaction.

— Vous allez me tuer ? interrogea la jeune femme en croisant les bras, la tête en bas.

La première fois que Cain l’avait vue, il l’avait trouvée très timide avec sa voix très basse, mais cette fois, elle parlait d’un air décidé et rebelle.

— Seigneur, non ! s’amusa Samaël d’un air innocent. Vous tous n’étiez que les pions de quelqu’un d’autre, n’est-ce pas ? Sans doute pas de ce vulgaire idiot qui s’est enfui. Lui aussi n’est qu’un mouton.

— Et tu vas faire quoi, hein ? Me torturer pour savoir qui m’envoie ?

— Pff, de la torture, maintenant, rigola le rouquin. Ce serait une perte de temps étant donné que je sais de qui il s’agit. Pour vouloir me tuer à quelques jours d’une réunion importante entre Saigneurs, il faut s’appeler Axon. Il espérait sans doute que quelqu’un prendrait ma place si je ne m’y présentais pas.

Il glissa une main dans la poche de sa veste et en ressortit un petit carnet et un stylo. Il nota rapidement un mot dessus et, curieux, Cain ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil.

« Bien essayé, vieux croûton, mais il faudra faire bien mieux que ça ! Tu pensais m’avoir aussi facilement ? C’est beau, la naïveté des débutants. Je sens qu’on va bien s’amuser, tous les deux !

Samaël »

— Tout ce que j’attends de vous, reprit-il en arrachant la page pour la plier en deux, c’est de porter ce mot à ce cher Axon. En échange, je vous laisse vos membres et mieux encore, votre vie. Alors, avons-nous un accord ?

Il mit le papier juste sous le nez de la démone qui, après l’avoir incendié du regard, s’en saisit d’un geste vif.

— Ça marche, marmonna-t-elle d’un ton grinçant.

La créature disparut immédiatement et elle tomba sur le sol. Avec une grimace de douleur, elle se redressa avant de s’éloigner en courant. Samaël la suivit des yeux quelques secondes avant de s’en désintéresser, époussetant les manches de sa veste qui s’étaient couvertes de sang.

— Il semblerait que je doive me rendre chez le nettoyeur, déclara-t-il comme si rien ne s’était passé. Nous nous retrouverons plus tard.

— T’es sérieux ? s’insurgea Cléo avec précipitation. Et on fait quoi s’ils reviennent encore plus nombreux ? On a besoin de toi !

— On a surtout besoin d’un mur entier, fit remarquer Tara en désignant du doigt le trou dans la façade.

— Oh, je suis certain qu’Oscar pourra le faire, répondit le démon renard avec légèreté.

En guise de réponse, l’intéressé se frappa le front en grimaçant.

— Et en ce qui concerne le ménage, continua-t-il en désignant les restes de cadavres d’un signe de tête, je vais m’en occuper. Je ne serai pas long.

— Tu ne penses pas qu’ils pourraient essayer de t’attaquer ? demanda Cain, peu rassuré qu’il se balade juste après une tentative d’agression.

— C’est aimable de t’inquiéter pour moi, très cher, mais tout ira bien, je peux te l’assurer. À tout à l’heure !

Il partit à pas détendus, sa veste se balançant au rythme de sa marche. Il enjamba un morceau de torse et d’un claquement de doigts, fit apparaître trois petites créatures d’à peine un mètre, totalement noires, qui se mirent à rassembler les bouts de corps pour les jeter dans la poubelle. Oscar se tourna vers le bout de mur manquant comme s’il réfléchissait à la manière de réparer ça.

— Tu as besoin d’aide ? proposa Cain en voyant tous les débris qui jonchaient le hall.

— Hein ? Euh, non, ça va, c’est dans mes cordes, répondit l’ex-barman. J’étais juste paumé dans mes pensées…

Ses mains s’éclairèrent d’une légère lumière bleue, et les morceaux de murs se soulevèrent du sol. Ils retournèrent docilement à leur place d’origine, se ressoudant entre eux. Impressionné, le blond le regarda faire sans dire un mot. Oscar ne devait pas être facile à battre non plus.

— Dis, je peux te poser une question ? demanda finalement Cain alors qu’il voyait un bout de porte flotter sagement.

— Mmh, vas-y.

— Ça fait longtemps que tu connais Samaël ? Cléo et Tara ont l’air de le connaître grâce aux rumeurs, mais toi, on dirait que c’est un peu plus… personnel, si j’ose dire.

— Ouais, ça fait facilement cinquante ans… je l’aime pas vraiment, on est pas proche l’un de l’autre. En fait, on a une relation un peu…

— Compliquée ? supposa Cain avec un sourire rassurant. Difficile ? Chaotique ? Merdique ?

— Un truc du style, oui, approuva Oscar alors que l’ombre d’un sourire apparaissait aux coins de ses lèvres.

— J’aimerais encore te demander quelques petites choses, mais je n’ai pas envie de te mettre mal à l’aise. Je vais faire du café, tu en veux ?

— Ce salaud narcissique a raison, soupira son interlocuteur avec amusement. Tu es beaucoup trop sympa pour un démon !

Le blond se contenta de ricaner avant de retourner à l’intérieur. Alors qu’il partait vers la cuisine, il passa une main dans sa chevelure, caressant une mèche blanche.

— Si tu savais… murmura-t-il pour lui-même.

 

Dessin original d'Elysio Anemo

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