En fait non.

Il y a cette ultime page à écrire à ce voyage. Comme un épilogue quand on croit avoir terminé le livre, mais qu'il en reste encore un peu pour correctement clôturer le bouquin.

Je passe une semaine auprès de ma mère, en tête à tête, à essayer de me reconstruire. Une semaine à discuter, à zoner toute la journée, à me lamenter, à lui confier toute cette bouillie que j'ai dans la tête. Ces choses pour lesquelles on ne trouve jamais l'espace pour les lâcher, et souvent pas même le temps pour les penser, mais que l'on traine comme un boulet en permanence attaché au pied. J'ai peur d'esquinter ma mère par la noirceur de mes discours, mais elle sait se montrer à la hauteur, à l'écoute, s'occupant de tout, attentionnée et entreprenante, notamment à trouver le médecin qui saura, en premier lieu, me faire dormir. Je m'en remets à elle, vidé de tout.

Dans notre voyage, on a persévéré pour aller au bout de nos projets. Mais il me reste malgré tout un goût amer d'inachevé. Mon frère, avec qui j'ai réussi à initier un rapprochement ces dernières années, est toujours sur place, quelque part en Grèce. Nous avons passé le voyage à nous croiser et nous louper, toujours à quelques jours près. Comme un mauvais sort qui nous aurait été jeté.

Les bases de mon sommeil enfin rétablies, avec les encouragements de ma mère, je prends un aller simple pour Athènes. Trois cars et plusieurs heures plus tard, je rejoins l'île sur laquelle il clôture un festival transe. Je me laisse happer dans son ambiance, son monde, son camion poids lourd aménagé avec chambre, douche, salon et cuisine, avec les compagnons de route qu'il s'est fait depuis 2 mois, au festival, à la plage, jusqu'aux portes d'Athènes.

Puis nous reprenons la route, lentement, vitesse maximum 70-80km/h, bruit de moteur dans la cabine avant à cause d'une pièce cassée, à traverser tour à tour la Macédoine, le Kosovo, le Monténégro par les gorges du sud, puis Croatie, Slovénie, Italie, jusqu'à Chambéry. Les retrouvailles sont initiées, elles demanderont à être poursuivies dans un prochain voyage mieux réussi. Quant à moi, je pars retrouver Toulouse, ma collocation, et reprendre les bases du nouveau chapître de ce que je veux faire de ma vie.