Derrière la fenêtre, il y a peut-être…

Dans une chambre d’hôpital, deux hommes partageaient un espace séparé par un rideau. Rémi, immobilisé à cause de son pied blessé, parlait souvent avec Corentin, son voisin de lit. Ce qu’il ignorait, c’est que Corentin était aveugle.

Un soir, Rémi soupira :

— Mes enfants et petits-enfants doivent être en train de décorer le sapin de Noël à cette heure. J’ai tellement de chance de les avoir.

— Vous êtes un homme comblé, répondit Corentin avec douceur.

Après un moment de silence, Rémi demanda :

— Quel temps fait-il aujourd’hui ? Je ne peux même pas jeter un œil par la fenêtre avec ce fichu pied.

Corentin répondit calmement :

— Oh, il fait beau. Un beau soleil éclaire la pièce. Des oiseaux volent joyeusement, et dehors, on entend des gens rire et discuter. Vous savez, la vue sur le lac est magnifique d’ici.

Chaque jour, Rémi posait la même question, et chaque jour, Corentin décrivait un paysage radieux. Cette routine donnait du réconfort à Rémi, lui apportant un peu d’évasion dans sa monotonie.

Mais un jour, Rémi remarqua l’absence de Corentin. Quand une infirmière entra dans la chambre, il demanda :

— Où est Corentin ?

— Oh, il a été transféré pendant que vous passiez vos examens.

Attristé, Rémi confia :

— J’aurais aimé regarder ce fameux soleil avec lui avant son départ.

L’infirmière sembla surprise.

— Mais… il n’y a pas de fenêtre dans cette chambre, monsieur.

Stupéfait, Rémi regarda l’infirmière tirer le rideau, dévoilant un mur blanc.

— Impossible… Corentin me décrivait le paysage chaque jour.

L’infirmière sourit doucement :

— Vous ne saviez pas ? Corentin était aveugle.

Un long silence s’installa. Rémi sentit une boule se former dans sa gorge.

— Alors, il me racontait tout ça pour m’aider ? Pour que je garde espoir ? murmura-t-il.

Une vague de culpabilité l’envahit. Il réalisa qu’il avait tant parlé de lui, mais n’avait jamais pris le temps de connaître Corentin. Il n’avait même pas su qu’il était aveugle.

— J’ai été tellement égoïste, souffla-t-il avec regret.

Mais en repensant aux descriptions lumineuses de Corentin, Rémi comprit une chose : ces mots inventés n’étaient pas seulement pour lui. Ils étaient peut-être aussi un moyen pour Corentin de voir, à travers l’imagination, un monde qu’il ne pouvait plus percevoir.

Ecrit le 22 décembre 2024.

Image avec Canva, par mes soins .