Les pouvoirs de nuisance des douaniers
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Les pouvoirs de nuisance des douaniers
Avez-vous quelque chose à déclarer?
Moi qui adore qu’on soit désagréable avec moi et qu’on me prenne pour un délinquant potentiel, j’ai été servi mardi dernier à la douane de Vallard. En patientant dans la file de voitures venant de Genève en direction de la France, j’observais les préposés aux douanes de la République, armés jusqu’aux dents, qui tiraient une tête de 10 km d’ennui (forcément, tous ces frontaliers rentrant déjeuner, ce n’est pas très excitant). Avec leur petit air de «tiens, qu’est-ce qu’on pourrait bien se mettre sous la dent, histoire de pimenter notre journée », je me suis dit, ça va être pour ma pomme, avec mes plaques valaisannes et mon SUV.
Et ça n’a pas raté : « Vous allez où ? »
- « A Vétraz-Monthoux »
- « Pour des raisons personnelles ou professionnelles ? »
Le Code des Douanes leur permet de poser des questions, mais ils savent qu’ils n’ont pas à nous en tenir rigueur si nous ne souhaitons pas y répondre, ce qui est notre droit. Mais ça peut les agacer quand même, car ils pourraient se sentir diminués par rapport à l’image d'autorité qu’ils souhaiteraient donner d’eux-mêmes et du respect, voire de la crainte, qu’ils estiment devoir inspirer pour faire leur travail.
Je réponds donc prudemment « Euh, pour des raisons qui me sont propres….. ». Mauvaise réponse apparemment, je sens l’agacement monter sur le visage du douanier.
- « Avez-vous des marchandises ou des sommes d’argent à déclarer ? »
- « Non »
- « Ouvrez votre vitre arrière !»
Je m’exécute et le douanier peut constater, à sa frustration, qu’il n’y a rien sur la banquette arrière, ni dans le coffre lequel était visible depuis la vitre.
- « Garez votre véhicule de côté ! »
- « Oui, mais pour quelle raison ? » ai-je l’impudence de lui demander.
- « Contrôle douanier, allez, avancez, vous bloquez tout le monde ».
De la liberté d'aller et venir
Je me suis bien gardé de lui dire que c’était lui qui bloquait tout le monde et, une fois garé de côté, je lui ai demandé de bien vouloir m’indiquer les raisons de ce contrôle douanier. Le Code des Douanes prévoit en effet qu’un douanier n’est pas censé entraver la liberté des gens d’aller et venir, même s'il est en droit d'effectuer des contrôles aléatoires sans devoir en justifier. Dans ce cas, puisqu'il s'agit d'une interférence à la libre circulation des biens et des personnes, la courtoisie voudrait, à défaut d'en être obligé, de s'excuser du désagrément et de donner une explication polie.
Manifestement peu soucieux d’observer de quelconques règles de bienséance, le douanier me rétorque, peu affable, voire même goguenard « je fais mon travail, sortez du véhicule ».
Voyant que j’avais à faire à quelqu’un de peu enclin aux amabilités, j’enclenche la caméra de mon téléphone en me disant que ce réflexe pourrait peut-être réduire le risque d’un éventuel débordement. D’autant plus que 4 de ses collègues venaient de le rejoindre pour lui prêter main forte. C’est vrai que du haut de mes 60 ans et dans ma veste en coton double fil, il fallait au moins 5 costauds pour me maitriser en cas de dérapage. Peu importe que plus personne ne surveille le passage des voitures en douane, il y avait de l’action dans l’air, un bourgeois dans sa grosse voiture, suisse de surcroit, qui posait des questions et qu’on pourrait peut-être taquiner un peu aux encoignures, histoire de s’amuser.
La Fouille
Fouille totale du véhicule avec un des préposés nouvellement arrivés, qui de toute évidence était venu pour en découdre, agréable comme une porte de prison, bombant du torse avec de grands airs, m’intimant de garder mes distances mais exigeant de pouvoir palper les poches de ma veste et de mon pantalon, au cas où j’avais une arme sur moi. L’espace d’un instant, l’idée m’a effleuré qu’il allait me demander d’enlever mes mocassins en daim pour voir si je n’avais pas dissimulé un couteau dans la semelle.
Double vérification de la boîte à gants par deux préposés, chacun à son tour, avec ouverture du capot, histoire de faire passer le message que j’avais bien de la chance qu’ils ne procèdent pas au désossage complet du véhicule. Mais, bon, s’ils avaient vraiment pensé qu'ils trouveraient le produit d’une infraction douanière, ils n'auraient vraisemblablement pas consacré que 10 minutes à la fouille, en faisant vaguement semblant de chercher. Car en fait, ils semblaient surtout motivés à s’y mettre à cinq pour croquer du bourgeois. J’ai donc eu droit à toute la litanie, allant de « Pour qui vous prenez-vous ? », « Vous n’allez quand même pas m’apprendre à faire mon travail », « Est-ce que vous avez déjà lu le Code des Douanes ?» et « Vous devriez repasser votre barreau » après que j’ai osé dire qu’en tant qu’ex avocat, j’avais quand même quelques notions de droit douanier.
Les agents ont refusé de me donner leur matricule et de répondre à mes questions ou observations, sauf pour essayer de me remettre à ma place. Sans doute frustrés de ne pas avoir identifié d’infraction douanière en fouillant mon véhicule, malgré le fait que leur intuition, ainsi qu’ils avaient eu le toupet de me l’affirmer, les avaient conduits à estimer qu’un contrôle douanier était nécessaire, il a quand même fallu vérifier mon identité pour voir si je n’étais pas fiché ou recherché, qui sait, peut-être pour quelque délit qui aurait justifié une retenue douanière après l’échec du contrôle.
Le chef divisionnaire
Comme si ce n’était pas suffisant, arrive un sixième personnage qui se présente à moi avec un certain air d’importance. Le chef divisionnaire ! Lequel m’explique, en se souciant peu de la distance de sécurité, maintenant que j’avais été innocenté, que je devais effacer ma vidéo, que j’étais un pinailleur, un polémiste et que mon attitude laissait à désirer. Lorsque je lui ai répondu qu’il n’avait pas le droit de me demander d’effacer ma vidéo et que je souhaitais savoir quelle était précisément l’attitude qu’il me reprochait, il s’est montré péremptoire et a haussé le ton en m’accusant d’être réfractaire au contrôle. Je lui ai fait remarquer que je ne m’étais pas opposé au contrôle, que l’on ne devrait pas me reprocher le simple fait de poser des questions et que j’étais en droit de faire les observations que je faisais, lesquelles étaient pour le surplus bien compréhensibles compte tenu de cette mésaventure.
En effet, procéder à un contrôle douanier sans suspicion particulière, sans explications, sans répondre aux questions posées, certes fermement, mais poliment, en s’y mettant à six et en tenant des propos déplacés, en faisant des affirmations non fondées tout en tentant d’intimider une personne dont il y a tout lieu de penser qu’elle n’a pas le profil d’un coupable d’infraction douanière, juste pour bien lui faire sentir qu’il y a des conséquences à ne pas répondre comme il faut aux questions qu’il trouve indiscrètes et auxquelles il aurait été en droit de ne pas répondre, tout cela me paraît bien indigne de la part de fonctionnaires de l’Etat.
J’ai rempli un formulaire de réclamation. On verra bien si la direction des douanes me répondra comme me l’a affirmé le chef divisionnaire et surtout si elle aura la volonté de prendre les mesures appropriées pour que ce type d’incident regrettable ne se reproduise plus. Les douanes ont dû récemment être remises à l’ordre par le Conseil Constitutionnel en raison des abus constatés en lien avec la liberté d’aller et venir des citoyens. Mon humble avis est qu'il y a encore du progrès à faire pour éviter ce qui semble s'apparenter à un délit de faciès et un manque de respect vis à vis de simples citoyens !
Prince Of Panodyssey Alias Alexandre Leforestier hace 2 meses
Ah oui. Pourquoi dis-tu cela Cher Daniel ? 🤣
Daniel Muriot hace 2 meses
Parce que lorsque je traversais la frontière luxembourgeoise pour rentrer des courses ou autre, j'avais régulièrement droit aux ralentissement qu'ils provoquaient. Même en passant en dehors de heures de pointe.
Un truc qui m'horripile, c'est la question "Vous avez quelque chose à déclarer ?"
Forcément, avec moi ils déjà eu droit à des réponse du genre "une envie pressante" ou "des surgelés dans le coffre".
Prince Of Panodyssey Alias Alexandre Leforestier hace 2 meses
Même si c’est pénible, j’adore. Quelle plume. Drôle mais agaçant pour le préposé ! Vive les frontaliers 🇨🇭🇫🇷
Daniel Muriot hace 2 meses
Ah les douaniers français ! Ils ne me manquent pas. Mais pas du tout.
Philippe Szokoloczy-Syllaba hace 2 meses
Et si tu veux être sûr qu'ils te t'arrêtent pour te contrôler, à la question "vous avez quelque chose à déclarer ", tu peux répondre: "oui le bronzage, je l'ai rapporté des Seychelles...". Généralement ils adorent, avec leur sens de l'humour bien connu.....