Partie 2 : La remise en question - Chap. 10 : La migration - Sct. III : Et puis vint "la crise"... - Sqc. a : Des anciens aux nouveaux
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Partie 2 : La remise en question - Chap. 10 : La migration - Sct. III : Et puis vint "la crise"... - Sqc. a : Des anciens aux nouveaux
Le problème, avec "la crise", quelle que soit la forme qu'elle ait pu prendre, c'est qu'elle a toujours amené dans son sillage... le chômage. La fin du quasi-plein emploi. La fin du besoin de bras pour le travail. La fin de l'époque dorée où l'on jetait le travail à la tête de qui en voulait... et même de qui n'en voulait pas. La fin de l'époque où certains pensaient avoir le choix et pouvoir se permettre de faire la fine bouche et de prendre le temps de vivre d'abord leur jeunesse dorée au lieu d'entrer directement de plain-pied dans la vie active. L'avantage dans le rapport de forces entre employeurs et employés avait désormais changé de camp. Et pour longtemps.
Retournement de situation
Les grandes industries, les grandes entreprises, les grandes sociétés, et même les entreprises de taille moyenne, celles qui avaient le plus recruté un peu partout, licenciaient désormais leur personnel avec le même zèle qu'elles avaient mis naguère à le recruter et fermaient leurs unités de production avec la même ardeur qu'elles avaient mise à les ouvrir. Raison invoquée : elles se retrouvaient régulièrement en faillite, en liquidation judiciaire, et dans le meilleur des cas, ou dans le moins mauvais (tout dépend du point de vue), leur curateur leur trouvait un repreneur qui était certes prêt à poursuivre leurs activités, mais... moyennant un "plan social"... et un "plan social", tout le monde sait bien ce que cela veut dire... cela signifie que l'entièreté du personnel ne sera pas repris, ou ne pourra pas l'être, et qu'il y en a toute une partie qui restera sur le carreau et qui devra bien chercher à se recaser ailleurs. Si elle en retrouve l'opportunité... car en temps de crise, les opportunités se font rares... vu que tous les employeurs sont plus ou moins logés à la même enseigne...
Alors, oui, les syndicats ont bien tenté de limiter les dégâts et d'adopter une position maximaliste dans la négociation. Mais en définitive, avec le temps, les personnels - et les syndicats à leur suite - ont trouvé qu'il était plus réaliste d'essayer de sauver les emplois qui pouvaient l'être que de vouloir les sauver tous à toute force en niant le problème et puis de se retrouver à n'en avoir sauvé aucun... et ils ont aussi trouvé que dans ce contexte, histoire de limiter la casse, c'était une bonne idée que d'accorder une retraite anticipée aux travailleurs qui étaient trop âgés pour retrouver facilement un emploi ailleurs ou pour être prêts à envisager une reconversion après plus de trente ans de carrière dans le même métier. Surtout à une époque qui n'arrêtait pas de dire : "place aux jeunes !"
"La crise", oui, mais quelle crise ?
De plus, syndicats et patronat divergeaient dans leurs analyses de "la crise", du moins au début, car si pour les premiers, elle était conjoncturelle (ce qui veut dire qu'elle résultait d'événements passagers, à la rigueur cycliques, qu'elle n'était pas appelée à s'éterniser mais qu'elle n'allait faire que passer et que les choses allaient se rétablir dans un proche avenir, donc qu'il suffisait juste d'avoir la patience d'attendre qu'elles le fassent), pour le second, elle était structurelle (ce qui veut dire qu'elle n'était pas due à des événements ponctuels et passagers mais à des changements durables et profonds dans le tissu économique, suite auxquels certaines industries anciennes devenaient obsolètes, et d'autant plus que par-dessus le marché, les entreprises qui en relevaient et qui étaient en difficulté étaient de toute façon mal gérées). Bien entendu, les solutions applicables dans l'un et dans l'autre cas n'étaient pas les mêmes. Et la méfiance de mise et de rigueur entre ces deux adversaires traditionnels dans la négociation sociale que sont les syndicats et le patronat n'arrangeait évidemment pas les choses. Chacun voulait camper sur ses positions, ne rien en céder et les défendre avec la dernière énergie. Une telle attitude de part et d'autre n'était évidemment pas favorable à une mise en commun des analyses, à l'émergence d'un terrain d'entente ni à la recherche de solutions viables en commun.
Une charge supplémentaire
Et avec ça, les pays d'accueil qui avaient pendant longtemps recruté à tour de bras de la main-d'œuvre un peu partout se retrouvaient désormais logés à la même enseigne que les pays d'origine : avec sur les bras toute une main-d'œuvre surnuméraire dont ils ne savaient désormais plus que faire. Mais qu'en vertu des lois sociales qui y avaient au cours du temps été promulguées, ils devaient aider et soutenir financièrement en tant que chômeurs. Ce qui, évidemment, représentait pour eux une charge supplémentaire en temps de vaches maigres.
Comme on peut s'en douter, les populations autochtones des pays d'accueil - et aussi les populations d'ancienne immigration, souvent naturalisées et dont le destin personnel était parfois lié à celui des autochtones - ont commencé à manifester une certaine grogne. "D'accord pour faire venir des bras pour le travail s'il y a des emplois et qu'on manque de personnel, mais pas d'accord s'il s'agit de faire venir des gens pour qu'ils viennent vivre des aides du système social sans jamais avoir travaillé. On veut bien accepter de ne pas renvoyer chez eux ceux qui sont déjà sur place, qu'ils aient été appelés ou qu'ils soient venus chercher du travail de leur propre initiative et qu'ils en aient trouvé à ce moment-là, on accepte de considérer qu'ils font d'ores et déjà partie de la société du pays d'accueil alors qu'à l'origine c'étaient des étrangers qui étaient censés repartir un jour, on accepte de considérer le provisoire comme définitif, on accepte - encouragés en ce sens par nos syndicats - de partir du principe qu'on ne se débarrasse pas d'êtres humains comme de vieilles chaussettes après les avoir appelés pour venir nous aider et avoir profité de leur travail pendant des années, on accepte de faire passer la logique humanitaire et aussi la logique éthique avant la logique économique en ne les obligeant pas à se déraciner une deuxième fois, c'est déjà bien beau, ne nous en demandez pas plus."
Stopper la migration
En conséquence, les pays d'accueil européens ont carrément stoppé l'immigration jusqu'à nouvel ordre en dehors du regroupement familial et de l'asile politique. Même les "Nouveaux Mondes" outremer ont réduit la leur et l'ont limitée à des branches économiques où il restait encore des besoins en personnel et en qualifications, qui n'étaient pas forcément couverts sur place. Il ne s'agissait désormais plus de peupler ces pays à n'importe quel prix.
Dans le même mouvement, les pays d'origine ont subi des pressions pour prendre des mesures afin de stopper l'émigration. Là où les mouvements étaient libres auparavant, il a fallu un passeport ; là où un passeport suffisait auparavant, il a désormais fallu un visa en plus du passeport ; et les conditions d'octroi de l'un comme de l'autre sont devenues de plus en plus restrictives au fil du temps. Des chanteurs comme le Marocain Abdellatif Stati ("Visa Oul Passeport") et l'Algérien Khaled ("Oran-Marseille") ont composé à ce sujet des chansons qui sont devenues des classiques de la chanson populaire maghrébine.
Et la construction de l'Europe en a fait grogner plus d'un sur le continent dans la mesure où la circulation à l'intérieur de ce qui s'appelait encore le Marché Commun se faisait déjà à l'aide d'une simple carte d'identité et où les premiers pays concernés par la migration - immigration comme émigration - historiquement, faisaient partie du Marché Commun.
Une grande frustration
Voilà une situation qui ne réjouissait guère les populations des pays d'origine, elles pour qui l'émigration représentait le passeport par excellence pour l'avenir et pour une vie meilleure. Les plus jeunes ont eu l'impression que l'on était en train de les priver d'une très grande opportunité dans leurs vies - et le dicton bien connu ne dit-il pas que "donné c'est donné, reprendre c'est voler" ? Sans compter un immense sentiment d'injustice ("pourquoi nos aînés ont-ils eu cette opportunité, et pourquoi pas nous ? pourquoi la leur a-t-on donnée à eux et pourquoi, à nous, nous la retire-t-on ? pourquoi cet arbitraire ? pourquoi cette injustice ? qu'avons-nous fait pour justifier qu'on nous la retire ? nous sommes innocents, nous n'avons rien fait ! notre seul crime, c'est de vouloir chercher une vie meilleure, c'est tout ! qu'y a-t-il de mal à vouloir chercher une vie meilleure ? pourquoi n'avons-nous pas le droit de chercher une vie meilleure ? tout le monde a le droit de chercher une vie meilleure !")
Et sans doute les populations locales des pays d'origine ne voyaient-elles pas très bien ce qu'il leur était possible de faire de leurs vies en restant là-bas. Rien ne leur paraissait jamais pouvoir égaler l'émigration, tout et n'importe quoi en comparaison leur paraissait gris et morose - à tel point que malgré l'arrêt de l'immigration dans les pays d'accueil, ils tentent encore toujours quand même leur chance et forcent le passage en clandestins en espérant qu'avec le temps, ils pourront bénéficier d'une opération périodique de régularisation des sans-papiers - si la barque dans laquelle ils tentent la traversée ne fait pas naufrage en Atlantique ou en Méditerranée avant.
Nouveaux pays d'accueil
Bien sûr, de nouveaux pays d'accueil émergent, notamment au Moyen Orient (Qatar, Dubaï, Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite) ou dans le Sud-est asiatique (Singapour), pour à leur tour faire figure d'Eldorados dans le monde entier (même auprès de populations européennes en voie d'appauvrissement dans une Europe en danger de sous-développement). Ou alors tout au moins dans leur propre région du monde (Maroc). D'anciens pays d'émigration sont même devenus des pays d'immigration (Italie, Espagne). Mais les conditions des nouveaux pays d'accueil les plus en vogue - ceux du Moyen Orient - sont bien plus sélectives et plus restrictives que celles des anciens pays d'accueil d'Europe et des Nouveaux Mondes (États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) l'ont jamais été : si les entrepreneurs qui réussissent à y monter leur société leur font une magnifique carte de visite et une belle publicité, on parle beaucoup moins des travailleurs pauvres dont le passeport est confisqué et qui y logent et travaillent dans des conditions proches de l'esclavage pour y construire les stades de la coupe de la FIFA ou pour y travailler comme domestiques pour les potentats du coin - même s'il est vrai que la condition des immigrés clandestins en Europe aux mains des "négriers" de l'un ou l'autre secteur économique, et exploités comme il se doit, ne soit pas plus enviable, et même si se retrouver clochard dans des États-Unis au système social sous-développé ne soit pas mieux. Et quel que soit l'emploi, dans les nouveaux pays d'accueil de l'Orient, le bénéfice d'un système social qui ferait pâlir l'Europe d'envie est strictement réservé aux autochtones, et la naturalisation y est certes théoriquement possible mais assortie de conditions tellement nombreuses et tellement restrictives qu'elle est de fait pratiquement impossible.
(Le petit diablotin assis à mon extrême-droite se demande si ces pays-là n'ont pas tout simplement tiré les leçons d'anciens pays d'accueil qui, une génération (comptée à l'ancienne, c'est-à-dire trente ans) plus tard, se retrouvent avec des sociétés morcelées hétérogènes linguistiquement, culturellement, religieusement, ethniquement, géographiquement, socialement et autrement parlant, dont elles ont le plus grand mal à accorder entre elles leurs différentes composantes... et si ces nouveaux pays d'accueil, ne voulant en aucun cas subir le même destin et y perdre leur identité, n'avaient pas tout simplement décidé qu'ils n'étaient pas là pour faire dans l'humanitaire ni dans la philanthropie, que les étrangers sont supposés être là uniquement pour faire tourner l'économie du pays, point barre, et que le jour où leur rôle en tant que moteurs de l'économie se termine, ils sont juste supposés retourner dans leur pays d'origine, et éventuellement de là repartir tenter leur chance ailleurs si cela leur chante et s'ils en ont encore les moyens et l'énergie, mais qu'ils ne sont pas censés s'éterniser dans les nouveaux pays d'accueil plus que leur rôle ne l'exige ?)
Le fait est que plus d'un étranger qui y travaille, quand il a l'occasion de s'ouvrir discrètement à un journaliste et qu'il est en veine de confidences, avoue que le jour où son contrat ou sa carrière sur place se terminera, "il n'a pas l'intention d'y rester une seule minute de plus".
(Et le petit diablotin de me demander si ce n'est pas justement là le but recherché ? Si les migrants ne demandent d'eux-mêmes qu'à s'en aller, on n'aura pas besoin de les obliger à le faire, ni de gâcher son image à l'étranger en le faisant, ni non plus de se créer des cas de conscience à ce sujet...)
Crédit image : © coffeekai/ GettyImages