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Novlangue ou langage orwellien ?

Novlangue ou langage orwellien ?

Publicado el 25, may, 2020 Actualizado 29, sept, 2020 Política
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Novlangue ou langage orwellien ?

George Orwell au travail avec Big Brother

George Orwell au travail avec Big Brother

    Nous ne traitons pas souvent de sémantique, la dernière fois c’était à l’occasion du colloque sur La traduction homophonique, un sujet passionnant mais qui ne s’adresse qu’à un public restreint d’initiés. Il en va tout autrement du sujet abordé ici, qui concerne à peu près tout le monde, car la novlangue, apparaît de plus en plus fréquemment, parfois en tant que sujet spécifique mais le plus souvent comme commentaire, dans les débats, à la Cité ou ailleurs. C’est pour tenter de faire le point sur ce concept hautement polémique que nous rassemblons ici les éléments de compréhension dont nous disposons.

    La novlangue est un concept aujourd’hui largement utilisé par la dissidence pour désigner un langage destiné à déformer la réalité, ce qui traduit une inquiétude légitime mais, en même temps, peut donner lieu à une dangereuse confusion, car "novlangue" n'est pas du tout un synonyme de "langage politiquement correct". Le mot “novlangue” désigne à l’origine la langue officielle d'Océania, un empire imaginé par George Orwell dans son roman 1984, dirigé par un parti unique, l’Angsoc, ou socialisme anglais, et qui se partage le monde avec l’Eurasia et l’Estasia ses alter ego (voir carte). Novlangue est la traduction de l’anglais Newspeak, qui indique qu’il s’agit plutôt d’une nouvelle manière (contrainte) d’utiliser la langue. En temps que langue (artificielle) la novlangue serait une sorte d’espéranto à l’envers, un langage régressif peu porteur d’espoir dont le lexique va en s’amenuisant et la syntaxe en se simplifiant. L’idée est de supprimer les nuances afin de ne conserver que des oppositions binaires qui laissent le champ libre au pouvoir – ce qui ne peut être dit ne peut non plus être pensé. Un des problèmes est que la novlangue est aujourd’hui systématiquement confondue avec le “langage orwellien”,  et présentée comme si c’était la même chose alors qu’en fait il s’agirait plutôt du contraire. La confusion peut s’expliquer du fait que ces langages apparaissent tous les deux dans le roman d’Orwell. Mais alors que la novlangue est un élément explicite du récit, le langage orwellien lui est implicite et provient de son analyse. On est tenté de les confondre parce que le pouvoir actuel utilise l’un et l’autre pour asseoir sa domination mais leurs principes sont complètement différents car dans 1984 la novlangue est le langage des dominés et le langage orwellien celui des dominants – leur langage politique.

    “Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent.” disait George Orwell et c’est visiblement à partir de cette définition qu’il a élaboré le langage du parti au pouvoir dans son roman 1984. Ce langage orwellien, la novlangue le suit comme son âme damnée pour constituer la base de la pyramide sémantique du monde de Big Brother dont le langage des dirigeants constitue le sommet. Dans notre monde la situation n’est pas aussi tranchée ; la novlangue s’y développe depuis plus d’un demi siècle sans plan clairement établi, par des ajouts successifs de jargon technocratique, relayés complaisamment par les media, et sans qu’une académie novlanguefrançaise soit nécessaire. Le langage orwellien, quant à lui, n’est que l’avatar moderne de ce qu’à été le langage du pouvoir de toute éternité (du pouvoir ou des pouvoirs) qui a toujours trouvé profit à renverser le réel, essentiellement le bourreau veut passer pour une victime, la tyrannie veut se faire appeler amour – dans 1984, à côté du Miniver (ministère de la vérité) qui emploie le héros, le Minimour, ou ministère de l’amour, est le nom officiel du terrifiant ministère de l’intérieur qui finir par s’occuper de lui avec sa police de la pensée.

Big Brother et le partage du monde

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La novlangue (et complices) comment ça marche !

    Pour reprendre ce qui précède, l’erreur la plus grave, celle qui rend toute réflexion impossible, est de confondre la novlangue avec l'évolution du langage, même si cette dernière n'est bien sûr pas indépendante du pouvoir. Si c'était la même chose la langue serait novlangue depuis ses débuts. Or la novlangue n'est pas la langue, plutôt son contraire, puisque la langue est progressive alors que la novlangue est régressive. La novlangue est un outil du pouvoir pour précisément stopper l'évolution du langage et la faire reculer, une sorte d'aphasie sociale induite. Ce n'est pas le langage du pouvoir, mais la destruction du langage par le pouvoir.

    Le concept de “novlangue” (Newspeak), après un oubli relatif lié au fait que le roman de George Orwell, publié en 1949, avait joué son rôle historique, est maintenant remis au goût du jour par le nombre de gens qui perçoivent bien que notre époque porte le combat sémantique à un degré qu'il n'avait peut-être encore jamais atteint. L'offensive est générale pour soumettre le sens des mots (pris séparément) à une fonction politique qui les transforme insidieusement en slogans.

    C'est pourquoi le terme de “novlangue” revient en force, mais malheureusement employé d'une manière confuse pour désigner indistinctement tout ce qui paraît nouveau et dangereux dans le langage, alors que la novlangue n'est qu'un des aspects de la manipulation consistant à tendre des pièges sémantiques. Il existe, en effet, plusieurs procédés qui concourent à priver de tout moyen d'analyse critique en manipulant le langage et le premier travail consiste à les reconnaître chacun séparément pour comprendre la convergence de leur action.

    La novlangue du roman d’Orwell est basée sur la réduction lexicale permanente et la création de termes simplifiés. En diminuant le nombre des mots en usage elle attaque la richesse du langage et élimine sa finesse afin de rendre le locuteur incapable de réfléchir et donc plus facile à manipuler. Nous pouvons constater dans notre vie un phénomène analogue, mais souterrain, qui progresse sans direction politique assumée et qui se heurte nécessairement à la tradition du beau langage, laquelle constitue un axe majeur de la résistance, voire notre dernière planche de salut.
Exemples du roman : meilleur devient "plusbon", excellent "doubleplusbon",  mauvais “inbon”, pire “plusinbon” affreux “doubleplusinbon”, etc.
Exemples du réel : parent 1 et parent 2, famille monoparentale, 3ème âge, personne âgée, malentendant, demandeur d'emploi, quart monde, sous-développement, sub-saharien, sans-papier, niveau de vie (élevé, faible)...
D'après les exemples, nous voyons que des oppositions qualitatives, comme jeunesse/vieillesse ou richesse/pauvreté, sont remplacées par des notions quantitatives repérées sur une échelle implicite. D'autre part, comme son objectif est la réduction lexicale la novlangue utilise systématiquement des mots composés et des mots-valises. Les racines simples n'en font donc pas partie. De plus la novlangue n'est pas métaphorique, car la métaphore enrichie la langue au contraire de l'appauvrir. Les néologismes métaphoriques du pouvoir ne relèvent donc pas de la novlangue – ils consistent principalement en des expressions euphémistiques qu'on pourrait rattacher à la "langue de bois" (voir ci-dessous).

    Comme nous l’avons expliqué en introduction, il faut surtout éviter de confondre la novlangue, langue simplifiée à l'usage du peuple, avec le langage orwellien qui constitue le langage masqué du pouvoir, volontairement complexe à l'inverse de la novlangue. Basé sur l'inversion du réel, le langage orwellien consiste à contrôler les cerveaux par la confusion paralysante avec des paradoxes ou des expressions qui réfèrent à une réalité concrète inverse de celle définie par les mots.
Exemples du roman : La guerre, c'est la paix. La liberté, c'est l'esclavage. L'ignorance, c'est la force... etc.
Exemples du réel : vivre-ensemble (vivre côte à côte) ghetto (quartier réservé) enrichissement culturel (progression de l'illettrisme)
N. B. Au sens large, on peut y ajouter le terme "migrant" qui tend à faire passer  pour un simple voyageur (comme un oiseau migrateur) quelqu'un dont les préoccupations sont pourtant différentes. “Réfugié” désigne maintenant un migrant renforcé dans sa situation socio-politique et son écart théorique d'avec le réel.

    Novlangue et langage orwellien, l’un comme l’autre, ne doivent pas non plus être confondus avec la langue de bois (apparue dans les années 70 en provenance d'URSS) qui consiste à détourner de la réalité avec des banalités abstraites remplaçant l'analyse critique des faits par le sentiment. Elle se rapproche de l'art du sophisme, discipline antique qui consiste à présenter des erreurs comme des vérités et – rien de nouveau sous le soleil – correspond largement à la façon parler de nos élites politiques et médiatiques.
Exemple : Le général Giap était un grand ami de la France.
Sophisme : L'homme est la mesure de toute chose (Protagoras).

    Enfin, il ne faut confondre non plus, les trois procédés décrits plus haut, avec la dérive sémantique ordinaire, mais très utilisée à notre époque, qui consiste à remplacer un mot par un synonyme, parfois pris dans une autre langue, pour échapper à une connotation pétrifiée. Ce qui, tout au contraire de la novlangue, tend à augmenter le vocabulaire mais sans ajouter en complexité comme le fait le langage orwellien.
Exemple : nègre (du latin “niger” signifiant “noir”) remplacé par “noir”, même origine et même sens, pour être ensuite remplacé par l'anglicisme “black”, du proto-germanique “blakaz” signifiant “brûlé” avec le sens de sombre ou de noir. C'est une fuite en avant car ce type de déplacement n'a qu'un effet provisoire, le contexte éliminé se replace de lui-même – chassez le naturel il revient au galop. Pour en revenir à la novlangue, ajoutons pour finir que la série sémantique ci-dessus vient d'être complété par le néologisme “personne racisée” à peu près de même sens, mais qui, par le double effet de la composition et de l’imprécision, le fait précisément entrer de plain-pied dans la novlangue.

Frédéric Sausse

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