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Quatre
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Quatre
Agathe
29 décembre 2024, 9h55
Mon premier cours de ski avec un groupe de deuxième étoile commence dans à peine cinq minutes. Je bois un autre café en me tenant en dessous du panneau où est inscrit « deuxième étoile » avec deux collègues à moi : Sébastien que tout le monde appelle « Seb » qui est très bon vivant, plutôt beau gosse, il doit avoir dans les vingt-cinq ans, il s’occupe des premières étoiles ce matin. L’autre collègue est plus âgé, il s’appelle Hervé, il va s’occuper des troisièmes étoiles et son air autoritaire semble effrayer les quelques enfants qui sont déjà présents sur les lieux. Cependant après avoir discuté avec lui, je le trouvé très charmant. Je me sens plutôt bien entourée, tout le monde a l’air de me soutenir alors je me sens confiante.
J’ai eu un debrief ce matin concernant le niveau attendu des élèves, les exercices attendus, les choses à faire et à ne pas faire. Aujourd’hui va être la première journée, certains enfants risquent d’avoir peur puisqu’ils n’ont pas fait de ski depuis longtemps, parfois plusieurs années. Il faut leur redonner confiance en les faisant démarrer sur piste verte, puis au fur et à mesure, augmenter le niveau et les attendus.
Les enfants n’ont pas tous le même âge, certains sont étonnamment très jeunes, un peu trop d’ailleurs, selon moi. Passer sa deuxième étoile à cinq ans c’est quand même exceptionnel. Sachant que j’ai dû l’avoir à sept ou huit ans et ça paraissait déjà jeune pour certains.
En moyenne ceux qui arrivent ont l’air d’avoir huit ou neuf ans. Le plus âgé doit avoir douze ou treize ans.
La liste des élèves n’est pas très longue. Ils sont dix au total. Cependant, le ski est un sport difficile, entraîner dix enfants en même temps ne va pas être une mince affaire.
Lorsque je remarque que la foule devant moi grandit, je me dépêche de terminer mon café, le jette, puis je fais l’appel et distribue les dossards. Je prends le temps d’observer chaque enfant devant moi comme on me l’a conseillé et de toujours les compter. Il ne faut qu’à aucun moment je perde le compte.
Je commence à paniquer. J’angoisse à l’idée de perdre un enfant sur les pistes. De plus, la présence de mes collègues bien qu’elle soit rassurante sur ce point, me met mal à l’aise. J’ai peur de me sentir jugée, de mal faire. Mais bon, je devrais m’en sortir…
J’aide quelques enfants à chausser leurs skis. Je commence déjà à percevoir le caractère de certains. Il y en a qui me posent beaucoup de questions :
« On va où ? », « On commence par quoi ? », « Vous savez que moi j’ai sauté la première étoile ? »
Et d’autres qui sont très silencieux, pleurnichent, regarde en arrière pour espérer profiter une dernière fois du regard de leurs parents sur eux.
Je remarque un enfant en particulier dont le caractère me surprend. Contrairement aux autres qui semblent enthousiastes, énergétiques ou même stressés. Lui, ne semble rien éprouver. Il a retiré son masque et son regard est dans le vide. Il semble perturbé par quelque chose. Il est penché sur la neige, ses skis déjà aux pieds, il remue la poudreuse avec son bâton, plongé dans ses pensées. Ses parents ont dû déjà partir. Je me demande s’il est seulement triste d’avoir quitté ses parents et pourtant j’ai le sentiment que ce n’est pas de cela dont il s’agit. C’est plus profond que ça. Pourquoi je m’intéresse autant aux sentiments de cet enfant ? Je ne saurais pas dire. Mes collègues vont croire que je suis folle si je continue à l’observer plus longtemps. Cependant, il y a quelque chose, un je ne sais quoi qui m’intrigue chez cet enfant, et ce n’est pas seulement le fait qu’il soit triste. Il me rappelle…
Bon, il faut que j’arrête d’y penser. J’ai un boulot à effectuer et je ne dois pas me laisser déconcentrer, je prends une grande inspiration et je déclare :
-Les deuxième étoile on va pouvoir y aller, tout le monde me suit, on part en direction du télésiège Mene.
***
Marie
4 mai 2018, 13h20
Je viens de rentrer de la boulangerie.
Ce matin il n’y a pas eu beaucoup de monde. Seulement quelques clients réguliers. Bien sûr, ce n’est pas bon pour le chiffre d’affaires, mais moi ça m’arrange. Je suis encore fatiguée de la soirée d’hier soir et me suis couchée vers presque minuit à cause de cette histoire de téléphone. Les journées à la boulangerie sont épuisantes et j’appréhende l’arrivée de la chaleur en juin, je sais que ça va être de plus en plus dur à endurer. Il n’y a rien de pire que de rester à côté des fours dans la chaleur de juin et juillet. En août je prends généralement mes congés et heureusement, car ici, l’atmosphère est tellement humide que lorsqu’il y a des canicules, l’humidité absorbe toute la chaleur et le ressenti des températures peut dépasser les quarante degrés. Peut-être même quarante-cinq si l’on est comme moi à côté du four dans la boulangerie ! Il m’est déjà arrivé régulièrement de tomber dans les pommes au mois de juin. Lorsque fin, juin, les températures montent rapidement, le corps n’est pas encore habitué et c’est souvent difficile pour moi de passer de la fraîcheur de la pluie du printemps à la canicule. Ce phénomène s’est d’ailleurs amplement intensifié ces dernières années avec le changement climatique… Ici on peut passer de vingt degrés à trente-cinq en une nuit. Parfois, c’est vraiment insupportable. Le seul point positif en été est que lorsque je me lève à cinq heures pour aller au travail, il commence déjà à faire jour, contrairement à l’hiver. Le monde se réveille plus tôt, ce qui me fait me sentir moins seule.
J’ouvre la porte de mon petit appartement au deuxième étage. Je range quelques affaires que j’ai laissées traîner, puis j’ouvre le réfrigérateur pour pouvoir me concocter le repas de ce midi.
Je vois qu’il me reste un peu de jambon et un reste de semoule. J’ouvre une boîte de conserve de ratatouille que je verse dedans puis met mon assiette une minute au micro-ondes. Ce midi je n’ai pas la motivation de faire mieux. De plus, mon estomac me réclame depuis tout à l’heure.
Lorsque j’entends un bip, je me dirige vers le micro-ondes mais constate que le temps n’est pas encore écoulé : il reste dix secondes. Je commence donc à chercher d’où venait la sonnerie. C’est là que je le remarque : le téléphone fissuré.
Hier soir, après avoir déverrouillé l’écran du fameux Jonas, j’ai envoyé un message explicatif aux contacts qui me paraissaient les plus fidèles tels que « Maman », « Papa » ou « Mattéo » qui doit être un ami à lui. En tout cas, c’est la personne à qui il a envoyé son dernier message. Peut-être un collègue de travail ? Je ne sais pas, je n’ai pas osé fouiller. En tout cas j’espérais qu’ils prennent ces messages au sérieux, car souvent, lorsque quelqu’un reçoit un message de nos jours du genre « Papa j’ai perdu mon téléphone », c’est souvent une arnaque…
Lorsque je récupère l’appareil, il s’affiche sur l’écran de verrouillage :
Un appel maqué de Mattéo
Je décide de rappeler aussitôt.
Quelqu’un décroche.
-Allô ? Vous êtes Mattéo ? Je demande, la gorge serrée.
Dix secondes s’écoulent avant que quelqu’un ne réponde d’une voix grave :
-Bonjour, non je suis monsieur Hohenberg. Je suis le propriétaire du téléphone que vous avez trouvé…
Je suis surprise, je ne pensais pas que ce serait lui qui répondrait directement. Voilà qui va me simplifier la vie finalement.
-Je l’ai cherché pendant des heures hier et j’avais perdu espoir, continue-t-il, puis mon ami Mattéo m’a appelé ce matin pour me dire qu’il avait reçu un message de quelqu’un l’avait retrouvé. Je vous suis très reconnaissant. Vous savez très peu de personnes de nos jours sont honnêtes et auraient comme vous pris le temps de retrouver le propriétaire. La plupart seraient même partis avec…
-De rien, c’est tout à fait normal, je réponds d’une voix douce.
-Ecoutez, je suis ravi. J’en ai besoin urgemment. Est-ce que ce serait possible que je vienne le récupérer cette après-midi. Ce n’est pas obligé que ce soit chez vous bien sûr, n’importe où. N’importe quand, c’est selon vos horaires mais ça m’arrangerait le plus tôt possible.
Je réfléchis.
-Que diriez vous de l’endroit où je l’ai retrouvé hier. Vous savez, le parc Jean Paul II. Je peux y aller tout de suite, ce n’est pas très loin de chez moi.
Soudain, l’homme semble étonné. Après une longue pause, il s’exclame :
-Ah mais vous êtes la jeune femme que j’ai bousculée hier ! C’est donc là que j’ai perdu mon téléphone !
Je lui confirme.
-Ah bah alors ça m’arrange, je suis au travail et ce n’est pas très loin d’ici. Je reprends à quinze heures, je devrais avoir largement le temps. Super alors. Merci beaucoup ! A tout à l’heure !
-A tout à l’heure ! Je réponds.
Je raccroche. Cet homme me semble très correct. Je suis finalement heureuse de pouvoir le rencontrer au parc tout à l’heure, en plus, hier déjà je le trouvais plutôt pas mal.
Je conduis pendant une dizaine de minutes pour retourner sur le même parking que la veille. Je me gare sur l’une des places. Il n’y a pas grand monde, j’ai donc le choix. J’ai donné mon vrai numéro à Jonas, il m’a écrit par message qu’il était déjà arrivé. Je lui ai répondu par un smiley pouce en l’air. Je marche rapidement sur la passerelle pour ne pas le faire attendre trop longtemps.
Lorsque je rentre dans le parc, il me faut une fraction de seconde pour le reconnaître. Il porte le même costume que la veille. La même mallette. Je constate que ses cheveux sont d’un blond presque roux. C’est fou, de derrière, ils me paraissaient plus bruns. Ses yeux sont verts tâchés de petits points marrons. C’est un bel homme. Bizarrement, je ne trouve pas du tout qu’il ait une tête d’allemand, en plus il n’avait aucun accent au téléphone. Peut-être que le français est sa langue maternelle ? Après tout ce n’est qu’un détail.
Je lui serre la main lorsque nous nous rencontrons. Il me sourit.
Tout s’enchaîne très rapidement : je lui tends son téléphone, il prend longuement le temps de me remercier. Il me pose quelques questions auxquelles je réponds volontiers, puis, je m’apprête à partir lorsqu’il rajoute :
-Excusez-moi, Marie. Avant que vous partiez, je veux vraiment vous remercier. je voulais vous proposer…
Il se gratte la nuque, semble embarrassé.
-Ça vous dirait que je vous invite à boire un verre ce soir ? Enfin, bien sûr c’est seulement pour vous remercier, il n’y a rien de romantique et puis ça nous permettra de faire amplement connaissance. Si vous le voulez bien sûr ! S’empresse-t-il d’ajouter
.
Il est devenu tout rouge. Je m’empêche de rire. Mes joues commencent à me brûler et je sens comme des papillons dans mon ventre lorsque mes yeux rencontrent les siens et que je réponds :
-Evidemment ! Avec plaisir !
Nous nous disons « A toute à l’heure » pour la deuxième fois de la journée, puis, je repars vers ma voiture toute souriante.
En mettant le contact, j’ai tout de même un doute qui me vient à l’esprit. Pourquoi ne m’a-t-il pas demandé comment j’ai fait pour déverrouiller son téléphone ? N’y a-t-il pas pensé ?
En tout cas, peu importe. Cet homme est peut-être la rencontre que j’attendais.
Enfin ça c’est ce que je pensais…
***
Une jeune fille
La police est arrivée peu après minuit. Ils ont cherché le frère de la jeune fille toute la nuit. Son père est n’a pas voulu rester dormir à la maison comme lui avaient conseillé les officiers. Il a préféré partir lui-même à la recherche du frère.
Ils ont fouillé toute la ville, sont allés voir plusieurs amis de Paul, ont sonné dans toutes les maisons du quartier. Toutes les caméras de surveillance ont été inspectées.
Rien.
Un jeune homme de dix-sept ans est toujours porté disparu depuis bientôt vingt quatre heures maintenant.
Combien de temps va-t-il tenir ? Se demande la jeune fille
La température est très basse et a atteint les moins dix degrés aujourd’hui. Si Paul avait le malheur d’être dehors à cette heure-ci, il risquerait l’hypothermie.
La jeune fille est avec sa mère dans le salon. Les deux ne parlent pas, le regard vide, elles scrutent l’écran de leur téléphone, se préparant à bondir si par chance elles y voient le nom de « Paul » s’afficher. Qu’a-t-il donc pu se passer ? Ils vivent pourtant dans une petite ville où tout le monde se connaît, il n’y a jamais eu de problèmes auparavant… Il ne se serait tout de même pas perdu. Il parcourt se chemin presque tous les soirs. Elles attendent aussi des nouvelles du père qui n’est pas rentré et ne donne plus de signe de vie. Maintenant, elles se retrouvent toutes les deux, seules, en incapacité d’agir.
Et si quelqu’un leur demandait une rançon ? Comment feraient-ils pour la payer ? Et si Paul avait eu un grave accident ? S’il était à l’hôpital, seul ? Dans ce cas là, la police l’aurait retrouvé n’est-ce pas ?
Vers dix-heures du matin, la jeune fille et sa mère n’ont presque pas bougé. Affalée sur le canapé, la mère semble sans vie. Elle serre dans ses mains l’ancien doudou lapin de Paul qu’il appelait « Carotte », elle est allée le récupérer un peu plus tôt au fond d’un placard dans sa chambre. Elle le presse contre son cœur. La jeune fille, la voyant dans cet état se sent coupable. Coupable de quoi au juste ? Qu’a-t-elle fait de mal ? Peut-être que si elle avait essayé d’appeler son frère plus tôt au lieu de ne rien faire de l’après-midi. Peut-être qu’elle aurait pu… Peut-être qu’elle aurait dû… Elle tente de trouver ce qu’elle pourrait se reprocher mais n’y parviens pas. En fait, elle ne sait pas quoi penser. Elle n’arrive même pas à pleurer. Elle est complètement désorientée. Comme lorsque l’on fait un mauvais rêve, ces rêves qui mélangent tellement d’éléments différents et irrationnels que l’on arrive à s’y sentir perdu. Pourquoi serait-ce la réalité ? Lorsqu’on rêve, on ne se rend généralement pas compte que l’on est en train de rêver. Alors elle a espoir. Peut être qu’à un moment elle va se réveiller et que ce cauchemar sera fini.
La police sonne à la porte un peu avant onze heures. C’est la mère qui se précipite pour leur ouvrir, craignant à la fois le pire comme le meilleur. Lorsqu’elle ouvre la porte, ils ne sont que deux.
-Bonjour Madame, nous avons de nouveaux éléments… Déclare un des policiers.
La mère ne répond pas, elle se contente de hocher la tête, les yeux cernés buvant la moindre parole sortant de la bouche de l’homme.
-Il vaudrait mieux que nous nous asseyons et que nous discutions tranquillement…
Dit l’homme en désignant du regard le canapé où les deux femmes sont restées assises toute la nuit dans l’angoisse.
La mère acquiesce. Craignant désormais le pire. Elle marche difficilement, une policière se sent obligée de l’aider à marcher jusqu’au canapé.
-Excusez-moi, mais j’ai oublié votre nom… Dis la mère une fois installée.
-Pas de soucis, déclare l’homme, je suis le sergent David Linsky et voici l’agent Françoise Harvais.
La mère hoche la tête, un silence pesant s’ensuit. Le sergent Linsky se racle la gorge et décide donc de commencer :
-Comme vous le savez nous avons déjà remué toute la ville et n’avons rien trouvé… Ce matin nous avons donc décidé de nous attaquer aux alentours : les villages voisins ainsi que la forêt et… la rivière…
La jeune fille ne comprend pas où ils veulent en venir.
Linsky marque une pause.
-En descendant la rivière justement, nous avons trouvé un sac à dos bleu marine, échoué sur un rocher, à proximité d’un très haut pont. Il avait dû être emporté par le courant.
Le silence est désormais étouffant.
L’homme sort un sac plastique opaque. Duquel il sort un sac à dos Eastpack bleu marine, encore mouillé.
La jeune fille le reconnaît immédiatement. C’est ce sac que son frère trimballait partout depuis ses douze ans. Celui sur lequel il avait inscrit tous ses souvenirs, cousu ses emblèmes, toujours présents à l’heure actuelle.
-Madame Sorel, ce sac appartient-il à votre fils ?
La mère n’a même pas besoin de répondre. La réponse se voit dans son regard. Oui, ce sac, elle le connaît bien. C’est elle qui a cousu tous les emblèmes dessus. C’est-elle sui l’a acheté. C’est ce sac qu’elle remplissait de cahier tous les soirs lorsque Paul ne le faisait pas. C’est elle qui a découvert le paquet de cigarette dans la poche arrière de ce sac la dernière fois. Oui c’est le sac de son fils. Elle le sait. Et pourtant, les mots ne viennent pas.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi le sac de Paul est-il dans la rivière ? L’a-t-il perdu ? L’a-t-il laissé là ? Ou…
Elle n’ose même pas penser à cette hypothèse. Non c’est impossible, Paul n’aurait pas… Il ne se serait pas…
C’est le sergent Linsky qui vient deviner ses pensées jusque là inimaginable à ses yeux :
-Votre fils avait-il des pensées suicidaires madame Sorel ?
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