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Faire le vide CHAPITRE V

Faire le vide CHAPITRE V

Publicado el 10, ago, 2024 Actualizado 10, ago, 2024 Crime stories
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Faire le vide CHAPITRE V

CHAPITRE V : MANU ET NASTIA, LA RENCONTRE

Manu avait toutes les caractéristiques du jeune adulte qui avait été pourri gâté pendant l’enfance : tout lui était dû, c’était forcément lui le meilleur et ses idées étaient parfaites. Il possédait bien évidemment la science infuse et le contredire revenait à se tirer une balle dans le pied. Son influence était grandissante au sein de ses connaissances et de ses amis. Mais le seul ami qui avait sa confiance, c’était Loïc. Ce dernier ne le trahirait jamais : ils étaient comme deux frères. Loïc faisait tout ce que Manu lui demandait, sans vraiment poser de question. Ça avait toujours fonctionné comme ça, depuis les jeux dans la cabane il y a huit ans. Ce serait immuable.

Cela faisait déjà plusieurs semaines que Loïc surveillait Anastasia Bajenov pour le compte de Manu. Elle avait un emploi du temps très rythmé mais heureusement pour lui, très ritualisé. Lycée tous les jours du lundi au samedi matin, entraînements de tir les mercredi et samedi après-midi, compétition le dimanche. Anastasia était très consciencieuse : Loïc ne l’avait jamais vu faire le mur les soirs où il avait surveillé la petite maison en briques. Elle n’avait jamais loupé un entraînement, ni une seule heure de classe. Solitaire : peu d’amis et pas de petit copain.  La jeune fille modèle par excellence. Pas de père à l’horizon ; une mère qui travaillait dur à la filature du coin.  En plus d’être sérieuse, Anastasia Bajenov était un sacré brin de fille : de longs cheveux bruns toujours attachés en natte ou queue de cheval, de jolis yeux, rieurs et profonds à la fois, et une silhouette à faire pâlir les danseuses d’opéra.

Malheureusement pour Loïc, la surveillance s’arrêtait aujourd’hui. C’est Manu qui allait prendre la relève pour commencer à se rapprocher physiquement d’Anastasia. Dommage, Loïc commençait à s’attacher à Anastasia. Sans jamais l’avoir côtoyée, il trouvait que c’était vraiment une fille exceptionnelle. Il avait même la sensation de la trahir lorsqu’il rapportait à Manu ce qui s’était passé lors de ses journées de surveillance. Loïc espérait seulement que Manu n’allait pas lui en faire voir de toutes les couleurs lors du prochain ravage.

Manu partit de bonne heure du Bois l’Abbé pour ne pas rater sa quatrième séance de tir. Cela faisait maintenant quinze jours qu’il avait pris sa licence et qu’il ne ratait aucun entraînement. Il jouait parfaitement le garçon modèle dès qu’il franchissait le club de tir. Il arrivait toujours de bonne heure, afin de choisir le poste de tir le plus proche de Nastia. Loïc avait été un bon petit soldat. Il avait récupéré les données les plus importantes pour que la jeune fille tombe dans ses filets. Il devait tout de même la jouer fine car ce n’était pas le genre de fille à se laisser avoir.

Lorsqu’ Anastasia arriva sur le pas de tir, elle semblait déterminée et sûre d’elle. Elle s’installa au poste juste à côté de lui, puis sortit son arme de sa housse. Le président arriva juste à cet instant et dit :

"Premier entraînement avec ton tout nouveau jouet ma belle ! Tu vas commencer par régler la carabine en position Debout. Quand tes réglages sont satisfaisants, 5 balles d’essai et 10 balles de match. C’est noté ?

- Oui, monsieur Mähler.

- Tu as tout ton temps pour prendre en main la carabine. Dès que tu as de bonnes sensations, tu notes ça dans ton cahier de tir.

Puis se tournant vers Manu :

- Aide-la dans ses réglages, tu veux ?

Et sans attendre de réponse, il s’adressa à Nastia :

- Je reviens d’ici une demi-heure. On garde en tête l’objectif du jour : les réglages de la nouvelle carabine en tir Debout."

Manu, obéissant au coach, sortit de la fosse pour rejoindre la jeune fille à son poste de tir, mais cette dernière tiqua.

"Tu dois toujours mettre ta carabine en sécurité avant de quitter ton poste. En compétition, ça peut être éliminatoire."

Manu alla soulever sa culasse afin de mettre son arme en sécurité. Il s’approcha de nouveau de Nastia. Elle était déjà en position et réglait sa plaque de couche, son busc et son dioptre. Manu l’observait : son regard intense, ses cheveux remontés en une queue de cheval haute qui retombait le long de sa veste de tir, son corps sublime même sous tout l’attirail que nécessitait ce sport. Il en oublia de changer le carton. Nastia, avare de paroles, le regardait intensément de son regard noir pour lui signaler que c’était le moment de changer la cible. La demi-heure s’écoula sans qu’aucune parole ne vienne troubler ce moment. Lorsque le coach revint, Manu et Nastia étaient chacun à leur poste de tir, l’une notant consciencieusement ses dernières sensations et ses marques dans son cahier de tir, l’autre feignant de se concentrer sur son entraînement.

Après la séance, Manu attendit Nastia devant la porte des vestiaires. Il voulait aller un peu plus loin aujourd’hui, et l’inviter à boire un coup. Ce ne serait pas chose facile car lorsque l’entraînement était terminé, Nastia se rendait directement chez elle par le bus de ville. Manu allait devoir être exemplaire et ne pas laisser transparaître son côté dominateur.

Quand Nastia sortit du vestiaire, elle fut surprise de voir Manu planté comme un piquet dans le couloir, et en même temps flattée. Elle commençait à l’apprécier. C’était un garçon discret, serviable, et calme. Il semblait sûr de lui mais sans en faire trop. Il dit :

« J’ai pu voir que tu t’entraînais avec une nouvelle arme. C’est pas trop difficile à quelques semaines du championnat de France de changer de matériel ?

- Non, ça va. C’est la même marque que l’arme avec laquelle je m’entraîne depuis des années. Il faudra encore deux ou trois entraînements pour fignoler, mais ça devrait bien aller.

- Je lis la presse sportive régionale et j’ai pu suivre ton parcours grâce aux articles qu’il y a eu dans les journaux : impressionnant !

- Oh ? Vraiment ? Merci, répondit Nastia d’une petite voix. »

Ça n’allait vraiment pas être facile de l’amadouer cette fille-là ! Ce n’était pas le bon moment pour un café en tête à tête. Anastasia Bajenov était tellement sincère et pure. Dans son regard, dans ses paroles, tout transpirait la gentillesse. Quelques secondes s’écoulèrent, puis Nastia prit la parole :

« Si tu as des questions concernant le tir, si tu veux de l’aide, demande-moi. Je te renseignerais avec plaisir. »

Manu se réjouit. Elle ne serait finalement pas si compliquée à berner.

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