La solitude
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La solitude
Elle se regardait de l'extérieur, au petit matin, ou tard après le sommeil, lorsqu'il avait encore décidé de la semer.
Elle ne souriait pas.
Mais elle ne pleurait pas.
De marbre et glacée, elle observait le chaos de ses propres péchés et le résultat de ses pensées obstruées par une réalité criante, vision trouble et intense qui savait comment maintenir éteint un corps cependant bien vivant. De part sa haine, de part ses souvenirs brisés ou bien ses regrets. Qu'en était-il de sa honte et son rejet ?
Non elle ne souriait pas.
Spectatrice stoïque, elle avait abandonné l'espoir de se voir participer quand bien même elle était en plein cœur du spectacle. Quand bien même elle en était le clou.
C'était elle, l'actrice principale de sa propre mêlée. Elle sur Elle, sur Elle et puis sur Elle. Encore, et encore, et encore.
Elle était le clou, et elle était le marteau.
C'était elle, et elle le savait, savez-vous.
Mais elle était trop forte. Trop forte pour elle.
C'était ses accumulations de rage, de déception et d'amertume qu'elle avait ancré sans pour autant nettement s'en rappeler. C'était tout cela qu'elle dépeignait sur ses moues, ses sourires et ses idées, chaque fois qu'elle mouvait ses joues pour plaire et retenter. Et puis échouer.
Et contre toute attente, elle haïssait.
Elle haïssait n'être plus rien car elle avait été trop, ou ne plus ressentir la sensation de ressentir encore car elle avait explosé.
Elle haïssait se contempler dans le miroir et n'y voir aucun reflet, ni le présent, bien moins le futur, mais étrangement aussi le passé. Tout s'en était allé.
Il ne restait plus rien, plus rien d'intact, ni ficelé, encore moins ce je-ne-sais-quoi d'attrayant à l'esprit de l'autre ou l'étranger. Pire encore, plus rien qui ne valait désormais la peine de continuer à essayer de s'y percevoir elle-même.
C'était donc cela. C'était donc cela la solitude. La vraie. La puissante. L'accablante.
Ce n'était pas eux, qui avaient choisi de s'envoler. Quels étaient leurs noms déjà, ou bien les blâmes qu'elle avait engendré ? Elle ne le savait. Envolés.
Ce n'était pas ceux, qui plus que de tirer un trait, avaient choisi de repasser, encore et encore sur sa ligne de vie. Facile aurait-ce été que de se laisser sombrer sous les pas enragés des coléreux agacés face à son tempérament maladroit et imparfait.
Mais ce n'était pas eux.
Ni l'abandon, ni la colère, ni la déception d'autrui n'avaient achevé son cœur meurtri.
Car elle n'avait jamais haï.
Ou du moins elle ne haïssait plus.
Ni lui, ni elle, pas même après avoir hurlé à la mort qu'elle vienne la reprendre, car elle l'avait oublié là, elle aussi. Elle aussi, elle avait prit la fuite.
Mais elle n'avait jamais haï, pas même l'insolence du temps qui se répand, se donne et se reprend. Mais qui ne revient jamais.
Alors elle avait trouvé, oui, ce qu'était la solitude.
Ce n'était pas seulement d'être avec eux sans s'y sentir à sa place, ou de vivre l'absence en étant enlacée.
Ce n'était pas seulement de les voir trépasser, dans le présent en détalant, dans le passé en s'effaçant, dans le futur en ne venant.
Ce n'était pas eux. Tout simplement.
La solitude, la sincère, l'éprouvante, c'était celle de se regarder d'en haut, et de haïr vraiment.
La solitude, le canon, la tempête, c'était de voir son monde et de le haïr pleinement.
Ô elle qui haïssait haïr !
Car non, elle ne haïssait, c'est vrai.
Jamais rien d'autre que ses propres méfaits.
Ainsi je le concède, c'était bel et bien l'abandon, la colère, la déception qui avaient finalement achevé son cœur meurtri. Mais pas d'autrui. Non pas d'autrui.
Car c'était elle.
C'est ainsi qu'elle la vécu et qu'elle le su : la solitude, la vraie, c'était de constater que c'était elle, qui s'était abandonnée.
Et c'était pour cela oui, c'était pour cela que, finalement, elle ne pleurait pas.