

L'ennui est empereur
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L'ennui est empereur
L’ennui est empereur
L’ennui, l’ennui comme un regard ; peut-être.
Et pourtant, pourtant, je me souviens :
D’un feu qu’on m’a dit brûler dans le mien,
Il y a longtemps, braises et foyers d’espérances.
Je ne sais la violence qui m’a un jour brisé les os comme des calcins de bois qui se séparent de la bûche ardente et noire, une à une, rejoignant des braises destinées à s’éteindre.
Je ne sais l’époque où mes yeux choisirent de ne plus croire en l’amour, mais de le vivre comme un passage inévitable de l’histoire où je n’ai que choix d’aimer, ni l’amour, ni l’être, la vie à deux.
Ou peut-être que je l’ai su, une fois ; j’avais l’envie folle et icarienne de me jeter loin des autres, de voler seul sur les nuits, immodérément ; et j’ai chuté, pas de destin, un choix, une chute massive, intelligente, posée, neutre et ennuyeuse.
Je ne sais d’où me vient cette étrangeté dans l’œil, cette indifférence de nuit, un village paisiblement détruit par le temps qui passe. Ou peut-être s’agit-il d’un jour éternellement ensoleillé, qui rendrait la nuit lointaine et désirable, le soleil rien d’autre qu’un de ces nombreux on-fait-avec grâce à quoi l’ennui est empereur.
C’est peut-être l’âge. Je suis jeune encore mais je vois enfin avec la clarté d’une aiguille comment une autre vie fut possible. Il s’en est fallu de peu ; il suffisait peut-être de traverser les Pyrénées, de rejoindre et savoir ce qu’il en est d’un amour arraché aux ongles du temps et des espaces.
Je ne sais l’étendue des vies possibles qui doivent un jour composer l’exil du cœur, et faire de l’écriture une torture dont l’instrument n’a même le luxe d’être réel.
Je ne sais non plus nommer la contradiction finale qui rend le malheur nécessaire. Je ne sais pourquoi le malheur lui-même est imparfait, tâchées de joies qu’on regrette immédiatement, dont on a honte – et pourquoi, un poète le saurait.

