

Episode 12 - Cruelle
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Episode 12 - Cruelle
POV Lili
J’entendis les pas lourds et agités de mon père devant ma porte. Je restais immobile, espérant qu’il me croie endormie. Après un moment qui me sembla interminable, il soupira et s’éloigna. J’avais à peine quitté ma chambre depuis hier matin, luttant contre les flash-back sordides, les vagues d’angoisse et ce mal-être suffocant qui ne m’octroyaient aucun répit.
Quelques minutes de félicité avaient permis au voile laissé par la drogue de se lever, laissant place aux souvenirs cauchemardesques. Mon amnésie s’était brisée et les échos de l’abus, de la dévastation infligée, m’avaient engloutie. J’avais été violée, anéantie, de bien des manières. Ce n’était pas seulement l’agression qui m’avait détruite, mais l’humiliation perpétuelle des jours suivants, alors que des images monstrueuses de ma souffrance circulaient dans les couloirs du lycée. Des vidéos et des photos où j’étais l’actrice principale d’une mise en scène obscène et dégradante. Une star non consentante, blessée et souillée à jamais.
À cette pensée, une vague de désespoir m’envahit, me serrant l’estomac et me forçant à quitter le lit pour courir vers la salle de bain. C’était la quatrième fois en moins de 24 heures. Sans un mot, Anny s’est assise près de moi sur le carrelage glacé au pied des toilettes pour me caresser le dos pendant que mon corps expulsait le poison de mes tourments : bile, douleur et colère.
Les minutes s’égrenaient et je luttais pour trouver la force de me relever et de me laver. La fille dans le miroir était si pâle, si désolée, que j’eus du mal à me croire que c’était moi. Cela faisait des mois que je ne l’avais pas aperçue, espérant ne plus jamais l’affronter. Mais, malgré tous mes efforts, elle était là. Elle était bel et bien moi.
―Tu devrais te recoucher, tu vas attraper froid… murmura Anny comme si elle avait peur de m’effrayer.
J’acquiesçai et la laissai me guider jusqu’à mon lit. Elle me borda puis reprit sa place à mes côtés, veillant sur moi depuis le départ de Ryan, plus tôt dans la matinée. Une douceur s’était installée, en dépit de la douleur écrasante. La facilité avec laquelle je m’étais confiée à lui était troublante. Troublante, mais bienvenue. Je n’avais jamais vraiment mis de mots sur ce qui s’était passé en Californie. Uniquement des larmes et des silences pesants.
Je n’avais rien prémédité. Je n’avais pas l’intention de raconter mon histoire à quiconque. Hier matin, lorsque les gars s’étaient tous présentés chez moi, les bras chargés d’un tas de trucs bons pour soulager ma gueule de bois, je ne voulais voir personne. Heureusement, Anny avait su les convaincre que j’avais besoin de repos et les faire partir avant qu’ils ne passent la porte. Tous, sauf Ryan, qui attendait encore patiemment sous le porche quand mon père était rentré du boulot, bien après le coucher du soleil.
À ce moment-là, j’étais parvenue à quitter ma chambre pour m’installer sur le canapé du salon, blottie dans un immense plaid bien chaud. Je fixais l’écran de la TV qui diffusait des images sans intérêt. Mes yeux étaient gonflés et mouillés de pleurs, les cheveux ébouriffés, mes vêtements froissés. Quand mon père s’était inquiété de mon état lamentable, j’avais prétexté un simple mal de crâne lié à un problème de fille, mais il n’était pas dupe. Devant l’insistance et le désarroi de mes deux amis, il comprit rapidement que mes démons étaient de retour. Qu’ils s’étaient invités d’une manière ou d’une autre depuis la victoire des Faucons, la veille au soir. Je remarquai alors, pour la première fois depuis longtemps, la peur dans ses yeux. L’angoisse et la douleur d’être impuissant face à cette situation sans issue.
Après une heure de silences embarrassants et de questions maladroites, j’étais finalement remontée me coucher après avoir prié Anny et Ryan de rentrer chez eux. J’avais besoin d’être seule pour pleurer et me reposer, si toutefois les cauchemars daignaient me laisser tranquille. Mais mes amis n’avaient pas bougé et s’étaient installés devant la porte de ma chambre, assis dans le couloir sombre à discuter en chuchotant sur ce qu’ils savaient de la soirée : Steve, son maillot, le coup dans le nez de Logan, ma disparition, le baiser, mon air hagard et mes sanglots incontrôlables. J’attendais la tempête, les cris de colère de mon père, mais rien. Tout semblait calme à l’extérieur, excepté Ryan qui faisait les cent pas, pestant et tapant le mur de frustration.
Ne tenant plus, je me levai et passai la tête par l’embrasure pour inviter Ryan à entrer. Il se tourna vers moi, timide et troublé. Les traits tirés et l’air débraillé. Comme s’il n’avait pas dormi depuis deux jours. Comme s’il était rongé par la fièvre et l’angoisse.
― Hé ! Je suis désolé, je ne voulais pas te réveiller, marmonna Ryan. Comment te sens-tu ?
Je m’installai sous les couvertures avant de lui faire signe de me rejoindre. Il hésita, la tête baissée, une main dans les cheveux, visiblement en proie à un vrai dilemme. Enfin, après quelques minutes de malaise, il finit par enlever ses baskets, lentement, comme s’il cherchait à me laisser l’occasion de le renvoyer, puis il entra dans ma chambre et vint s’allonger sur la couette, essayant de rester le plus loin possible, raide et incertain.
― Je peux ? demandai-je en m’approchant de lui.
Sans dire un mot, il ouvrit les bras pour m’offrir le refuge dont j’avais tant besoin. La douceur de cet instant platonique et réconfortant me permit de me détendre. Je me sentais parfaitement en sécurité avec lui, comme avec un grand frère protecteur. Entre nous, il n’y avait aucun malaise. Aucune tension sexuelle. Aucun non-dit équivoque. Je posai ma tête sur son torse et il me serra contre lui, en m’embrassant délicatement les cheveux.
Nous sommes restés ainsi, enveloppés dans un silence apaisant qui sembla durer une éternité. Jusqu’à ce que les mots sortent. Que les maux jaillissent. Mon récit commença avec le mentorat d’Éric. Nos heures à la bibliothèque. Ses sourires. Sa gentillesse. Lui, le footballeur star de l’école et moi, l’intello coincée. Et puis cette soirée fatidique. Son invitation innocente. Charlène. Les verres. La drogue. Puis tout ce qui s’était passé dans cette chambre. Les autres. Éric… et l’horreur des semaines qui suivirent.
Le corps de Ryan se raidit de plus en plus au cours de mon histoire. Il a pleuré. Juré. Resserré son emprise. Et embrassé mon front à plusieurs reprises. Toujours sans un mot. Et moi, la voix claire et posée, les yeux secs et irrités, je laissais échapper ma douleur et ma colère, révélant pour la première fois tout haut ce que j’avais enduré ces derniers mois.
― Et vendredi ? demanda Ryan brisant le nouveau silence serein qui s’était installé entre nous.
― J’ai reçu mon premier vrai baiser… avouai-je rêveuse. Malheureusement, mon passé m’a rattrapée. J’ai paniqué et je me suis enfuie. Je ne voulais pas vous inquiéter. Je suis désolée…
― Désolée ? Lili, regarde-moi, me pria-t-il.
Je levai la tête et mes yeux rencontrèrent les siens. Son amour pour moi enflammait ses prunelles bleues. Un amour fraternel et inconditionnel. Protecteur et bienveillant.
― Tu n’as pas à être désolée. Tu n’as rien fait de mal. J’avais dit à Logan de te laisser tranquille. Je savais que tu avais vécu quelque chose de difficile et je ne voulais pas qu’il te fasse souffrir, mais j’étais loin du compte. Putain, Lili ! Je vais avoir une discussion avec lui et s’il ne comprend pas alors j’opterai pour la manière forte.
Il crispa ses mâchoires et ferma les poings s’imaginant déjà frapper la belle gueule de son meilleur ami. Son petit côté prince charmant me réchauffa le cœur et un sourire se dessina malgré moi sur mes lèvres.
― Quoi ? s’empressa-t-il de demander un peu sur la défensive.
― Logan n’a rien fait. Rien que je ne voulais… lui confiai-je. Je crois que j’avais besoin d’un déclencheur pour déverrouiller ma mémoire. Lui ou un autre, ça n’aurait rien changé.
Devant son air renfrogné, je me surpris à rire. Un rire léger et sincère. Et lorsqu’il me dévisagea avec ses grands yeux indigo, je repartis de plus belle. Si bien que mon père et Anny, qui étaient restés dans le couloir, nous rejoignirent, tout aussi interloqués que Ryan.
Je partageais mon lit avec un garçon magnifique, vêtu juste d’un vieux t-shirt ample et d’une petite culotte en coton, hilare et étrangement sereine. Une scène qui aurait dû choquer mon père, mais contre toute attente, il sourit, visiblement soulagé. Puis il m’embrassa et sortit, suivi par ma meilleure amie, nous laissant une intimité à la fois inattendue et appréciée.
― Merci, soufflai-je une fois calmée.
― Pourquoi ?
― Pour m’avoir écoutée sans rien dire, sans m’accabler de questions, sans me juger. Ça fait du bien, réalisai-je. Je me sens plus légère.
Il déposa un nouveau baiser réconfortant sur mes cheveux et m’enveloppa de ses bras, m’enfermant dans un calin d’ours.
― Je suis désolé que tu aies subi toute cette merde, murmura-t-il. Par contre, je te promets que cet enfoiré perdra plus que quelques dents si jamais je le croise !
Je ne dis rien. Le remerciant silencieusement. La tête sur son torse, bercée par le son puissant et lent de son cœur, je m’endormis tranquillement. Un sommeil paisible, sans ombres ni cauchemars.
POV Logan
Samedi matin, l’entraînement avait été un véritable cauchemar. Le coach était déchaîné et s’était montré impitoyable, malgré la victoire de la veille. D’ordinaire, on se contentait de quelques tours de terrain avant de se retrouver dans les vestiaires pour analyser la vidéo du match. Mais pas cette fois-ci. Il nous avait fait cracher nos poumons, nous forçant à enchaîner les exercices, comme s’il cherchait à nous punir.
― C’est quoi son problème, putain ! grogna Steve, alors que le coach venait de nous ordonner de faire une nouvelle série de pompes.
Je haussai les épaules avec un sourire en guise de réponse et me laissai tomber au sol pour entamer l’entraînement. Contrairement à tous mes coéquipiers qui puaient l’alcool, cela ne me dérangeait pas. Je n’avais pas réussi à fermer l’œil de la nuit pourtant, je débordai d’énergie… Mon esprit vagabondait vers ce délicieux baiser. Je pouvais encore sentir la douceur de ses lèvres sur les miennes. Son souffle ardent sur ma peau. Son goût sucré et envoûtant.
Même le tête-à-tête de ce matin avec mon paternel n’avait pu éteindre ce souvenir brûlant. Il m’avait parlé de ses affaires récentes. De ce nouvel associé et de mes responsabilités en tant que futur héritier. Il avait failli réussir à effacer ce sourire béat qui ne m’avait pas quitté depuis que Lili avait posé ses mains sur moi. Et dire que ce con a cru que j’étais heureux de le voir et de le laisser m’exposer ses plans d’avenir. Grand bien lui fasse ! Si cela pouvait apaiser ses inquiétudes et me simplifier la vie jusqu’à la fin du lycée, soit.
― Ce sera tout pour aujourd’hui ! cria le coach. Logan, je veux te voir dans mon bureau après ta douche !
Avant que je ne puisse réagir, il s’était déjà volatilisé dans les vestiaires, suivi de près par les gars. Aucune discussion possible. Et vu son air fermé, j’allais sans doute passer un sale quart d’heure. Mais pour une fois, j’ignorais totalement ce qu’il pouvait me reprocher.
― Hé, Logan… Mon chéri !
La voix insupportable de Morgan retentit à travers le terrain et m’agressa les tympans. Elle se trémoussait en bas des tribunes, entourée de son équipe de pom-pom girls, dans un uniforme tellement court que ça frôlait l’indécence. Sérieux ? Elles ont vraiment le droit de porter ce genre de tenue devant un public de moins de 18 ans ?
Elle affichait un sourire éclatant et minaudait, comme si rien ne s’était passé la veille. Mauvais signe… Ryan avait raison : je n’ai pas intérêt à relâcher ma vigilance, sans quoi je risquais de retrouver avec de la crème dépilatoire dans mon shampooing, du colorant dans mon gel douche ou même du laxatif dans ma gourde. Cela faisait des années que je connaissais Morgan et je savais ce dont elle était capable. Elle ne reculait devant rien pour obtenir ce qu’elle désirait ou préserver ce qu’elle considérait comme sa propriété. Malheureusement pour moi, elle avait jeté son dévolu sur moi et je m’étais engagé sur une pente glissante. Oh oui, j’avais vraiment merdé !
― Elle va plus te lâcher, mon pote, ricana Éric qui était resté en arrière. Mais tu aurais pu tomber sur pire. Je parie qu’elle est super chaude…
Sans quitter Morgan du regard, il esquissa un sourire carnassier en se léchant les lèvres. Je soupirai, fatigué, avant d’enrouler amicalement mon bras autour de son cou et de lui répondre :
― Si elle t’intéresse, je te la laisse. Beaucoup trop vulgaire pour moi…
― Pourtant, j’ai entendu dire qu’elle était déjà passée sur ta queue !
Je resserrai ma prise sur mon coéquipier avant de lui siffler à l’oreille :
― Une fois de trop, dans un moment d’égarement. Alors, fais-toi plaisir, Éric, et débarrasse-moi d’elle !
― Et risquer les foudres de Morgan ? ria-t-il en me repoussant. Jamais ! Je sais bien que je n’ai aucune chance. Je n’ai pas envie de me ridiculiser !
Il partit en courant rejoindre les autres, me laissant comme un con au milieu du terrain. J’ai rapidement rangé le matériel avant de me diriger à mon tour vers les vestiaires où Morgan m’attendait, avec son regard de chiot battu. Impossible de passer à côté sans qu’elle ne me fasse une scène. Merde ! Je plaquai un sourire sur mon visage et me préparai à affronter la furie aux ongles écarlates.
― Logan… ronronna-t-elle alors que j’arrivais à sa hauteur. Tu m’as manqué hier…
― Vraiment ? Pourtant, tu étais en très bonne compagnie quand je t’ai laissé sur le so…
Elle se jeta sur moi, collant ses lèvres gluantes de gloss contre les miennes. Je me raidis et tentai de la repousser, mais elle me mordit avant de s’écarter d’elle-même. Une grimace déformait ses traits habituellement si lisses et parfaits. Ses pupilles étaient dilatées et ses joues rougies trahissaient sa rage.
― Je te déconseille de finir cette phrase… Pas si tu veux que ta chère petite Lili continue à jouer les ingénues, menaça Morgan à voix basse.
Je l’observai, cherchant désespérément une faille dans son masque de garce. En vain.
― J’ai toute ton attention ?
― De quoi tu parles ? lui demandai-je en reculant d’un pas.
― Tu te souviens de ma cousine ? Celle qui est venue en fin d’année dernière ?
Personne en ville n’avait oublié sa cousine. Une grande blonde au corps de déesse, mais dont la personnalité vaniteuse et manipulatrice la rendait aussi attirante qu’une vieille sorcière. Elle avait terminé son année scolaire dans notre établissement et avait provisoirement rejoint l’équipe de pom-pom girls.
― Eh bien, il s’avère qu’elle était dans le même lycée que Lili. Et elle m’a raconté des histoires passionnantes à son sujet. Mais le plus intéressant, ce sont les photos et les vidéos qu’elle m’a envoyées. Tu veux voir ?
Elle déverrouilla son smartphone et me le tendit. Sur l’écran défilait des images montrant une fille totalement nue, à genoux dans une chambre. Elle se caressait fiévreusement la poitrine tout en titillant de la langue la bite turgescente d’un mec. Au début, j’étais incapable de la reconnaître. L’image était de mauvaise qualité, mais lorsque la vidéo fit un gros plan sur son visage, j’étais stupéfait. Malgré son maquillage dégoulinant et ses cheveux ébouriffés, aucun doute possible, c’était Lili.
― Elle cache bien son jeu, n’est-ce pas ? se moqua Morgan en rangeant son portable.
― Qu’est-ce que tu veux ?
Morgan afficha une moue aguicheuse qui me donnait des haut-le-cœur, tout en faisant courir ses longs doigts sur mon torse jusqu’à la ceinture de mon short. J’attrapai sa main pour la stopper avant qu’elle n’aille plus loin, ce qui sembla l’amuser.
― Tu ne l’as pas encore compris ? C’est toi que je veux… Sois un gentil petit ami et je ne diffuserai pas ces images. Qu’est-ce que tu en penses ?
― Va te faire foutre ! marmonnai-je.
― Avec plaisir, mon chéri… roucoula Morgan en se frottant à moi. Et dès lundi, tu officialiseras notre relation. J'espère ne plus jamais voir Lili à notre table. Dis ce que tu veux aux autres. Si jamais je la vois, j’envoie à tout le lycée cette incroyable vidéo.
Puis elle disparut.
Je restai là, figé devant les tribunes, complètement abasourdi. Je savais que cette fille était folle, mais jamais je n’aurais cru qu’elle serait capable d’une telle cruauté.
Texte de L.S. Martins (120 minutes sans relecture).
Image disponible sur Pixabay : Fille Dépression Tristesse - Photo gratuite sur Pixabay - Pixabay

