Le rayon vert
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Le rayon vert
Le temps des métamorphoses (10)
Parfois, lorsque les conditions sont propices, que le temps est clair et l'horizon bien dégagé sur la mer, le dernier rayon du soleil, juste avant qu'il ne disparaisse, est vert. Ce n'est qu'un phénomène optique naturel, mais il a ceci de particulier qu’il est fugace et parfaitement imprévisible. C'est comme un arc-en-ciel, mais beaucoup plus rare. Peu de gens peuvent se vanter d'avoir vu le rayon vert.
Dans la savane ou dans le zoo
On rencontre parfois dans l'histoire de l'art de tels moments magiques, que l'on essaie de recréer dans des résidences d'artistes. L'intention est louable : réunir en un même lieu des peintres, des écrivains, des musiciens, des dessinateurs ou des cinéastes, créer de l'entraide, de la stimulation et des ponts entre les différentes disciplines. Cela a tout de même un autre panache quand les choses se mettent en place d'elles-mêmes, dans la savane plutôt qu'au zoo. Il y a plus de cachet, plus d'authenticité. Les salons du siècle des Lumières ou les résidences d'aujourd'hui ont un petit côté entre soi et non démocratique qui peut déranger. Ici comme ailleurs il faut être adoubé, connaître quelqu'un qui connaît quelqu'un. Ce n'est pourtant pas toujours le cas.
Chelsea hotel
Il y a eu par exemple le Chelsea Hotel de New-York dans les années 60. Les témoignages d'artistes ne manquent pas. Pour ma part je retiens surtout celui que Patti Smith rapporte dans son livre Just Kids. Au fil des pages, elle raconte son quotidien, sa rencontre et son histoire d'amour avec le photographe Robert Mapplethorpe, et fait revivre sous nos yeux tous les personnages d'un New-York artiste et bohème à une époque où tout pouvait arriver : Andy Warhol, Bob Dylan, Allen Ginsberg, Lou Reed. Les petits provinciaux poussiéreux pouvaient venir tenter leur chance au culot. À croire parfois qu'il suffisait de débarquer avec son seul bagout et une guitare sous le bras...
CBGB
Il y a eu aussi, toujours à New-York, le CBGB, club mythique du début des années punk, qui a vu arriver en son sein Tom Verlaine et Richard Hell, des poètes qui ne savaient pas jouer de musique avant de fonder le groupe Television, Debbie Harry et Chris Stein, ossature charismatique du groupe Blondie, les Ramones, Johnny Thunders, et la même Patti Smith.
Studio One
Il y a encore eu le Studio One de Clement Coxsone Dodd à Kingston, Jamaïque, qui a enregistré, produit et diffusé, dans des conditions pas toujours très honnêtes, mais ceci est une autre histoire, tout ce qui a compté et compte encore aujourd'hui en matière de reggae : The Skatalites, The Heptones, Lee Scratch Perry, Max Romeo et, bien entendu, Bob Marley.
Le rayon vert
L'alchimie est difficile à analyser, encore plus à reproduire. Ce qui est sûr c'est qu'il faut un endroit propice, une terre d'accueil où les gens se sentent bien, où chacun peut arriver avec ses bagages, au sens métaphorique, encore que le Chelsea Hotel était vraiment un hôtel où les gens débarquaient avec de vraies valises, et se greffer à un tout qui le dépasse, un tout qui prend son sens propre et devient plus grand que le simple assemblage des parties qui le constituent, multiplication plutôt qu'addition. Il faut un lieu où chacun puisse se sentir libre de créer, de s'exprimer, et de soumettre instantanément ses réflexions ou son travail à ses camarades. Tout le monde semble alors galvanisé, porté, poussé en avant bien plus loin qu'il n'aurait jamais pu aller en travaillant seul dans son coin, même si la drogue contribue pour beaucoup à une telle effervescence. C'est un véritable champ d'exploration des possibles. Si en plus on peut faire entrer de l'argent dans les caisses, c'est encore mieux. Ces lieux ont besoin de fonds pour pouvoir fonctionner.
Merci à Eric Ausseil, grand enlumineur de ces lieux.
Stéphane Hoegel hace 3 años
Ah el famoso Chelsea Hotel ! Janis Joplin, Joan Baez, Joni Mitchell, Nico... et bien entendu Leonard Cohen qui l'a célébré dans sa chanson...
I remember you well, in the Chelsea Hotel...