Un tour sur le manège
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Un tour sur le manège
Le temps des métamorphoses (34)
Consécration
Le groupe Carrousel marque une étape décisive dans l'histoire de la musique réunionnaise. Alain Péters et les autres musiciens que l'on connaît, Loy Ehrlich, Bigoun, Joël Gonthier, où Teddy Baptiste, Bruno Leflanche et Zoun, bientôt rejoints par Jean-Claude Viadère, vont aller beaucoup plus loin que personne n'a jamais été avec ce nouveau projet. Ils vont fusionner tous les genres, le rock, le jazz, le blues, les musiques venues d'Inde et d'Afrique, la chanson et le maloya, pour tout transfigurer. Par chance, ce travail d'avant-garde parvient à trouver son public. Pour une fois le timing est idéal. La communion est totale et la notoriété de Carrousel va grandissante, jusqu'à ce que le groupe se produise au Stade de l'Est en première partie de Téléphone alors au sommet. L'impact est immédiat et Carrousel devient du jour au lendemain le grand groupe de La Réunion. N'oublions pas que Loy Ehrlich et Louis Bertignac se connaissent depuis plusieurs années. Ils ont démarré dans le même milieu rock français, fréquentant à Paris les mêmes salles de concert, les mêmes studios, les mêmes musiciens. Cela a dû bien faciliter les négociations pour Carrousel. Mais peu importe la manière, le succès est au rendez-vous.
Pourtant, malgré cette notoriété naissante, ou peut-être bien à cause d'elle, des dissensions se font sentir au sein du groupe. Il est toujours très délicat de maintenir la cohésion sur la durée quand les individus ont de si fortes personnalités. Ils sont tous habités par la même envie et ont tous traversé, à quelques différences près, les mêmes aventures. Ils ont transité par les mêmes studios, travaillé avec les mêmes producteurs, mais les divergences sont bien là. Chacun a des ambitions différentes pour le groupe.
Coup dur
Dans ce marasme, Alain Péters va perdre pied assez vite. Les événements se bousculent alors que lui a besoin de souffler. Lorsque son père meurt, en 1980, il s'enfonce pour de bon dans l'alcool et laisse les choses se déliter autour de lui. Il s'isole. Sa femme, qui ne peut pas supporter de le voir ainsi se détruire, part pour la métropole en emmenant leur fille avec elle. L'année 1980 marque donc un nouveau tournant dans la vie d'Alain Péters. D'un seul coup, il se retrouve seul, sans figure paternelle à laquelle s'identifier, à moitié orphelin donc, amputé d'un modèle et de sa famille. L'effervescence retombe d'un seul coup.
Il est difficile de savoir exactement ce qui a pu se passer au sein de Carrousel. Pourquoi ses amis de toujours ne l'ont pas soutenu au moment où il en avait le plus besoin ? Ont-ils essayé de le faire ? Pourquoi n'a-t-il pas voulu de leur aide alors ? Dans les notes de pochettes de Parabolèr, Loy Ehrlich écrira simplement : « nos chemins ont divergé ». Jean-Marie Pirot dira quant à lui dans une interview tardive en 2017 (sa dernière interview semble-t-il puisqu'il est mort peu de temps après l'enregistrement de David Commeillers pour son émission Alain Péters, le clochard céleste, diffusée sur Arte Radio) qu'il s'est tout simplement fait virer comme un malpropre parce qu'il n'était pas fiable. Les choses devenaient peut-être trop sérieuses pour lui. On sait bien en effet qu'il n'est pas fait pour les horaires, les répétitions et le travail fastidieux, mais les abus d'alcool n'ont pas dû non plus arranger ses affaires.
Merci à Eric Ausseil pour le tour en manège.