Juillet - 6 [fin de Juillet]
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Juillet - 6 [fin de Juillet]
Isidore tremblait d’émotion en lisant ces lignes. Il avait eu du mal à reconnaître la calligraphie d’Amal mais sa manière de détacher les lettres était la même qu’auparavant. Ainsi, elle avait pensé à lui jusqu’à la fin. Il ne se sentait pas très bien de lire cette lettre qui ne lui était pas destinée. Pourquoi Hicham la lui avait-il donnée ? Rosa devait savoir ce qu’il en était de sa généalogie, c’était le souhait d’Amal en tout cas. Isidore ne voulait pas devenir le père de cette jeune femme qu’il ne connaissait pas, toutefois, n’y avait-il pas comme une nécessité de rétablir la vérité ? Cette lettre, bon sang, comme elle lui faisait du bien, et comme elle lui faisait du mal aussi !
Il se souvenait des deux terribles lettres qu’il avait reçues à l’époque. La première lui apprenait la mort de son père. Ils s’étaient appelés au téléphone, Amal sanglotait et semblait perdue, complètement désorientée au point de lui parler arabe parfois. Trois semaines plus tard, il avait reçu la lettre finale, le couperet, une lettre qui mettait un terme à son bonheur et à ses projets conjugaux. Amal ne reviendrait pas et Isidore ne devait pas chercher à venir. Dans un film, bien sûr, il eut fait fi de cette injonction. Mais là, avec son boulot et ses maigres revenus, le loyer qu’il devait assurer seul depuis deux mois, c’était compliqué de tout laisser en plan et de s’envoler pour Beyrouth. Avec le recul, il s’en voulait. Combien de fois avait-il fait le rêve d’aller la chercher ? Combien de fois l’avait-il retrouver dans la maison familiale et l’avait-il serrée dans ses bras comme avant, devant tout le monde ? Oui, il avait rêvé bien souvent d’intrépides retrouvailles mais il était resté à Paris, se contentant d’envoyer des lettres. La belle affaire. Et maintenant, cet ultime message posthume. Comme si cette histoire ne devait jamais finir.
Lorsqu’il descendit du bus, il avait encore les yeux rouges lorsqu’il aperçut Véronique, impeccable dans un chemisier échancré blanc avec des fleurs roses tissées sur la poitrine, un sourire inaltérable et des lunettes de soleil sur le front. A ses pieds une valise à roulettes de taille moyenne attendait sagement qu’on la tire jusqu’à l’enregistrement. C’était une belle femme, moderne, terriblement parisienne – jusqu’à la caricature du tote bag floqué « Boulets des rues/Calvaire des filles » #RiveDroite – et il l’aimait tendrement. Et pourtant, à cet instant précis, il aurait préféré être seul, méditer sur sa condition, réfléchir sur la marche à suivre. Mais non, la vie lui imposait de prendre un avion pour marcher sur les pas de Pessoa – dont il n’avait lu que « Le banquier anarchiste » et son « Lisbonne », soit à peu près un millième de la production du poète. Véronique savait seulement que Pessoa était lisboète parce que c’était marqué un peu partout dans les guides touristiques qu’elle avait compulsés. Il se demanda comment est-ce qu’elle réagirait s’il lui apprenait au détour d’un verre de ginja qu’il a une fille de 18 ans. Qui vit au Liban. Et qu’il n’a jamais vue. Au fond, cette nouvelle, pour extraordinaire qu’elle paraisse à Isidore ne choquerait en rien Véronique. Elle serait sans doute surprise, poserait des questions, intimes, gênantes, mais elle ne serait pas choquée. Isidore en vint à penser qu’elle serait même la personne la moins déroutée par cette annonce. Il garda toutefois cette révélation pour lui et tandis qu’il l’embrassait en pensant à Amal, il essaya de ne plus penser à mal.
La climatisation dans l’aéroport l’aida à garder la tête froide. Il glissa sa veste dans la valise et en sortit un petit gilet qu’il attacha à sa taille. Dans les avions, il fait toujours un peu froid, se justifia-t-il. Au moins, pendant les deux heures de vol, la lettre serait en soute, avait-il pensé plutôt. En repensant aux mots d’Amal, quelque chose l’avait titillé, un sentiment curieux, comme un message subliminal. Mais il ne pouvait pas vérifier cela maintenant. Cela pourrait attendre son retour.
Avec à peine vingt minutes de retard, l’avion décolla du tarmac d’Orly pour Lisbonne. Isidore avait déjà commis par deux fois le lapsus d’être content « d’aller au Liban » au lieu de Lisbonne. Cela ne provoqua qu’un rire délicieux de Véronique alors qu’Isidore rougissait en se mordant la langue. « Allons, laisse le Liban et leurs vieilles archives pourries ! » le tança-t-elle avec un à-propos insoupçonné.