Août - 7
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Août - 7
Zeina fit le code, le petit groupe pénétra dans le hall et grimpa dans l’ascenseur. 12e étage. Pas un mot. Ils arrivèrent sur un vaste palier. Zeina toqua à une porte. On entendait de la musique dans l’appartement. Puis un cliquetis de serrure. Hicham apparut et figea son sourire lorsqu’il aperçut Isidore. Il regarda sa belle-mère et sa belle-sœur, sans comprendre comment ce groupe avait pu se former.
« Monsieur Hakim, je ne voulais pas déranger, j’étais de passage à Aley et…
- Isidore, franchement, sois naturel ! le tança Zeina. Hicham, Isidore est juste venu voir Rosa. Il ne va pas l’enlever.
- Monsieur Valois, écoutez, je crois que je vous dois d’une certaine manière des excuses pour mon comportement de la dernière fois et, puisque vous êtes là, quel monstre je ferais si je vous laissais sur le paillasson alors que je crois que Rosa sera tout à fait ravie de vous rencontrer pour de vrai ! »
Ils entrèrent dans un appartement immense avec une vue sur la mer imprenable. La porte fenêtre donnant sur le balcon était ouverte et créait un courant d’air des plus agréables. Rosa était là, les cheveux relâchés, caressés par la brise, dans une robe bleue turquoise au col légèrement échancré et serti de fausses pierres rouges. Pieds nus, elle sauta jusque dans la pièce et faisant mine de ne pas remarquer Isidore embrassa longuement sa tante puis sa grand-mère et enfin, se tourna vers Isidore. Evidemment, elle était surprise, et gênée, à la vue de cet inconnu dont elle savait déjà tout. Hicham se glissa entre les deux : « Ma chérie, tu reconnais peut-être Isidore Valois. Nous l’avons rencontré à Paris. Il se trouve que par un hasard incroyable c’est un vieil ami de la famille... »
Rosa s’avança d’Isidore et sur un air effronté lui dit « Je sais très bien qui vous êtes, monsieur Valois ».
« Bonjour Rosa » se contenta de répondre Isidore. Il avait beau s’être préparé à ce moment, l’avoir imaginé plusieurs fois, il n’avait rien trouvé de particulièrement adéquat pour se présenter à sa fille, pour la première fois le jour de son dix neuvième anniversaire. Nul n’est préparé pour ce genre d’événement.
« Il semblerait que dans cette famille, je n’ai plus de mère mais trois pères... » Hicham la fixa avec un regard noir. La belle-mère bien entendu ne savait rien de Michel, qui ne venait jamais lorsqu’elle était là.
« Eh bien, passons à table ! »
A vrai dire, les cinq convives n’osèrent pas parler au début. Les échanges étaient polis mais distants. Hicham s’enquit du trajet d’Isidore, Rosa discutait avec sa tante et sa grand-mère, mais son regard venait régulièrement se poser sur ce père nouveau qui débarquait à l’improviste. Elle éprouvait des sentiments contradictoires. Isidore lui était un étranger et pourtant sa douceur et le fait qu’il ait fait tous ces kilomètres pour elle, la touchaient. Et il habitait à Paris, aussi. Comment ne pas accepter un père parisien ?
« Et vous habitez où à Paris ? »
Elle n’avait pas pu se retenir. Elle avait coupé la parole à tout le monde et posé ses yeux marron intenses dans ceux d’Isidore.
« Eh bien, j’habite dans le 15e arrondissement. Du côté de Dupleix. A sept cents mètres au sud de la tour Eiffel.
- Ah oui, ça doit être chouette de vivre à Paris, non ?
- Il y a des bons côtés…
- Et vous allez beaucoup voir les expositions ?
- Cela m’arrive, en effet.
- C’est chouette Paris.
- Il y a des bons côtés…
- C’est mieux que Beyrouth en tout cas.
- Je ne peux pas dire, je ne connais pas.
- Déjà, Paris n’a pas été détruite par la guerre dans les années 80. Cela préserve une ville.
- Paris n’a pas la mer devant elle.
- Ah, c’est vrai. La mer, je ne m’en lasse jamais. Le coucher de soleil ici est magnifique. Magnifique. »
Les conversations reprirent sur les villes qu’ils avaient vues, Lisbonne, Istanbul, Damas avant la guerre, Alexandrie, Petra, Athènes et celles qu’ils voulaient voir, Venise, New York et Tokyo. Seule la grand-mère évoqua la ville sainte d’Hasbaya ce qui occasionna quelques moqueries de la part de Zeina. « C’est là-bas que Djalil s’est réincarné, c’est sûr. Un être aussi bon que mon Djalil n’a pu se réincarner qu’à Hasbaya ».
Vers 15h, la grand-mère commençait à fatiguer. Elle se levait tous les matins à 5h et faisait la sieste l’après-midi. Elle s’assit dans un des canapés du salon et se mit à somnoler. Zeina en profita pour sortir son paquet cadeau. Rosa le reçut avec avidité. Elle déchira le papier tout en disant « je sais ce que c’est, je suis sûre que je sais ce que c’est ». Elle découvrit un sac en cuir de très belle facture dans lequel elle pouvait mettre un ordinateur portable sans problème. Visiblement, c’était un sac qu’elle voulait depuis un moment puisqu’elle bondit de joie et embrassa sa tante avec force. Hicham lui avait offert des chaussures de prix et la robe turquoise qu’elle arborait fièrement.
« J’ai moi aussi un cadeau pour toi, Rosa. »
Hicham leva les sourcils et Rosa les fronça.
« Il ne fallait pas, voyons.
- D’une certaine manière, j’y étais obligé. Vois-tu, lorsque j’ai connu ta mère, c’était encore la guerre ici. Tes grands-parents étaient très inquiets pour leurs filles. Amal est venue en France quand elle a eu 18 ans. Mais Zeina, qui avait trois ans de moins, a connu la paix, en 1990, et elle a choisi de rester au pays. Mais, la famille Tannoukhi n’est pas n’importe quelle famille. C’était la première famille druze à diriger la communauté. C’était il y a près de mille ans, Rosa. Un des cheikhs de la famille, Saïf ad-Dîn Tannoukhi, au 15e siècle, fabriqua un bijou représentant les cinq ministres du druzisme. C’était un excellent orfèvre et il tressa cinq cèdres l’un dans l’autre, chacun avec sa couleur en pierres précieuses. Ce bijou, la légende veut que ton grand-père, après un épisode tragique de conciliation manquée entre les deux grandes familles druzes, l’ait brisé et jeté dans cinq puits de la vallée du Chouf. Mais il n’en fit rien. Trop attaché à la tradition, il l’a transmis à ta mère. Elle est venue avec à Paris. Et elle l’a laissé chez moi. Depuis toutes ces années, j’ai ce bijou dans un coffret. Je le gardais précieusement en me disant que ce serait un motif pour Amal de revenir à Paris. Cependant, malgré mes lettres, jamais elle ne m’a répondu sur ce point. Et puis, Hicham est venu me voir. j’ai rapidement compris que tout le monde avait oublié ce collier. Amal aurait aimé qu’il te revienne. C’est ton héritage. Je l’ai gardé précieusement mais sans but. Et maintenant que tu es là, je crois que c’est normal que tu le reprennes. »
Il sortit de son sac un coffret noir. Il l’ouvrit sous les yeux ébahis d’Hicham, Rosa et Zeina. Un collier très fin avec cinq cèdres tressés et sertis de pierres précieuses, brilla dans son écrin.
« Amal l’appelait « sa couronne d’épines » et c’était notre mot secret pour en parler… Cette couronne te revient. »