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Lolita

Lolita

Publicado el 18, ene., 2022 Actualizado 4, mar., 2024 Humor
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Lolita

J’aperçus à la dernière minute le dragon qui fonçait sur moi ! Je dégainai alors mon épée, plus rapide que jamais et me campai face à lui, on ne peut plus concentré. Le monstre était malin. Très malin. Mais je l’étais encore plus !

Quand l’animal lança vers moi quatre longs jets de flamme meurtriers, j’enchainai quelques bons périlleux sur le sol escarpé de la montagne. Après mon dernier saut, je me retrouvai bloqué entre le vide et mon ennemi. Ce dernier en profita pour lancer encore quelques flammes sur moi et ce fut au tour de mon bouclier de me sauver. Le dragon trépignait de rage et la chaleur de ses dernières attaques ne m’aidait pas à garder les idées claires. Je me mis alors à penser à ma Lolita pour me redonner courage et l’effet fut irrévocablement bien meilleur que ce que je n’avais osé l’espérer !

- Ah, mon aimée ! m’écriai-je alors gonflé d’assurance. J’arrive !

Et tandis que je me lançais avec entrain vers le monstre de six mètres, dotés d’yeux flamboyants, de crocs acérés et d’une peau couverte de pointes meurtrières, j’entendis ma Lolita pousser un cri de peur - mais mêlé d’admiration j’en étais certain ! - du haut de son donjon.

- Bruce !!!!

Elle devait certainement penser que j’étais le plus courageux de tous les chevaliers ! Et, sur cette pensée réconfortante, j’arrivai comme un éclair face à ce maudit dragon qui ouvrit une large gueule pour m’accueillir. Mon instinct de héros me dit alors de ne pas continuer à courir vers cette horrible bestiole et, intelligemment, je sautai donc derrière un rocher voisin. Par quelques bons encore très périlleux - et très réussis - je finis par atterrir sur le dos de Sac-à-Puce ! Hum… « Pourquoi Sac-à-Puce ? », allez-vous me demander. Eh bien parce qu’à cet instant, avec tout l’amour de ma Lolita dans les veines, cet énorme dragon ne m’apparaissait pas plus terrifiant qu’un toutou. Donc j’étais sur le dos de ce monstre qui ruait dans tous les sens pour me faire tomber mais je m’agrippais de toutes mes forces à ses écailles rouges. Comme j’étais tenace, la pauvre bestiole un peu haletante s’accorda une pause qui allait sans aucun doute lui être fatale ! Je levai mon épée tranchante comme la mort au-dessus de moi et, sous les yeux éblouis de ma douce colombe, je tranchai net la tête de ce misérable dragon ! Ce dernier s’affaissa sur le sol lourdement tandis que je sautais agilement à côté. J’aurai voulu savourer ma victoire plus longtemps mais une autre tâche m’attendait.

- Je viens vous sauver, ma Lolita ! lançai-je avec amour.

Il n’y avait nulle porte et nul escalier pour retrouver ma douce alors je me mis à escalader le donjon où elle avait été enfermée par mon ennemi - ce dernier qui, avouons-le, avait été si magnifiquement abattu. Ce fut un jeu d’enfant, une simple promenade aérienne. Mes muscles incroyablement développés y étaient pour quelque chose ! En un clin d’oeil je retrouvais enfin ma ravissante Lolita, au comble de la joie et si fière ! Une fois l’avoir serrée contre moi, le baiser que je lui réservais depuis tant d’heures ne put se faire plus attendre et je me mis à avancer mes lèvres vers les siennes. Je fermai les yeux pour mieux savourer ce moment charnel quand j’entendis quelqu’un frapper à la porte.

- C’est le plombier ! hurla une voix bourrue.

Sac-à-Puce courut alors partout, en faisant gicler l'eau des flaques qu'il traversait. Tandis qu'il aboyait joyeusement, je tournai le regard, dépité, vers mon évier qui fuyait toujours - et que j'avais oublié de vider de la montagne de vaisselle sale d'ailleurs…

-Y a quelqu’un ? répéta la voix, impatiente, en frappant plus fort contre ma porte d’entrée.

Consterné, je me levai de mon étroit bureau en soupirant. Dessus, seuls pouvaient tenir ma machine à écrire, ma tasse de café et Lolita. Les yeux sans expression apparente, elle tournoyait toujours aussi bêtement dans son petit bocal.

Et tandis que je slalomais entre les meubles rafistolés de mon minuscule appartement pour ouvrir à cet inconnu, je me rappelai, une fois de trop, ma vie d’écrivain raté.

 

Texte : Estelle Lahoussine-Trévoux

Image : Pixabay

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