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J'ai habité la maison du Veuf
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J'ai habité la maison du Veuf
J’ai habité la maison du Veuf.
Son salon était bordeaux, poussiéreux et démodé.
Tout y avait la senteur jaune du moisi, et le désordre de ceux qui ont longuement vécu après le deuil.
Comment me suis-je retrouvé là?
Il commençait à faire très froid.
En traversant le couloir, je suis allé fermé la porte.
Je l’ai claquée, j’ai soulevé la poignée, imprimé l’épaule sur le bois sombre. Ainsi que l’on s’en use des vieilles portes.
Fermée.
Je décidai alors de lire Le Bateau Ivre.
Car de tous les poèmes, celui-là ressemble à s’y méprendre à l’impeccable devoir d’un écolier.
Et j’avais si besoin d’enfance au fond de cette demeure de deuil.
C’était Rimbaud (celui encore des chemises repassées, de la rime et des syllabes), mais je lisais à peine : car au fond je repensais à toi, et à nos anciennes diableries.
C’était un hiver belge, à Bruxelles, ou Charleroi.
J’étais Rimbaud, et toi Verlaine - ou plutôt : moi Verlaine et toi Rimbaud, car de nous deux je crois que je fus seul à croire à notre amour, du mois qu’il y avait plus qu’un simple jeu d’hiver entre nous deux.
Tu étais l’espiègle, et moi l’amoureux.
Et si j’étais un diable alors, c’est parce que je suivais tes pas déments et voulais terriblement te ressembler.
Pour toi, tous les jeux étaient légers, et les valeurs égales : et tu m’en as voulu de parler ainsi de choses graves.
Nos poumons n’étaient pas également noirs : tu m’as reproché d’être sérieux, conséquent, tu as ricané de ma douceur et tu as vu, soudain, que j’étais faux, un simple imitateur qui par amour s’était encanaillé.
Et ton regard s’est déposé sur moi, défasciné.
Quand je lève la tête de mon rêve, il fait déjà nuit.
Les carreaux maigres des fenêtres sont embués.
Le robinet goutte à fréquence régulière.
Il fait de nouveau très froid.
Au fond du couloir, encore la porte s’est déclose.
Je la referme.
En me retournant, les lumières se sont éteintes.
Alors je sais, je sais que la mort s’est glissée dans la maison.
Je n’ai pas vraiment peur.
Je sais qu’aucune présence n’est menaçante. Qu’il n’y a, au pire, que les pensées muettes du veuf dont j’emprunte la maison.
Ce veuf qui devait attendre la nuit pour laisser ses livres de côté, et mieux ressentir cette raide présence.
Sur la chaise, je vois se dessiner mon manteau neuf, qui se détache, intrus, de trop, dans ce vieux salon de poussière rempli de deuil et de babioles.
La mort est entrée dans la maison.
J’ai beau fermé la fenêtre de la cuisine, où une dernière lumière avait oublié de s’éteindre.
Les interrupteurs ne fonctionnent plus. Tout est indistinct. Je vois des monticules de fantômes là où se dressaient les piles de livres.
Le vieux chauffage à gaz n’émet plus aucun bruit.
Tout est devenu gris. Alors, on ne peut pas s’y méprendre : ce n’est pas un gris nostalgique, ce n’est pas celui du souvenir, c’est l’envers de la couleur et de la vie : un gris de mort, et ça m’aspire.
Et j’ai beau me draper, j’ai beau m’emmitoufler.
Rien n’y fait : la froideur plane, raide, infuse, et devient immense autour de moi.
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Jackie H hace 1 día
Soit c'est la mort qui arrive, soit il est temps de se barrer (parce qu'on réalise enfin qu'on a fait son deuil, que ce dont on a fait le deuil est bien mort et ne reviendra plus jamais, et que ce n'est pas la peine d'attendre encore, si on attend encore on attendra en vain et c'est soi-même qui finira par en mourir...)