CHAPITRE I
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CHAPITRE I
CHAPITRE I
« De nos jours, sur la planète Terre créée par le Néadonna »
« Parfois les journées se ressemblent toutes et souvent la vie nous joue des tours, mais il faut
faire face et prier le Néadonna »
Cette phrase était marquée au tout début du livre du Néadonna écrit par Nora pour les humains. Soralie trouva ces phrases d’une débilité sans nom mais elle ne dit rien, on ne peut rien dire ici. Soralie était comme toutes les femmes, installée dans une grande maison où elles écrivent comme tous les jours le livre de Néadonna, la suite. Car on ne touche pas à ce qui a été révélé par le messie mais on peut en rajouter, notre étincelle spirituelle est plus développée que celle des hommes, donc c’est à nous que revient la charge de faire vivre la communauté de Néadon sur Terre.
Dans cette grande maison sont installées des machines à écrire et nous écrivons, tapons sur les touches encore et encore tous les jours depuis maintenant très longtemps, car d’après Nora, c'est notre devoir, tous les matins elle nous fait un discours de Néadon avec qui elle communique en continu pour nous aider dans notre quête du bonheur ici sur Terre.
Comme tous les jours, je prie Néadon, ce système qui nous observe et qui nous a créé pour suivre ses commandements et répandre la bonne parole sur Terre. Tous les humains ne savent pas que le Néadonna nous a conçu, nous, et tout l’univers. Je prie pour que les guerres cessent et en même temps j’écris sur ces pages : je ne sais pas si quelqu’un les lira un jour ou, qui sait, quelqu’un que je ne connais pas, enfin qui n’est pas dans cette maison avec moi, car je n’ai pas le droit de voir le monde extérieur. Je dois répandre la bonne nouvelle avec des livres que j’envoie ensuite à la population par l’intermédiaire des femmes dites « répandeuses ». Ces dernières fournissent ces livres à la population. Nous, les femmes, avons une place spéciale dans la société. Nous sommes un peu l’élite de la création du Néadonna, car nous avons une chose que les hommes n’ont pas : le pouvoir. Ce dernier leur est interdit, ils peuvent seulement lire nos livres que l’on rédige à la maison des « sœurs de Néadon ». Une maison par pays, c’est ce qu’a voulu Nora. Pour la reproduction de l’espèce, les hommes font des dons de leurs semences et nous, les femmes, faisons des enfants ou pas avec ces semences. Les hommes et les femmes sont vraiment séparés dans la société, et aucun écart n’est autorisé, car c’est écrit dans le livre de Néadon :
« les humains auront tous les étincelles des satellites mais d’autres auront de plus grosses parts que d’autres. Les femmes seront détentrices de la plus grosse part : elles seront donc les dominantes du reste de la population et auront l’obligation de répandre la bonne parole, car elles auront des pouvoirs de jugement, de vie, de spiritualité largement plus développés ».
Partie 23 du livre de Néadon.
Seule dans ma cellule de la maison des sœurs de Néadon, je réfléchis au sens de la vie même s’il est
évident que c’est grâce au Néadonna que je suis ici et je remercie le créateur chaque jour, mais chaque jour, je crains de mourir et d’avoir le jugement final de Néadon . C’est pourquoi j’ai beaucoup de gratitude pour la vie et son créateur. Car dans ma vie tout est organisé et listé : je dois respecter à la lettre les commandements sinon Nora m’envoie dans le monde extérieur ? Qui sait ce qui vit là-bas ?
Le lendemain, l’écriture fait encore partie de ma routine, quand soudain Nora nous appelle, elle nous scrute comme un berger comptant ses brebis, et nous annonce :
« Une sœur ici a parlé à un homme sans mon autorisation, je sais de qui il s’agit.
Laurine, venez sur l’estrade !, dit-elle d’un ton ferme.
– Que va-t-il m’arriver, je suis désolée, pardon ! dit Laurine avec les larmes aux yeux.
– Vous allez passer devant le tribunal de Néadonna, répond sèchement Nora ».
Le tribunal de Néadonna est la plus grande instance juridique dans notre société pour les crimes les plus graves. Que va-t-elle devenir ? Va-t-elle mourir ? Où être envoyée dans le monde extérieur ? Avec mon poste dans la société d’écriture des textes sacrés de néadon, je vais être juge de son procès. C’est comme ça. Il n’y a pas de juge ici, ce sont seulement les femmes qui se jugent entre elles. Comment en est-on arrivé là ? Je me pose continuellement la question. Le fait de séparer les hommes et les femmes, et de ne pas rétablir l’égalité des êtres vivants entraine forcément des infractions à la loi, car ce qui est interdit et le fait de le nommer interdit le rend encore plus enviable par les êtres humains. N’est-il pas dit dans les commandements de Néadon « tu aimeras ton prochain et tes congénères. » Sur ces mots qui tournent dans mon esprit, j’essaye de m’endormir avec la peur au ventre du procès qui se déroule demain. Les cris de Laurine résonnaient encore dans mon esprit . Je savais que Nora punirait sa sœur pour cet écart de conduite, mais la brutalité avec laquelle elle l'avait fait m’avais troublée plus profondément. Au fond de moi, une question me taraude : les enseignements de Néadon prônent l'amour et la compréhension, alors pourquoi cette cruauté envers celles qui ont des faiblesses humaines, des faiblesses de vie ?
Cette nuit-là, je me tourne et retourne dans mon lit, envahie par des pensées conflictuelles. Finalement, l'insomnie me poussa à me rendre à la bibliothèque sacrée de la maison des Sœurs, un lieu interdit aux novices, mais dont les anciens manuscrits contenaient peut-être des réponses. Là-bas, parmi les étagères poussiéreuses et les vieux parchemins, je découvris un texte ancien, antérieur aux enseignements de Nora.
Dans ce texte, il n'était pas question de séparation entre les hommes et les femmes ni de règles strictes régissant notre existence. Il parlait d'un « monde originel », dans lequel chaque humain était invité à chercher Néadon à l'intérieur de lui-même, à suivre la voie de sa propre conscience. Je ressentis une étincelle de vérité dans ces mots, comme si un ancien souvenir se réveillait en moi.
Je reposai le texte avec prudence, les mains tremblantes. Ces idées défiaient tout ce que Nora nous
avait toujours appris. Se pourrait-il que Néadon n'ait jamais voulu une société divisée et contrôlée, mais plutôt une humanité unie dans une quête personnelle de vérité et d’amour ?