En suspens - Dernière robinade à la maternité
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En suspens - Dernière robinade à la maternité
Nous sommes bientôt arrivés en fin de parcours. On est début mars, et Cyrielle et Robin vont bientôt sortir : ils s’alimentent seuls, ils respirent seuls, et ne font que très rarement des petites « bêtises ». Ils n’ont plus que la surveillance avec les électrodes. Leurs données sont analysées chaque jour par les médecins. Je leur donne mon lait avec des petits biberons à tétines en caoutchouc : c’est génial car ils ont longtemps été nourris par sonde. Et maintenant ils ne sont plus dans des incubateurs, ils sont dans des petits berceaux, comme les bébés nés à terme. Je suis vraiment très fière de mes enfants.
Cyrielle et Robin passent parfois du temps ensemble lorsque les nounous le peuvent. Ils les placent dans le même berceau. La première fois, j’étais présente et c’était un moment émouvant. Ils se regardaient et se souriaient, comme si rien d’autre n’existait autour d’eux. Ils ont dû se manquer pendant ces trois mois séparés. C’est marrant comme ils se tournent l’un vers l’autre, se cherchent du regard. Leurs mains se touchent. Lorsqu’ils sont installés dans le même berceau, je peux les caresser tous les deux en même temps. C’est dans ces moments-là que les efforts effectués depuis le 11 décembre par tous mais surtout par eux deux prennent tout leur sens.
Ce matin-là, j’arrive devant la maternité avec un optimisme exacerbé : je vais faire la toilette de Cyrielle en complète autonomie. Avant d’arriver devant la porte, je reçois un coup de fil. Je reconnais immédiatement le numéro de la maternité :
« Bonjour Madame, je suis l’infirmière en chef. Je vous appelle au sujet du petit Robin. Pendant la visite du matin, nous nous sommes aperçus qu’il avait reçu un surdosage de paracétamol ces dernières heures. Il s’agit sans doute d’une erreur humaine de l’une des infirmières. Il pourrait y avoir des complications au niveau des reins. Nous faisons tous les examens pour nous assurer que ce surdosage n’a rien endommagé. »
Quelques secondes s’écoulent, qui paraissent certainement une éternité pour mon interlocutrice. Je ne sais que répondre à cette information, c’est un peu comme si mon corps se dissociait de mon esprit. Je n’arrive pas à réaliser complètement ce qu’on vient de me dire. J’ai l’impression de ne plus pouvoir respirer correctement.
« Madame Houillon ? vous êtes là ?
- Je suis devant la maternité, j’arrive tout de suite pour voir mon fils.
- D’accord, madame. Et pour l’erreur humaine, que comptez-vous faire ?
- Ça va aller, Robin va s’en sortir, je crois en lui. Je ne veux rien savoir sur l’erreur ou sur qui l’a commise. Vous avez gardé mes enfants en vie jusque-là, faites que ça continue.
- Oui, madame. »
Je coupe la conversation et j’appelle Nicolas dans la foulée.
« Nicolas, tu as un peu de temps pour parler?
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Robin a eu un surdosage en paracétamol cette nuit. Une infirmière vient de m’appeler pour me le dire. Il est sous surveillance.
-C’est quoi le risque pour Robin ?
-J’ai compris que ça pourrait abîmer ses reins.
-Tu sais comment c’est arrivé ? demande Nicolas.
-Une infirmière aurait fait une erreur.
-On fait quoi du coup ? On t’a dit autre chose ?
-L’infirmière en chef m’a demandée ce que je comptais faire. Je pense qu’elle voulait parler de poursuites, je ne sais pas trop. Mais moi je veux juste aller voir Robin. Je ne veux pas être en colère, je ne veux pas perdre mon énergie à porter plainte ou quoi ! C’est ce que j’ai dit à l’infirmière.
-Annaële, c’est bon, calme-toi. T’as raison, ça sert à rien de porter plainte. Va vite voir Robin et tu me rappelles dès que tu as des nouvelles. Fais-leur des bisous pour moi, OK ? Je t’aime.
-Je t’aime aussi.»
Je suis soulagée malgré la peur qui me tenaille depuis le coup de fil de l’infirmière. Quel intérêt d’incriminer la maternité alors que cela fait deux mois et demi que nos enfants bénéficient des meilleurs soins de la région ? Tout le personnel est compétent et tellement bienveillant.
Je monte à l’étage de la néonatologie pour voir Robin. Il dort. Je le regarde quelques minutes mais sans l’embêter. Il faut attendre les résultats, mais pour la toute première fois depuis le 11 décembre, je suis certaine que tout va bien se terminer. Ça ne peut pas être autrement. Tous ces efforts ne peuvent pas être brisés, tout ça pour un peu trop de paracétamol. Ce serait vraiment trop injuste.
Je quitte le berceau de Robin et je rejoins Cyrielle pour faire son bain. Je suis un peu en retard. Elle est là ma puce, avec ses yeux grands ouverts, et sa minuscule tête qui dépasse à peine des couvertures. Elle tient fermement « doudou girafe » et le passe sous son nez pour se faire des chatouilles. Ça fait déjà plusieurs fois que je la vois exécuter ce geste : je ne m’en lasse pas !
Je ne vois pas de nounou à l’horizon, mais c’est l’heure de la toilette. Une maman est assise devant le berceau de son bébé. Je lui demande si elle a vu la nounou dans les parages. D’après elle, ça fait quelques minutes que la nounou a quitté le box de nos enfants. Alors je prends l’initiative de débrancher moi-même les électrodes de Cyrielle, je coupe le monitoring et je l’amène vers la salle où les pesées et les toilettes se font. Je la pèse, je prends sa température, je retiens bien les deux chiffres pour les transmettre à la nounou dès qu’elle arrivera. Tout à coup, j’entends du bruit dans la pièce où se trouve le berceau de Cyrielle. On dirait que ça s’énerve un peu. Puis je vois une nounou arriver en trombe dans la salle des toilettes.
« Vous n’avez pas le droit de débrancher les électrodes de votre fille madame ! Et en plus, il faut que je sois dans la salle avec vous pour surveiller tout ce que vous faites ! Vous êtes complètement inconsciente !»
J’ai l’impression d’être prise en faute comme à l’école après une bêtise qui n’est pourtant pas la mienne. Je me sens encore plus incapable qu’avant, démunie et amoindrie dans mes capacités à être mère.
Depuis le début de l’hospitalisation de mes enfants, je fais tout ce qu’on me dit au doigt et à l’œil : je tiens le coup même si parfois ça me paraît impossible, trop difficile. Je suis restée en chambre parentale pour être au plus proche les premières semaines, je tire mon lait, j’écoute les conseils de tous les professionnels pour mettre toutes les chances de notre côté, je participe aux soins, je fais du peau à peau, je masse mes bébés, je leur parle et je chante des chansons… Je donne le maximum. J’avais simplement envie de profiter d’un moment privilégié avec ma fille sans demander la permission… Et puis mon fils allait peut-être avoir des séquelles à cause du surdosage. J’étais en souffrance, et la nounou m’a rabaissée comme si j’étais incapable de m’occuper de ma fille. Ce moment très inconfortable m’a pesé pendant très longtemps. Mais je comprends maintenant la réaction de la nounou qui avait sous sa responsabilité des tout petits bébés. Lorsqu’elle a vu le berceau vide de Cyrielle, elle a dû avoir très peur. Soulagée de la voir avec moi, elle a lâché la pression sur moi. Je n’aurais pas dû détacher Cyrielle.
En fin de journée, j’apprends que Robin n’aura aucune séquelle suite au surdosage de paracétamol. Ça me réconforte : j’ai pris la bonne décision. Cela n’efface pas l’inconfort subi lors du bain de Cyrielle. Emotions contradictoires…
Annaële Bozzolo hace 2 meses
😌
Jackie H hace 2 meses
La conscience d'une responsabilité rend parfois agressif outre mesure : on se dit : "s'il y a un problème, c'est sur moi que ça va retomber alors que j'ai juste dû m'absenter quelques minutes pour une raison xyz"... la nounou aussi se sentait probablement coupable ! Certes il vaut mieux avoir affaire à des gens un peu trop crispés qu'à des je m'en foutistes 🙂 mais parfois, sens des responsabilités quand tu nous tiens... un peu trop 🙂 surtout avec des gens déjà émotionnellement fragilisés... Alors certes, c'est parfois dans les moments où l'on croit le plus bien faire que l'on fait les pires catastrophes, mais bon... il y avait l'art et la manière de le dire, aussi... 😏