De LOST à RETROUVé, le manager écosystémicien
En Panodyssey, puedes leer hasta 30 publicaciones al mes sin iniciar sesión. Disfruta de 29 articles más para descubrir este mes.
Para obtener acceso ilimitado, inicia sesión o crea una cuenta haciendo clic a continuación, ¡es gratis!
Inicar sesión
De LOST à RETROUVé, le manager écosystémicien
"Lost in management" c'est la tournure qui semble correspondre à l'esprit de notre époque, encore davantage à présent que lorsque le sociologue des entreprises, François Dupuy, en forgea l'expression.
C'était en 2014. En six années, l'entreprise libérée, puis l'entreprise télé-travaillée en six mois, constituent des alternatives opérationnelles insuffisantes pour faire évoluer en profondeur l'esprit, nous dirions même le génie nécessaire, l'inventivité, l'humanité, l'écologie de l'esprit, le véritable pouvoir et progrès managérial.
La fatigue des élites pour seul avatar ?
François Dupuis développait un travail d'enquête entrepris une dizaine d'années plus tôt autour de "la fatigue des élites"*, du surinvestissement qui débouche sur de bien maigres récompenses individuelles et collectives, économiques et sociales, alors qu'il use sans aucun doute les moyens physiques et psychiques des entrepreneurs et des managers en grande entreprise.
Dans le milieu plus confidentiel, moins médiatique, de la psychosociologie clinique portée par Vincent de Gaulejac**, nous parlons "d'épuisement banal du moi", le moi étant cette instance de l'esprit qui est consciente et qui se débat entre les pressions sociales et les pressions les plus intimes, celles que chacun porte en son for intérieur : l'agressivité, le désir et le plaisir narcissique. Ces pressions sont inconscientes. Elles correspondent à un "idéal" culturel et naturel, à un bain d'appartenance qui les façonne et qui les a façonnées depuis la naissance.
Managementporn
Le droit à la paresse est, par voie de conséquence, une revendication saine du managementporn. Oui. Ne nous perdons plus de vue. Prenons ensemble plaisir aux préparations qui débouchent, comme en cuisine***, sur des actes de management réussis. Le temps d'attente et le devoir de réserve accompagnent ces préparations. Attention. Le droit à la déconnexion est une bien maigre avancée. Le droit et surtout la reconnaissance du télétravail, surgie de l'épique sanitaire, reste aussi très en deçà de ce droit à la paresse personnelle et légitime. Chacun son rythme et des rendez vous collectifs plus sensés et davantage vécus.
Car le management, la gouvernance, l'initiative, la décision, ce ne sont pas des activités continues. Comme un bon petit plat, elles se dégustent à point, et se suivent d'un processus d'intégration nécessaire et vital. Elles constituent le précipité de périodes d'observation, de rêverie, de projection, d'imagination ou de vide, de suspension de l'action et même du jugement, pour faire place à l'inédit comme pour permettre aux activités productives et distributives d'aller jusqu'au bout de leur propre dynamique. Elles résultent d'un bien vivre et d'un bien dormir. Elles se nourrissent de moments partagés avec les acteurs sans agenda qui préempte la rencontre vivante, de moments de solitude sans le poids de la responsabilité.
Le "assez bon manager", "good enough" selon la psychologie du développement
Les bons managers de toujours savent bien cultiver ces jardins tant secrets que partagés sans les revendiquer. Ils ont de plus en plus de mal à les préserver. Il est temps que chaque entrepreneur ou manager accède à ses responsabilités sans la culpabilité de l'imposteur, du perfectionniste ou du tyran selon que son "moi" se déprécie ou se magnifie en légitime défense contre l'enjeu et contre les autres, contre la société et contre ses propres exigences. Le "moi" juste est le "moi" qui se repose, qui fait pause et qui, davantage que déléguer, accepte ce qui se crée.
L'imposteur subit la pression sociale, le tyran exerce sa pression intime, le perfectionniste souffre du peu de marge que laisse la pression sociale et sa propre exigence interne conjugués dans un idéal inerte.
Le "paresseux" est "assez bon" manager pour pouvoir se reposer sur la dynamique sociale et sur sa propre dynamique interne qu'il connaît assez bien. Il fait aussi bien confiance au processus qu'à sa capacité d'intervenir à bon escient, en systémicien, le moment venu comme aux rendez-vous partagés.
Le droit et le devoir de paresse fait partie des compétences écosystémiques humaines, des équilibres personnels et collectifs qui se cherchent en notre temps. Un temps de maturité et de saine réflexion d'un management qui nous ressemble et qui se respecte.
* La fatigue des élites et Lost in management sont des publications de 2005 et de 2014 respectivement aux éditions Seuil, par François Dupuy, professeur de sociologie et consultant d'entreprise.
** Le sociologue clinique Vincent de Gaulejac écrit et publie aux éditions Seuil 2007, avec Nicole Aubert, Le coût de l'excellence : le coût psychique, le coût social.
*** Le foodporn est la culture de la cuisine agréable à préparer, à voir et à déguster. Le "managementporn" désigne les mêmes processus possibles dans un management écosystémique respectueux de soi, des autres et de l'environnement.
Eva Matesanz est psychanalyste et socioanalyste, chargée d'enseignement universitaire en psychodynamique et écosystémique, conférencière en leadership et empowerment des liens "faibles".