Un monde de ciel et de terre (2023) Aleksandar Hemon
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Un monde de ciel et de terre (2023) Aleksandar Hemon
Des Balkans à Israël, en passant par l’Extrême-Orient
Lire la biographie d’Aleksandar Hemon éclaire en partie la trame d’Un monde de ciel et de terre. D’origine ukrainienne et serbe, il a vécu à Sarajevo puis aux États-Unis. Alors éclatent les guerres de Yougoslavie, et il décide de poursuive sa carrière dans le pays de l’oncle Sam. Ses premières nouvelles évoquent de façon fictionnelle ce parcours multiculturel, dont un des personnages revient dans L’espoir est une chose ridicule. Avec Le projet Lazarus, l’auteur utilise le voyage d’un personnage au travers de pays de l’Europe de l’Est ravagés par la guerre pour élaborer un roman salué par la critique. Plus de dix ans plus tard, il fait revenir dans Un monde de ciel et de terre ses protagonistes dans son pays natal avant de les faire voyager à travers plusieurs pays, durant la première moitié du XXe siècle. Figurant dans la première sélection des romans étrangers du prix Femina, l’ouvrage nous fait parcourir plusieurs continents, en suivant la figure d’un homosexuel au destin singulier.
Le début
Dans son échoppe, l’apothicaire Rafael Pinto se prépare à la visite à Sarajevo de celui qu’il nomme l’archiduc Franz Ferdinand von Österreich-Este, héritier présomptif de l’Empire des Habsbourg et inspecteur général des armées impériales et royales. À ses heures perdues, Pinto écrit des poèmes en allemand et en bosnien, voire en spanjol, la langue que parlait son Nono. Kaspar, un officier de l’armée entre dans la pharmacie avec son costume d’apparat, ce qui provoque chez Rafael des tressaillements de désir. Il vient acheter une poudre pour calmer ses maux de tête, et Pinto fantasme sur une potentielle aventure et se remémore ses passades à Vienne avec des inconnus. Il se décide à embrasser l’officier avant qu’il ne parte, et ce baiser furtif est brièvement partagé avant que Kaspar ne se recule et ne s’en aille. Après un court moment, Rafael le suit et se trouve au milieu de la foule venue accueillir l’empereur. Soudain, il voit une automobile dans laquelle sont assis l’archiduc et son épouse.
Analyse
Dès la deuxième page d’Un monde de ciel et de terre, la traductrice nous prévient que des phrases et des mots issus de diverses langues étrangères vont parsemer le roman. Ainsi, régulièrement apparaîtront des expressions en spanjol, dérivé de l’hébreu et du castillan que l’on nomme aussi ladino, en allemand ou en bosniaque, jamais traduites. Si la signification propre de ces termes n’est pas essentiel à la narration, libre au lecteur de se laisser emporter par cette musicalité des mots, ou pas. Ils traduisent bien sûr la perte d’un chez-soi que le protagoniste, Pinto, n’aura de cesse de chercher, et le sentiment d’inquiétante étrangeté qu’il va vivre au quotidien, où qu’il soit. C’est d’ailleurs dans un langage propre à eux deux qu’il va s’exprimer avec sa fille Rahela, elle-même enfant de l’exil. On comprend assez aisément la volonté d’Aleksandar Hemon, que de nous emporter dans une épopée qui traverse le XXe siècle, ses guerres et ses chamboulements.
Ainsi Pinto va-t-il rencontrer son grand amour Osman dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale. C’est d’ailleurs le personnage le plus charismatique et le plus intéressant d’Un monde de ciel et de terre. Osman est un médecin beau et intelligent, qui séduit hommes et femmes, de la diaphane Klara Isakovna, avec qui il aura une fille, Rafaela, qui sera élevée par Pinto, au fougueux Moser-Ethering, espion secret britannique inspiré, entre autres par le colonel Frederick Bailey. Et leur amour va durer à la fois peu de temps et longtemps, puisqu’ils ne se connaîtrons physiquement que durant moins d’une petite dizaine d’années, et éternellement, puisque Pinto n’aura de cesse de voir le visage de son bien-aimé et d’entendre sa voix, au-delà du temps et de l’espace. C’est un des aspects assez déstabilisant du roman, que de nous figurer de façon régulière la présence d’un spectre, non seulement auprès de son amant éploré, mais de plusieurs autres personnages qui ne l’ont même pas connu.
De façon toute aussi régulière, Un monde de ciel et de terre est parsemé de référence hébraïques, et Pinto n’aura-t-il de cesse d’invoquer le Seigneur et ses desseins. C’est assez lourd, et à cela s’ajoute de nombreuses digressions, comme par exemple les histoires que raconte Osman, métaphores des situations qui nous sont présentées. On se perd assez régulièrement, et on a souvent l’envie de passer plusieurs passages, tout en sachant qu’ils ne sont pas essentiels à la narration. Sans doute une relecture plus minutieuse aurait permis de couper plusieurs parties de cette histoire au long fleuve, rendant plus digeste la lecture. Pourtant les intentions d’Aleksandar Hemon sont-elles bonnes, et son roman est-il truffé de belles idées qu’il n’exploite pas toujours. L’atout principal du livre réside dans ces personnages aventureux et mystérieux, en particulier les seconds-rôles tels que Moser-Ethering et Osman, mais ils ne sont pas assez approfondis, et c’est bien dommage.