L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea (2013) Romain Puértolas
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L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea (2013) Romain Puértolas
Vingt mille lieues dans les airs
Comme de bien entendu, il faut croire au mot près la notice biographique de l'auteur de L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea. Ainsi Romain Puértolas est-il né au milieu des années 1970, dans le sud de la France. Ballotté un peu partout durant sa jeunesse, il effectua divers métiers plus ou moins recommandable, comme traducteur, steward et découpeur de femmes dans un cirque autrichien. Puis il fut atteint d'une frénésie de l'écriture qui le poussa à devenir auteur, avant que des extraterrestres ne lui volent la plupart de ses romans, aujourd'hui perdus. Au-delà de cette biographie croquignolesque, il a été un des coups de cœur de la rentrée littéraire en septembre 2013, plébiscité au Masque et la plume par le vénérable Michel Crépu puis par Jérôme Garcin himself.
Débarquant à Roissy – Charles de Gaulle, le fakir hindou Ajatashatru Lavash Patel se retrouve dans un taxi appartenant à un gitan, à qui il demande d'aller à Ikea. Le conducteur, qui voit apparaître cet homme en costume sans bagage, en profite pour lui faire faire un détour, l'emmenant dans le magasin le plus loin de l’aéroport. Ajatashatru s'en fiche, car l'unique but de son voyage, payé par ses concitoyens qui le considèrent comme un magicien, consiste à acheter un lit à clous dans l'enseigne de meubles suédoise. Pour qu'il paraisse plus sérieux, son cousin lui a prêté son plus beau costume, de sorte que lorsqu'il tend son unique billet de 100 euros au conducteur de taxi, celui-ci ne se rend pas compte qu'il est faux. Il tombe même dans le piège tendu par le fakir, qui le distraie quelques secondes afin de récupérer le billet.
L'humour qui se dégage de L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea est très rafraîchissant. Chaque page du roman apporte son lot de jeux de mots plus ou moins faciles, mais qui ravissent l'esprit du lecteur. D'autant plus qu'on ne s'ennuie pas une seule seconde au travers de toutes les mésaventures dont est victime le personnage principal, lui-même haut en couleurs. On voyage en Lybie, dans une montgolfière, et l'on croise une certaine Sophie Morceaux. Autant dire que tout ceci est fort dépaysant et très amusant, et que l'on imagine sans peine une potentielle adaptation cinématographique, qui d'ailleurs eut lieu, avec pas beaucoup de succès soit dit en passant. Qui plus est, le roman picaresque n'est plus tellement en vogue dans l'époque contemporaine.
Mis à part les récits détaillés et autobiographiques d'aventures personnelles aux quatre coins du globe, telles les aventures successives d'un Sylvain Tesson, les auteurs actuels ne racontent plus beaucoup d'histoires échevelées et d'aventures fantastiques à la manière d'un Jules Verne. C'est donc peut-être une des raisons du succès inattendu de ce premier roman, que l'auteur avec malice prétend avoir écrit dans un train de banlieue. Et pourtant, à lire au premier degré, L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea pourrait effrayer, et l'on se peut se demander si les éditeurs qui ont reçu le manuscrit n'ont pas hésité avant de le publier. On ne peut pas dire en effet que l'écriture de Romain Puértolas soit la plus fine et la plus épurée.
Car Romain Puértolas accumule dans L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea un nombre impressionnant de poncifs, sur les gitans conducteurs de taxis, sur la réussite soudaine d'un écrivain soudainement devenu à la mode, sur une histoire à l'eau de rose à partir d'une rencontre fortuite. C'est justement là que l'auteur se montre malin : il ne faut pas être grand clerc pour deviner que l'ensemble de ces platitudes sont à prendre au second degré, voire au énième. C'est un peu facile, mais il réussit tout de même à unifier cet ensemble foutraque, le rendant cohérent et y accolant deux ou trois réflexions sur la destinée des migrants dans le monde contemporain. Reste au final une petite pépite littéraire que l'on dévore avec un grand plaisir.