Matthias et Maxime (Xavier Dolan, 2019)
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Matthias et Maxime (Xavier Dolan, 2019)
Je ne suis pas très fan du style exubérant (pour ne pas dire hystérique) de Xavier DOLAN mais en lisant le pitch de "Matthias et Maxime", je me suis dit que cela allait être autre chose que le navrant "Do Not Disturb" (2011) de Yvan ATTAL (je n'ai pas vu le film original américain) qui bottait en touche et de ce fait ne dérangeait personne. Xavier Dolan -pour s'adresser au public le plus large possible et non comme les cinéastes gay du passé comme James WHALE ou Tod BROWNING par impossibilité de traiter le sujet frontalement- met beaucoup l'accent dans ses films sur la notion de différence et sur la difficulté à la vivre au sein d'une société conformiste. C'est particulièrement flagrant avec "Matthias et Maxime" qui brouille les frontières de l'orientation sexuelle à partir d'un postulat assez proche de "Do not Disturb": pour les besoins d'un film, deux amis d'enfance trentenaires -mais pas complètement adultes- qui se définissent comme hétéros sont amenés à s'embrasser ce qui a ensuite des répercussions sur l'ensemble de leur édifice identitaire. Le fait que le film soit réalisé par une fille beaucoup plus jeune qu'eux qui se définit comme "fluide sexuellement" (une fluidité qui se manifeste également dans son langage franglais assez coloré) joue un rôle important puisque c'est elle et son frère (qui héberge la bande de potes dont font partie les deux garçons dans son chalet et oblige, sans doute malicieusement, Matthias à la suite d'un gage à jouer dans le film de sa soeur) qui déclenchent la crise. Avec plus de retenue que dans les autres films que j'ai vu de lui (personnellement pour moi c'est une qualité), Xavier Dolan fait donc l'introspection des deux garçons, surtout de Matthias (Gabriel d'Almeida Freitas), le plus hétéronormé des deux. Maxime (qu'il interprète lui-même) avec sa tache de naissance sur le visage, ses origines modestes, son boulot de barman sans éclat et sa famille dysfonctionnelle, notamment sa mère dépressive qui le rejette et le manipule (jouée une énième fois par Anne DORVAL) est d'emblée présenté comme un "freak". Tout l'enjeu pour lui est de parvenir à quitter ce nid toxique dont Matthias fait partie. En effet, celui-ci est présenté avec sa mère Francine (Micheline BERNARD) et ses copines comme la famille d'adoption de Maxime mais le fait est que Matthias vient d'un milieu bien plus aisé et a bien réussi socialement et matériellement. Il est à l'orée d'une brillante carrière d'avocat d'affaires (comme son père) et a une compagne ainsi qu'un grand appartement. Donc il a beaucoup plus à perdre que Maxime qui n'a rien construit. Cela l'entraîne dans une véritable dérive (illustrée dans une scène de traversée à la nage d'un lac qui peut faire penser par exemple aux moyens qu'utilise Maurice dans le film de James IVORY pour refouler ses ardeurs) qui l'amène à se montrer de plus en plus absent, renfermé, agressif voire odieux, notamment vis à vis de son ancien ami qui l'obsède mais qu'il tente d'éviter le plus possible, puis qu'il rejette à plusieurs reprises, y compris après une scène d'intimité physique à laquelle il met fin de manière brutale. Comme il n'en est pas à une contradiction près, Matthias tente en même temps d'empêcher Maxime de partir. C'est pourquoi la fin, très ouverte, peut se prêter à toutes sortes d'interprétations même si l'on peut y voir "un nouveau départ" pour les deux garçons et une nouvelle inspiration pour une identité masculine sclérosée.