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La légende de Mona Kerbili d'Ouessant

La légende de Mona Kerbili d'Ouessant

Publicado el 16, dic, 2024 Actualizado 16, dic, 2024 Cultura
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La légende de Mona Kerbili d'Ouessant

La légende enchanteresse de Mona Kerbili par Juliette Norel

Sur une page qui fleurait bon les effluves salins de l’océan, Eléonore déchiffra à la lueur de ses chandelles, une légende entre terre et mer. En éternelle amoureuse de l’amour, ses yeux noisette brillaient d'une lueur curieuse et gourmande, tandis que les mots anciens dévoilaient les mystères d'Ouessant.

Au cœur battant de cette île, là où les vagues salées caressent les rochers de leurs sempiternelles étreintes, vivait une jeune fille d'une beauté rare nommée Mona Kerbili. Sa grâce était telle que les habitants murmuraient qu'elle était née des flots, fille d’un de ces êtres mystérieux et merveilleux du folklore breton : les Morgans, créatures aquatiques d'une grande beauté, qui vivaient dans des palais scintillants sous les vagues et savaient manier l'eau et la magie avec une aisance prodigieuse.

En réalité, Mona était la fille de Fanch et Jeanne Kerbili, mais sa splendeur transcendait les frontières du terrestre et de la mortalité humaine.

Un jour d'été, alors qu'elle déambulait sur la grève, les pieds nus caressant le sable chaud, un vieux Morgan, envoûté par sa beauté, surgit des profondeurs marines pour l’enlever et la conduire dans son royaume sous-marin, en un palais fait de corail et de perles étincelantes comme une myriade d’étoiles.

Le roi des Morgans, ébloui par la perfection de Mona, décida de la garder auprès de lui. Mais son fils, au cœur tendre, tomba éperdument amoureux de la jeune fille au sourire radieux. Le prince, chaque soir, composait des mélodies en son honneur, le son de sa harpe se mêlant aux murmures des vagues. Refusant que son héritier du trône se lie à une fille de la terre, le vieux Morgan contraignit le prince à épouser une Morgane, une nymphe de la mer. Il ourdit un complot pour éliminer Mona, planifiant de la tuer lors de la nuit des noces royales. La belle jeune fille devait tenir un cierge au creux de la main, jusqu’à ce que la flamme atteignant sa paume ne scelle son destin.

Cependant, le jeune Morgan, fin stratège et amoureux sincère, déjoua le plan perfide de son père et par un tour de passe-passe magique, ce fut sa nouvelle épouse imposée par son patriarche qui périt, laissant Mona indemne.

Ému par l'amour qu'il portait à Mona, le jeune Morgan décida de la laisser revoir ses parents et créa un pont magique, nommé Pontrail, un arc-en-ciel chatoyant qui reliait les abysses à la terre ferme. Une fois rentrée chez elle, Mona fut accueillie par ses parents éplorés, mais un autre sort l'attendait.

En effet, sous l’emprise d’un sortilège rouge, elle avait reçu l'interdiction de se laisser embrasser par un homme, de peur d'oublier son amour pour le Morgan. Pourtant, elle ne put résister à l'étreinte émotive de ses proches, et tout souvenir de sa vie sous-marine s'estompa comme une brume matinale. La vie reprit son cours, sans qu’elle ne puisse se souvenir des jours passés ailleurs. Mais les crépuscules d'Ouessant sont pleins de mystères, et une nuit, Mona entendit la voix douce et mélancolique de son époux Morgan qui l'appelait depuis les profondeurs. La mémoire lui revint soudain, comme une marée montante qui déferle furieusement. Elle se souvint des lueurs qui dansaient dans ses yeux, des contours de sa bouche, de son sourire réconfortant et envoûtant, de la puissance de ses mains. Sans hésiter une seconde, Mona plongea dans les eaux sombres, guidée par le chant envoûtant, et disparut à jamais dans les abîmes, rejoindre son amour pour l'éternité.

Éléonore referma le vieux livre avec un soupir mélancolique, les mots résonnant encore dans son cœur. Elle se leva et se dirigea vers la fenêtre, regardant la mer sombre et mystérieuse qui s'étendait devant elle. "Les amours impossibles," pensa-t-elle, "ont cette capacité unique de transcender le temps et l'espace, de vivre éternellement dans le souvenir et le rêve. Peut-être est-ce leur impossibilité même qui les rendent si belles, si intensément désirables. Comme les vagues qui caressent inlassablement le rivage sans jamais pouvoir le posséder entièrement, ces amours nous rappellent la profondeur des sentiments et la beauté de l'aspiration."

Avec une douce tristesse mêlée de ravissement, Éléonore réalisa que c'était justement dans cette quête inachevée et cette éternelle attente que résidait la vraie magie de l'amour.

Un amour pur, vibrant, éternellement blotti au creux des souvenirs et des légendes.


Illustration Seelab


La légende de Mona Kerbili d'Ouessant, par Jean-Christophe Mojard


Le choix de Mona

Sur les rivages abrupts et déchirés d’Ouessant

Que les cinq sentinelles inspectent nuit et jour,

Mona allait gaiement, sans savoir qu’un Morgan

Posait ses yeux gourmands sur ses nombreux contours.


D’un geste sans pareil au commun des mortels,

Il enleva la belle et, plongeant dans les flots,

La porta à son Roi qui vite s’éprit d’elle

Et voulut la garder comme on garde un tableau.


Or, le fils du monarque en fut séduit aussi

Mais avec cet honneur qu’est le consentement.

Le Roi désemparé tempêta et voici

Qu’il ordonna l’union du prince expressément !


C’est une Morganès qui lui fit mise au bras,

Pour un mariage éclair, célébré, consommé,

Le temps que brûle un cierge en la main de Mona

Qui dès lors perdrait vie la flamme terminée.


Mais le prince au bon cœur rusa mieux que son père

Et, dans l’obscurité de la chambre à coucher,

Remplaça l’une et l’autre à la faible lumière :

Quand la flamme céda, la mariée fut tuée.


Le Roi n’eut d’autre choix, devant son propre outrage,

Que de céder au fils et céder à Mona.

Les jeunes amoureux obtinrent le mariage.

Le crime fut caché sous la raison d’État.


Le jeune prince offrit, en sa noble intention,

De laisser repartir Mona parmi les siens,

Pour quelques jours à peine et sous la condition,

De lui rester fidèle jusqu’au retour prochain.


Mais une fois passée par le pontrail magique,

Ouvrant sur un chemin entre la terre et l’eau,

Mona oublia tout du monde océanique,

Quand elle fut embrassée par un beau damoiseau.


Ce n’est que quelques jours après son amnésie

Qu’une nuit de suroît lui apporta l’écho

D’une plainte mouillée qui d’un coup la saisie :

La voix de son mari entre embruns et sanglots.


Mona, cette fois-ci, était seule à son choix,

Recouvrant la mémoire : mari, Roi et complot.

Elle regarda les siens, pour la dernière fois,

Et plongea retrouver son amour sous les flots.



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