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A la Moldue - Chapitre 31 : Démons intérieurs

A la Moldue - Chapitre 31 : Démons intérieurs

Publicado el 15, dic., 2020 Actualizado 15, dic., 2020 Cultura
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A la Moldue - Chapitre 31 : Démons intérieurs

« Le Veritascriptum, Édition du 23 août 2016,

DANSE MACABRE À POUDLARD

 

Les morts reviennent au château. Non content de faire enseigner l’Histoire à nos enfants par un véritable fantôme au débit plus mortifère que l’éloge funèbre la moins enthousiaste, Albus Dumbledore a décidé de nous ressortir un vieux nom, un nom si oublié qu’on le croyait gravé sur une pierre tombale, je veux bien entendu parler d’Horace Slughorn.

Quel rapport avec Poudlard ? Cest évident, mes chers frères et sœurs : Albus Dumbledore laurait fait ressortir de sa retraite pour le faire enseigner les Potions, dès la rentrée prochaine !

« Et le Maître déjà en place ? » me demanderez-vous avec justesse

 

UN MANGEMORT POUR MENTOR

Si Severus Snape a été innocenté par Albus Dumbledore lui-même, nous nous souviendrons aisément de l’accusation portée à son encontre. Le Maître des Potions, et actuel Directeur de la maison Serpentard à Poudlard, porte vraisemblablement la Marque des Ténèbres.

Après avoir officié en tant que Professeur des Potions, sans avoir pour autant empoisonné nés-Moldus et autres Gryffondors, voilà que Severus Snape se voit attribué le poste de Professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Oui, exactement.

Il est de notoriété publique que Snape briguait depuis un certain temps ce poste, étonnant donc, qu’après tant d’années à le lui refuser, Dumbledore finisse par céder. Et cela explique le retour inopiné d’Horace Slughorn, qui, les plus jeunes l’ignorent, était le Directeur de Serpentard de l’époque.

Mais pourquoi changer d’avis, Albus ? Pourquoi maintenant ? Serait-ce lié au retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ? Serait-ce lié au changement de gouvernement, plus guerrier que naguère ?

 

L’ARMÉE DE DUMBLEDORE

Les lacunes en matière de DCFDM des élèves de Poudlard ne sont plus à démontrer, l’année dernière déjà, beaucoup d’encre coulait à ce propos. Il est donc évident que l’urgence est de rattraper ce retard et de radicalement faire progresser ces adultes en devenir.

Mais jusqu’à en faire des soldats ?

La question peut sembler alarmiste, quelque peu paranoïaque, et pourtant, pourquoi choisir cet instant précis pour changer de poste un homme que l’on connaît tous de réputation ? Pourquoi le faire, si ce n’est pour préparer les jeunes têtes à des jours terribles à venir ?

Interrogé à ce sujet, le nouveau Premier Ministre, Rufus Scrimgeour, est resté désespérément muet. Nous ne saurons pas si cette décision est collégiale, si elle a été validée par le Conseil d’Administration de l’école, ou même si elle est plus anodine que nous le pressentons.

Car, et il aura su le démontrer, Albus Dumbledore est un homme qui annonce les dangers à venir. N’était-il pas celui qui tentait de nous avertir, l’année dernière ? Que cherche-t-il à nous dire cette fois-ci ?

Est-ce que la sécurité des sorciers de Grande-Bretagne ne serait elle pas assez assurée que l’on doive faire appel à un repenti ?

Et que penser des compétences de Severus Snape en la matière ? ... »

 

Jane haussa un sourcil, lorsque le susnommé la dépassa sans la voir, marchant à grandes enjambées dans le parc de Poudlard. La jeune femme s’était assise sur un banc à l’extérieur pour profiter des derniers rayons de l’été, lisant la nouvelle feuille de choux à la mode : Le Veritascriptum, le canard de Connord Oaken. C’était sa quatrième parution, et après avoir amplement craché son venin au sujet de la reprise de la classe d’Étude des Moldus par Jane, et après avoir fait une longue critique de l’ancien Gouvernement, voilà que le journaliste finissait par remettre en question Snape, non sans avoir tout de même fait une belle volte-face concernant la montée en puissance de Voldemort… À quoi jouait-il ? Pourquoi ces – presque – mots élogieux à l’égard de Dumbledore ? Et puis pourquoi Severus faisait de grandes enjambées ridicules, d’ailleurs… ?

« Hey ! Severus ! » Le héla-t-elle en agitant le journal pour mieux se faire voir.

L’homme en noir arrêta son manège, la fixant, comme surprit de se voir interrompu dans une grande œuvre importante. Il sembla hésiter un instant, avant de hocher brièvement la tête dans sa direction, et de reprendre son étrange circuit. La Moldue se décida enfin à se lever et à le rejoindre, trop curieuse pour continuer à rester à lire.

« Dites… Qu’est-ce que vous faites, au juste ? lui demanda-t-elle.

— Je compte, Smith, rétorqua-t-il sans même lui adresser un regard.

— Comment ça, vous…

— Je mesure, plus précisément. » Il s’arrêta, plongeant son regard onyx dans le sien.

Jane arqua un sourcil, par mimétisme, comme elle l’avait vu si souvent faire, et observa les alentours, sans comprendre.

« Je mesure le terrain, Smith, soupira Severus.

— Pourquoi ne pas vous servir de votre baguette, et puis pourquoi faire au juste ?

— Parce que je veux savoir combien de pas cela représente. Courts, Amples, peu importe, et parce que je n’ai pas toujours besoin de ma baguette pour exécuter des tâches simples.

— Mais vous faites, quoi, au juste ?

— Qu’est-ce que ça peut bien vous foutre, Smith ? Vous ne pouvez pas me… »

Il s’interrompit. Jane avait eu un mouvement de recul, et il se rendit compte qu’il venait juste de crier. Il perdait pied, c’était anormal. Épuisé par les récents événements, il était particulièrement à cran, et la jeune femme n’avait pas à en pâtir. Alors qu’il allait proposer une justification quelconque, elle lui coupa l’herbe sous le pied :

« Désolée, ce ne sont pas mes oignons, j’voulais juste faire la conversation. Ça fait plusieurs semaines que je ne vous ai pas vu… Depuis… Bon, depuis l’attaque en fait. J’vous ai même pas remercié de m’avoir tirée de là, ni même d’avoir pris soin de…

— Vous n’avez pas à le faire, soupira Severus en balayant de la main son propos. Je mesure le futur terrain d’entraînement de mes élèves. »

Jane lui lança un pauvre sourire, qu’il lui rendit en hochant la tête, avant qu’il ne reprenne ses pas.

« Et vous ? lui demanda-t-il à deux mètres d’elle.

— J’étais en train de m’informer sur votre mangemorosité dans les billets d’Oaken, en tentant de me changer les idées, car je bloque sur mon programme à tenir.

— Comment ça ?

— Albus a été assez vague, il voulait que j’aborde la question de la génétique avec les sixièmes années. Alors moi j’veux bien, mais encore faut-il qu’on arrive à leur faire comprendre le cheminement nécessaire à la compréhension d’un tel truc. Et comme il refuse de me donner plus d’informations… Ou tout simplement de me recevoir…. J’sais pas ce qu’il a, Severus, mais parfois, j’ai l’impression qu’on est seuls tous les deux dans un immense château. »

Cette dernière phrase stoppa net l’espion qui dévisagea la jeune femme. Il revint dans son périmètre, l’observant longuement, avant de pincer les lèvres dans une moue qu’elle avait appris à reconnaître : celle où il déterminait s’il lui répliquait, ou non, quelque chose de mesquin. Il semblait avoir tranché quand il fut interrompu par un « pop » sonore. Entre eux, totalement paniqué, se tenait Dobby.

« Pardonnez-moi Severus Snape, Monsieur, et Grande Maîtresse, mais Monsieur le Directeur a besoin de vous, Monsieur. C’est très urgent, et très grave, il… »

Severus ne laissa pas la créature terminer, et s’élança en direction du château. La Moldue resta une fraction de seconde interdite, avant de partir sur ses talons. Elle regretta immédiatement d’être fumeuse, à mesure que ses poumons brûlaient, et qu’elle voyait la silhouette de Severus la distancer, pour finalement disparaître. La gorge en feu, les jambes cotonneuses et la tête tournant, Jane arriva enfin à passer ces satanées portes, et jura quand elle jaugea l’immense escalier.

Loin devant, Snape courait à grandes enjambées en direction du bureau du Directeur. Il monta quatre à quatre les marches de tous les escaliers qu’il croisa, en ayant pris soin d’en stupéfixer deux ou trois, après les avoir insultés ; et il buta presque contre la gargouille, le souffle devenu court, et vociféra le mot de passe. Lorsque la statue de pierre s’anima et pivota, il termina sa course en gravissant celui en colimaçon, et tenta d’ouvrir la porte du bureau d’Albus Dumbledore. Mais elle resta désespérément fermée.

« Albus, de grâce, ouvrez ! » Hurla Severus en tambourinant.

L’homme en noir sentit ses entrailles se contracter, son cœur rata un battement. Que se passait-il ? Est-ce que le vieil homme serait… ?

« OUVREZ, PAR MERLIN ! »

Il était blanc comme un linge, une goutte de sueur glacée roulait le long de sa tempe, et son poing qui martelait le bois était rendu froid et tremblant par la peur. Alors qu’il pointait sa baguette en direction de la serrure – en sachant pertinemment qu’il n’y pouvait rien – la porte finit par s’ouvrir, et Severus s’y engouffra.

Le bureau était faiblement éclairé, et il y régnait une odeur écœurante de… De soufre, ou de cochon grillé. Quelque chose d’acre, qui prit à la gorge l’ancien Mangemort, qui ne put que reconnaître l’odeur de la chair brûlée. Il avança, avec crainte, vers une silhouette courbée sur le bureau, et haletante. Les cheveux et la barbe tombant devant son corps, commençant à s’emmêler à cause de la sueur, Albus gémissait, replié au-dessus de son bras droit, comme pour le protéger.

« Monsieur le Directeur… ? » Demanda faiblement Severus sans avoir pour autant de réponse.

Le vieux mage bougea enfin et bascula doucement dans son fauteuil, tandis que son protégé s’approchait, soulagé. Lorsqu’il s’assit totalement, Snape put voir ce qu’il tenait fermement : sa main droite, calcinée. L’espion eut un haut-le-cœur. Pas à cause de la vision qui lui était offerte, mais parce qu’il avait peur pour son mentor. Peur de le perdre. Il s’approcha doucement, braquant sa baguette contre le membre qui se nécrosait sous ses yeux. Severus jeta immédiatement un sort de stase, en sachant qu’il n’avait qu’une ou deux minutes pour trouver le moyen de contrer le maléfice. Car il lui semblait qu’il avait bel et bien affaire à de la magie noire.

« Albus… ? Bon sang, que s’est-il passé ? »

Il avait bredouillé. Severus Snape avait bredouillé ! D’une voix blanche, aussi défaillante que lui. Le vieux mage ne répondit pas, se contentant de lever un regard vitreux, absent, en direction de son bureau. Et c’est là qu’il la remarqua : une bague, fendue, qui avait déversé du charbon sur toute la surface, brûlant et dévorant le bois magique du bureau. Ouvrant la bouche dans un accès d’horreur perdue, Severus laissa ses yeux s’accrocher à la lame brillante et victorieuse de l’épée de Gryffondor. L’espace d’un instant, son éclat le rassura, comme une vieille amie lui chuchotant qu’il n’était pas seul dans la bataille, mais le gémissement du Directeur le ramena brutalement à la réalité.

« Qu’est-ce que c’est ? Albus ?

— … fice…

— Je vois bien que c’est un maléfice, par les moires, je ne suis pas stupide ! »

Snape se retourna en direction de la bague, elle était plutôt laide : avec un anneau d’or épais et une sorte de pierre onyx grossièrement taillée, elle semblait ancienne et pataude, présomptueuse même, absurdement riche pour un ouvrage médiocre. Pour l’heure, son sein était béant, et il semblait s’en échapper encore une sorte de fluide malfaisant. L’homme ne reconnaissait pas cette matière, en revanche, le charbon qui s’étalait et qui entreprenait de grignoter l’encrier du Directeur l’interpella.

Sans même se donner la peine d’arrêter le phénomène, l’homme fit volte-face et commença à glisser sa baguette presque contre la brûlure du vieil homme, tout en murmurant. Albus se raidit sur son fauteuil en gémissant avec l’impression que sa main était à nouveau en proie aux flammes le dévorant. Il laissa échapper un cri de douleur lorsque Severus atteignit la jonction entre son index et son majeur. L’espion trembla à ce cri, mais continua son office, le vieil homme étant incapable de s’opposer physiquement. Lorsqu’il put terminer sa bénédiction, l’homme en noir tomba à genoux et regarda gravement son mentor. Leurs regards se croisèrent, mais Albus rompit le lien, en baissant les yeux de honte. Il se passa peut-être une dizaine de minutes, durant laquelle ni l’un ni l’autre ne parla. Après avoir avalé une goulée d’air, pour tenter de formuler ce qui lui donnait des sueurs froides, Severus finit par prononcer :

« Vous allez mourir, Albus… »

Enfin arrivée au chambranle de cette fichue porte, Jane perdit le peu de souffle qui lui restait.

« … Qu..Quoi ?!?

— N’APPROCHEZ PAS ! » Ordonna Severus avec un mouvement instinctif qui pétrifia la jeune femme.

Elle avait avancé une jambe sans s’en rendre compte, et observait la scène sans savoir quoi faire. Le bureau du Directeur continuait de dégueuler son sortilège, le charbon ayant brûlé jusqu’à ses pieds. D’un geste rapide, l’espion détruisit ce qui restait du meuble, empêchant toute progression possible. Le fait qu’il ait choisi de le supprimer, plutôt que d’arrêter l’enchantement, alarma la Moldue au plus haut point. Elle voulut demander au vieillard d’infirmer les propos de celui qui était devenu son protecteur, mais sa question se coinça dans sa gorge avec violence, lui lacérant l’œsophage en même temps que sa peur lui martelait les tripes. Jane jeta un regard implorant à Severus qui détourna le sien, comme incapable de partager ça avec qui que ce soit.

« Sortez, s’il vous plaît. »

Elle aurait préféré que cela soit la demande du vieil homme que celle de l’espion, mais elle obtempéra sans mot dire, et s’éclipsa en silence. Elle redescendit les escaliers en colimaçon, et là, aux pieds de la gargouille qui la jaugeait d’un air hautain, elle s’effondra, et fondit en larmes sans pouvoir se retenir.

Restés seuls dans le bureau, le vainqueur de Grindelwald, et le l’espion de l’Ordre du Phénix croisaient le regard dans un duel muet, jusqu’à ce que le plus vieux rompe le lien, avec une grimace de souffrance.

« Ne me jugez pas trop sévèrement, Severus…

— Po… Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Est-ce une attaque, un piège ? »

Le vieil homme soupira longuement d’épuisement, comme quelqu’un à court de souffle de l’avoir que trop retenu pour emprisonner un secret au fond de sa poitrine. Il agita sa propre baguette de la main gauche, et fit léviter la bague fendue des cendres auxquelles elle semblait appartenir. L’amenant sous les yeux de son cadet, Dumbledore sentait un certain poids disparaître doucement de sa poitrine.

« Savez-vous ce que c’est, Severus ?

— Non.

— Ce bijou appartenait à la famille Gaunt, expliqua le vieil homme, avant d’ajouter : La famille de la mère de Tom Jedusor. »

Snape hésita, puis saisit le bijou entre son pouce et son index, et l’examina longuement en fronçant les sourcils.

« Mais pourquoi mettre une telle malédiction, sur… ?

— … Severus. Severus, vous reconnaissez, cela ? »

Dumbledore tira des cendres une petite pierre noire, taillée en trillion. Assez petite pour être contenue dans le sertissage brisé de la bague… Le vieil homme le lui montra, et Severus put nettement distinguer un symbole qu’il avait vu dans les livres d’Histoire, ainsi que ceux de…

« Est-ce… ? Impossible !

— Parce que ça ne serait qu’un conte… ? No…n ! Non, Dumbledore toussa. Vous savez que ça a été le symbole de Grindelwald, n’est-ce pas ? Ce n’est pas pour rien : il recherchait les Reliques de la Mort. Et elles existent.

— Mais… Si cela appartenait à la famille du Seigneur des Ténèbres, pourquoi ne l’a-t-il pas… ?

— Gardée ? Parce qu’il ignorait ce que c’était. Han ! Il… »

L’homme en noir tressaillit une nouvelle fois en le voyant manifester de la souffrance, et il tira de ses poches un flacon qu’il conservait en permanence pour lutter contre la douleur. Il l’offrit au Directeur, avant de lui proposer d’en rester là, et de ne reprendre que le lendemain. Mais Severus crevait d’envie d’en savoir plus. D’où venait cette bague ? Pourquoi pressentait-il que c’était au-delà de la simple magie noire ? Pourquoi Albus avait-il pris de tels risques ?

Cela avait dû se refléter sur son habituellement impassible visage, car son mentor acquiesça gravement, et continua après n’avoir pris qu’une seule gorgée :

« Tom croyait que c’était là simplement une bague de famille… Il ignorait qu’elle contenait la pierre de résurrection. Je… J’ignore même s’il croit en les Reliques de la Mort.

— Pourquoi la protéger, alors ? Ce qu’il y avait sur cette bague est un maléfice rare, Albus, rarement employé. Vous aviez dû sentir son application, n’est-ce pas ? Pourquoi avoir pris ce risque ?

— La tentation. Non, ne me regardez pas comme ça, Severus : si je vous la confiais, une nuit, ou même une heure… Que feriez-vous avec ? »

La réponse de l’homme en noir mourut en même temps que son air de bravade. Tous deux se regardèrent, comme interrogeant chacun les fantômes du passé, inlassables boulets qu’ils traînaient et expiaient en permanence.

« Je ne sais pas, avoua l’espion. Mais je ne suis pas certain que j’aurais pris de tels risques dans votre position.

— Mais vous n’êtes pas dans ma position, Severus. »

Dumbledore avait eu beau le lui dire avec beaucoup de douceur, Snape prit la remarque comme si elle lui avait été crachée à la figure. Mais le vieil homme ne le laissa pas s’offusquer, et continua :

« Vous n’avez pas la moindre idée de ce que cela peut être ? »

Quand l’espion secoua négativement la tête, le mage blanc agita doucement à nouveau sa baguette, et des cendres sortit un autre artefact. Un vieux journal cramé et détrempé, écorché en son centre, comme s’il avait implosé. Le plus remarquable était qu’il ait pu supporter le maléfice. À l’instar de la bague, d’ailleurs… Snape reconnut immédiatement de quoi il s’agissait.

« Non… ! NON !

— Je vois que nous avions tiré les mêmes idées folles à l’époque. »

Oh, oui… L’un, comme l’autre, en voyant le journal de Tom Jedusor, même éventré par le crochet de basilic ; l’un, comme l’autre, en entendant le récit du jeune Harry Potter, et puis celui de Ginny Weasley, avaient pensé à cette possibilité. Cette folle et catastrophique possibilité : celle que Lord Voldemort soit à ce point terrorisé par sa fin, qu’il aille jusqu’à créer ce que la Magie Noire avait de plus nécromantique.

« Vous pensez que c’était un Horcruxe, Albus. N’est-ce pas ?

— J’en suis certain… À dire vrai, la bague aussi.

— DEUX ?!?

— Et peut-être même plus encore… Sev… Severus… Regardez dans ma pensine… »

Jane avait été incapable de bouger, pendant deux, ou trois heures, peut-être même plus ? Elle était restée assise sur la pierre froide du sol, se raidissant le dos et le bassin à un point tel qu’elle n’était pas persuadée de pouvoir bouger à nouveau. Pendant tout ce temps, elle n’avait eu de cesse de revoir la main atrophiée, le bureau s’affaissant, et pire que tout : la sentence prononcée par Snape. La gargouille s’anima, et Jane entendit distinctement les pas d’un homme chancelant. Elle leva un regard inquiet, et lorsqu’elle croisa celui de l’espion, ce dernier reprit immédiatement contenance, n’affichant qu’un masque impassible. La Moldue tenta de se lever, sentant ses hanches crier de protestation, et son dos rendu glacé par la posture, craquer sous l’effort, elle perdit l’équilibre sous la douleur, et Severus l’attrapa par réflexe, la remettant sur pied, sans même lui accorder un regard. Mais avant qu’il ne puisse s’écarter, Jane attrapa ses poignets et l’obligea à la regarder.

« Severus, dites-le moi…

— Oui, murmura l’espion dans un souffle. Oui, il va mourir. Dans six mois ? Un an peut-être… Je ne sais pas.

— Que s’est-il passé ? Est-ce que je peux faire quelque chose ? Qu’est-ce que…

— Rien. Absolument rien. Vous ne pouvez rien faire, Jane. Excusez-moi »

Il se dégagea doucement, s’écartant pour remettre de la distance, et braqua son regard noir vers le couloir. La jeune femme ne sut dire comment ni pourquoi elle le savait, mais quand elle le vit la dépasser, tenant fermement son poing droit serré, il lui semblait qu’il souffrait atrocement. De ces souffrances que seul l’amour sait faire naître. Il ne parla pas, partant au loin, poing serré, dans un geste infiniment solitaire. Cela glaça la jeune femme, lui fit beaucoup plus mal qu’elle ne pouvait l’admettre. Elle repensait au vieil homme mourant coincé dans sa tour, et à l’expression de désarroi qu’elle avait entraperçue chez l’espion. Jane jeta un regard à la gargouille de pierre, hésitant à monter voir le vieil homme, mais se ravisa.

Rien. Elle ne pouvait rien faire, et ne servait strictement à rien. Elle était restée comme une idiote dans ce couloir, sans d’autres perspectives que de ne pas savoir quoi faire. La Moldue n’eut d’autre choix que de tourner les talons et de se réfugier dans ses appartements, en espérant sincèrement que son chat serait lové sur le sofa prêt à ronronner nonchalamment.

Mais Merlin lui faisait de grosses infidélités depuis son retour. Était-ce parce qu’il n’avait pas apprécié son absence ? Était-ce à cause de Severus ? Bien que Jane ignorât cordialement ce point… Lorsque Snape arriva en trombe dans ses appartements, le chat sursauta : il s’était une nouvelle fois couché à un endroit interdit, mais parfaitement en hauteur. L’homme en noir ne croisa pas le regard comme de coutume, ni même n’amorça un geste en sa direction. Il semblait absent, choqué.

Severus tenait fermement son poing serré. Serré autour d’une pierre qui commençait à lui rentrer dans la chair, à imprimer sa marque de la même manière que la tentation commençait à lui lacérer l’âme. Ce qu’avait dit Albus l’avait tétanisé. Pas seulement les Horcruxes, pas seulement leur nombre… C’était… Non. Il ne pouvait même le formuler mentalement. L’espion trébucha contre le guéridon qui jouxtait son canapé. Merlin en profita pour sauter de son perchoir, prêt à prodiguer ses soins, quand il s’arrêta. L’homme en noir était vraiment ailleurs. Severus fondit vers son bar, et sans pour autant se défaire de l’artefact légendaire, se servit un Whisky sec si absurdement généreux qu’il le saoula presque immédiatement. Il se racla la gorge, et recommença l’opération, les mots du vieil homme tournoyant dans son esprit, la sentence qu’il avait prononcée gravée dans la mémoire.

« Putain… Ton fils, Lily… »

L’insulte mêlée à la plainte avait fusé, entre deux gorgées brûlantes. Il se tenait contre son bar, le corps pratiquement collé au meuble en bois massif, comme tentant de reprendre pied avec une réalité qu’il ne comprenait plus. Mais il avait beau déployer des trésors de maîtrise de soi, toutes ces années d’entraînement ne l’avaient pas préparé à cette épreuve.

« Je… Je voudrais tellement. Je pourrais tellement… »

La pierre commença à lacérer sa paume. Il la tenait beaucoup trop fort, et sa main encerclait l’artefact comme pour l’empêcher d’y succomber. Albus ne lui avait même pas dit s’il l’avait utilisée. Il s’était contenté de la lui confier, comme pour lui faire partager ce fardeau. Le mage blanc lui avait donné une série de révélations, l’avait alourdi de ces poids nommés respectivement « Vérité » et « Devoir », et l’avait mis au défi de résister à ses premiers instincts.

« Bon sang, ton fils ! Par Merlin… Lily, j’ai tellement besoin de te parler… »

Mais que pouvait-il lui dire ? Qu’il était désolé ? Qu’il avait cru qu’il lui suffisait de protéger le gamin, alors même que par sa faute il hébergeait en son sein ce qui le tuerait ? Qu’il ne savait pas s’il devait le lui dire, ou non ? Qu’après tout ce temps, il ignorait même ce qu’il ressentait, et qu’il se mortifiait pour ce simple fait ? Non. Il était ridicule.

Trois gouttes de sang tombèrent au sol dans un bruit mat que seul le félin put percevoir. Severus tenait toujours aussi résolument la pierre dans sa paume, à tel point que ses arrêtes tranchaient sa chair. Merlin donna un coup de tête contre le membre, en ronronnant, réclamant un câlin. Severus eut un mouvement de recul, et observa l’animal. Il ne pouvait pas tourner cette pierre. Il ne le devait pas. Personne ne revenait d’entre les morts. Ce qu’il invoquerait ne serait probablement que l’ombre issue de son esprit. Et que lui dirait alors cette Lily ?

Il grimaça. Son seul ami, et mentor était en train de mourir, le gosse qu’il haïssait et pour lequel il se battait était voué au sacrifice, et lui était coincé dans son passé, tourmenté par un avenir insondable. La pierre ne lui apporterait que du mal. Elle n’appellerait que ses démons intérieurs, alors qu’il aspirait lui-même à la paix, bien qu’il l’imaginât moralement interdite. Merlin miaula, et cela tira un rictus à l’espion qui dut reconnaître que l’animal avait un certain instinct à son égard. Puis il relâcha la main, et déposa l’objet sur le guéridon. Là, entre les pattes d’un chat décidément trop joueur pour leur bien à tous. Là, d’un geste nonchalant, Severus Snape venait de se détourner de la pierre de résurrection.

Lorsque Jane parvint à son salon, et lorsque ses appels répétés pour retrouver son compagnon à fourrure demeurèrent sans réponse, elle se sentit plus seule qu’elle ne l’avait jamais éprouvé en arrivant à Poudlard. Ce qui était jusqu’ici une formidable aventure faite de magie et de créatures extraordinaires se transformait peu à peu en cauchemar dont elle n’arrivait pas à s’extirper. Elle avait beau feindre l’amusement, l’insolence ou le détachement, le cauchemar grouillait sous elle, rampant, la touchant, la contaminant à son tour. Elle devenait peu à peu prisonnière, si ce n’est actrice involontaire d’un film détestable où tous les protagonistes ne sont plus que désespoir et incertitudes.

À quel moment cela avait dérapé ? Comment Albus, qui devait être le fameux Merlin-tout-puissant, pouvait-il mourir ? Qu’était-elle supposée faire dans cet univers qui récusait totalement l’absence de pouvoirs magiques ? Et pourquoi ? Pourquoi, par tous les fondateurs, son chat avait-il décrété qu’elle n’avait plus besoin de lui ?!

Jane aurait tant voulu enfouir son visage sans ses poils et l’entendre ronronner jusqu’à ce qu’il miaule d’agacement parce qu’elle le trempait de ses larmes. Il détestait cela, et la Moldue pensait que c’était à cause de l’inconfort humide, mais à la vérité, le chat n’aimait pas voir sa Maîtresse triste au point d’en pleurer. Mais il n’était pas là. Alors, comme beaucoup de grandes personnes dans ces cas-là, bipèdes profondément humains, elle se dirigea vers son ébauche de bar personnel, contenant deux bouteilles d’hydromel et une de Martini – mystérieusement glissée dans sa valise au retour de son précédent Noël chez ses parents – et Jane se servit un généreux verre, avant de se poster près de sa cheminée et de rouler une cigarette qui, dès les premières bouffées, lui donna l’illusion que ses problèmes insolubles devenaient soudainement plus supportables. Douce illusion et belle magie typiquement moldues. Elle coupla cela d’une nouvelle gorgée du vin cuit, et releva à peine le regard quand on frappa à la porte. Elle hésita. Était-ce une nouvelle mauvaise nouvelle ? Était-ce un événement encore plus grave que ceux dont elle était dernièrement témoin ?

Jane se traîna de mauvaise grâce jusqu’à l’entrée, et ouvrit la porte qui dévoila le visage grave de Severus Snape. Son souffle chaud charriait le Whisky dont il apportait la bouteille, et ses yeux noirs d’encre la fixaient dans une demande muette. S’il n’avait eu l’air si désemparé, elle aurait pu le trouver incroyablement beau de dramatisme, on aurait dit un personnage de roman-fleuve, le genre assez tourmenté et inaccessible, typiquement le genre... Elle chassa son propre cheminement mental en s’écartant de l’entrée pour le laisser passer, mais il ne bougea pratiquement pas. Il semblait hésiter.

Il était quoi ? 19-20h peut-être ? Ils n’avaient même pas mangé, les événements les obligeant à finir leur journée ensoleillée dans cette maudite tour. Jane ne se demanda pas longtemps ce qu’il pouvait bien faire là, sa seule présence lui redonna un semblant de souffle. C’était plus facile. Beaucoup plus facile à deux. Severus la frôla en entrant, et la Moldue l’observa de dos, remarquant le paquet qu’il tenait fermement contre lui, et la bouteille quasi vide pendue dans son autre main. Les épaules de l’homme étaient relevées, trahissant son malaise. Puis l’espion se reprit, et lorsqu’il se retourna pour lui faire face. Il affichait un de ces sourires qu’il avait lorsqu’ils passaient du temps à « s’entraîner » … Oui, c’était plus facile comme ça. Ils n’en parleraient pas, ils se contenteraient de…

 « Prête à vous faire dominer, Smith ? murmura-t-il en feignant la séduction, d’une voix pourtant éteinte.

— J’aurais pu trouver ça excitant si je n’avais pas vu le jeu d’échecs sous votre bras.

— Vous êtes une femme difficile à satisfaire, Jane. »

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