Jour 32
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Jour 32
C’est le dernier jour. Je ne sais pas comment j’ai tenu jusque-là, mais j’y suis. Il n’y aura pas d’adieux larmoyants, c’est déjà ça. Comme d’habitude, je n’ai pas réussi à tisser de liens avec quiconque au point de manquer à qui que ce soit. De mes côtés, les gouffres me séparant de quelque humanité sont toujours là, m’entourant de leur rassurantes obscurités.
J’ai nettoyé le bureau de sorte qu’il n’y ait aucune trace de moi, comme s’il pouvait y en avoir. Il vaut mieux être prudent. Si je pouvais appliquer cette méthode de nettoyage à quoi que ce soit d’autre, je deviendrais experte en n’importe quoi.
Je dépose les clefs du bureau sécurisé, je prends une ou deux respirations et je sors définitivement.
J’ai toujours fait ça. Quand je prenais le bus pour aller au lycée, je m’amusais à imaginer que c’était « la dernière fois », que je ne reviendrais jamais au fonds de ce bus 11 barré, sur ces sièges orange sale, à regarder les champs de colza éclore et leurs odeurs peser dans l’air au point que chacun humait son aisselle, au cas où. Une fois j’ai même réussi à pleurer. Je m’en souviens encore. J’avais réussi à m’y faire croire. Puis j’étais allé au lycée et étais revenu le soir, parce que je n’avais absolument nulle part d’autre où aller. J’avais réussi à m’évader, le temps d’une larme.
Je ne croise personne sur ma route, je peux donc à loisir saluer les panneaux d’affichage, les bâtiments, les vitres, l’herbe, les massifs de fleurs, bref, tout ce qui n’est pas humain. Je sens une espèce rare de déception monter un peu le long de ma colonne. J’aurais du leur parler à eux. Mais je dois partir vite, je n’ai plus le temps. Et cette espèce de sensation est largement plus forte que toute autre.
J’ai, comme d’habitude, fait de mon mieux. Mais ça n’a pas suffi, comme d’habitude. Je ne sais pas si tout ça me servira, ou servira à quoi que ce soit, un jour. Je crois qu’aujourd’hui, je n’ai même pas le temps d’une larme, dommage.