

L'Histoire de 13h - partie 2/5
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L'Histoire de 13h - partie 2/5
Une histoire à épisodes pour #LinkTober2025
J’entends d’ici les rouages dans votre esprit. Il n’y a pourtant pas de grand mystère à percer. Nous ne travaillons pas non plus pour le grand complot mondial.
D’ailleurs, je doute qu’il y ait un grand complot mondial. Sûrement plein de petits complots et de micro-trahisons. Mais même motivés, je ne vois pas les puissants de ce monde s’entendre suffisamment pour partager le gâteaux équitablement. Je crois plutôt qu’ils le partagent parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement.
Mais bon. Qui suis-je pour en être absolument certain ? Je ne suis qu’un simple nettoyeur.
Notre équipe de nettoyeurs porte le nom de code Étoile de Mer.
Désolé d’en décevoir certains, mais ça ne se décline pas en Étoile de Terre, Étoile d’Air ni Étoile de Feu. Nous ne sommes pas des Pokémons. Et nos chefs n’ont pas cet humour-là. Ceci dit, St Biose l’a. Mais il a aussi un accent luxembourgeois, si vous voyez ce que je veux dire…
Sa plaisanterie préférée, c’est que la Firme n’avait pas le budget pour choisir un animal plus gros. Il s’accorderait bien avec mon beau-frère, un gros lourdaud qui a eu la bonne idée de révéler mon métier pendant dîner de famille. La fille à côté de moi m’a demandé si je faisais le ménage dans des bureaux ou ce genre de chose.
— Non, je fais plutôt les suicides.
— Comme dans le film ?
— Quel film ?
— Le film français, là… un truc comme Nikki… Nikita.
— Peut-être. Je n’ai pas vu le film.
Conclusion de l’affaire, nous avons regardé le film ensemble et j’ai tellement rit pendant la scène où il dissout le mec avec de l’acide dans une baignoire que nous ne nous sommes plus jamais revus.
Je ne sais pas vraiment ce qui m’a pris de dire à cette fille que je fais les suicides. Ce genre d’annonce appelle typiquement l’image du mec susceptible de toquer à votre porte pour vous liquider. C’est surtout lié aux divertissements qui ancrent volontiers l’idée dans les esprits.
Pourtant, c’est très éloigné de mon activité professionnelle. Je ne suis pas assez téméraire pour débarquer chez les gens et les dézinguer froidement.
Par contre, j’avoue avoir déjà transporté des tapis.
Ah, vous voyez ! A cette évocation, vous ne pouvez pas vous empêcher d’imaginer un corps roulé dedans.
Bon, je me suis un peu égaré avec cette histoire de gonzesse et de tapis. Tapis dans lequel, je ne l’ai pas transporté. Je préfère préciser. Mais je pense que vous avez un peu compris l’idée. Nous avons des clients qui font parfois des bêtises et nous sommes-là pour effacer les traces derrières eux.
Pour en revenir à cette fameuse fois où St Biose m’a défrisé la moustache, il serait peut-être utile que je commence par le début. Maintenant que vous avez un portrait du bonhomme, ce qu’il a fait ne vous surprendra peut-être pas. Mais sais-t-on jamais…
Nos missions nous emmènent parfois un peu loin. Celle dont je vais vous parler se déroulait ***comme un tapis*** en Drôme Provençale. Quand il n’y a pas de complication, c’est juste une question d’aller-retour avec un avion affrété par la Firme. En principe, nous passons plutôt inaperçus.
Cette fois là, les complications allaient commencer avec l’envie impérieuse de cuisses de grenouilles exprimée par St Biose. Il disait que repartir sans en avoir mangé une bonne assiette, c’était du gâchis. Un peu comme venir à Copenhague sans aller voir la statue de la Petite Sirène dans le port. Et allez savoir pourquoi, le seul restaurant du coin qui en proposait n’en servait que le vendredi soir.
La priorité, c’était quand même la mission. Surtout que là, c’était du lourd.
Mais pour Auguste, c’était jouable.
Vous devez bien vous douter que lorsqu’on fait appel à nous, c’est qu’il ne suffira pas de balayer. On serait plutôt dans un changement de moquette, de tapis, d’une partie du mobilier. Nos interventions ne sont pas à la portée de toutes les bourses.
Or, quand on parle de clients aisés qui font des bêtises, on parle parfois de gens plutôt téméraires qui laissent leur côté sombre s’exprimer sans filtre. Maintenant que je l’ai précisé, vous vous attendez sûrement à quelque chose de glauque. Ou a minima enrichi d’une anecdote croustillante. Ou les deux.
Je ne suis pas certain de pouvoir tout vous dire. Vous n’êtes pas prêts.
Puisque vous insistez, j’aime autant vous préparer en vous annonçant que l’équipe de première ligne a dû faire une piqûre de tranquillisants au client. Et vu l’état dans lequel on l’a croisé, c’était une dose de cheval.
En temps normal, une équipe de nettoyeurs ne croise pas le client. En temps normal, seulement.
Mais comme je vous l’ai dit précédemment, nous avions affaire à du lourd. Vous vous souvenez du coup de chiffon magique avec le cerf ? Et bien là… Il y avait besoin d’un très gros coup de chiffon magique et nous n’avions pas jusqu’aux calendes grecques. Non.
Nos interventions doivent être aussi rapides que discrètes. Nous demandons quand même quarante huit heures de délais pour les miracles.
Je déconne. Nous ne faisons pas de miracles !
Une scène improbable nous attendait. Mais c’est l’odeur qui nous a frappé avant le spectacle. Quelque chose d’indéfinissable, d’écœurant. De la barbaque mais pas que.
J’ai beau avoir le cœur bien accroché, j’ai du mal à trouver les mots pour vous décrire ce spectacle.
Ce qui avait été le corps d’une femme était éparpillé dans le garage, déchiqueté par je ne sais quoi.
Et je ne saurais jamais.
Photo de couverture par Victoria Strukovskaya
Illustrations dans le texte par Daniel C. Muriot
Liste de mots fournie par Sacheen Sierro & Bernard Zirnhelt
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