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Ces avions, qui ne reviennent pas

Ces avions, qui ne reviennent pas

Publicado el 13, sept., 2024 Actualizado 15, sept., 2024 Tale
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Ces avions, qui ne reviennent pas

Quand elle rentre dans la librairie trouve André les coudes appuyés sur le comptoir. Dans les rayonnages elle repère “Falluja, ma campagne perdue” de Feurat Alani, et en lit la quatrième de couverture. Elle se dit que c’était parfait pour le
moment qu’elle vivait : un homme qui assiste impuissant à la fin d’un lieu qu’il aime, d’un monde qui a été le sien, et qui ne peut rien faire d’autre que de le raconter pour faire en sorte qu’il continue à exister. Elle se tourne vers André: 
—Vous connaissez?
— Bien évidemment, dit André.
— Il est bien écrit?
— Ah, le livre ?! Je ne sais pas, je ne l’ai pas lu, je parlais de la bataille.
— Je suis certaine que si on sort d’ici et qu’on demande à cent personnes de nous parler de
Falluja comme d’une évidence, la moitié nous dirait qu’il s’agit d’une préparation mexicaine -
en la confondant avec Fajitas - et l’autre moitié chercherait la caméra cachée. Personne ne se
souvient de cette ville ni du fait qu’une bataille décisive a eu lieu à cet endroit. Il faut être des
spécialistes pour la connaître.
—Vous aussi, vous la connaissez. Vous êtes une
spécialiste de batailles décisives ?
— Non. Mais le Moyen-Orient a été la moitié
de ma vie d’adulte. 
—Et quelle est l’autre moitié?
—Le Sahel. 
André soupire:
 —Pas facile, deux vies de la sorte.
 —Vous le dites. J’ai vu plus de mondes réels s’effondrer devant mes yeux que la plupart de
mes copains passionnés de science-fiction en ont jamais vu au cinéma. Et vous? Vous la
connaissez comment, Falluja ?
— Je suis un bouquiniste, j’aime lire.
— Mais vous n’avez pas lu ce livre-là.
— Non.
— Lequel avez-vous lu, alors?
— Un livre de stratégie militaire.
— Insolite.
— Je suis un homme curieux.
— Soit. Si vous aimez le genre, je peux vous
faire part d’une réflexion?
— Oui, bien entendu.
— Depuis trente ans, les attaques aériennes sont conduites au préalable, lors des campagnes militaires, tandis qu'auparavant bombarder des villes - notamment des capitales historiques - était une extrema ratio. Le résultat des frappes aériennes est escompté et très rapide, les régimes en place perdent la guerre – aucune contre-aérienne au Moyen-Orient ne peut tenir tête aux escadrons d’une armée de l’air occidentale. L’asymétrie est trop élevée. Puis, quand il s’agit de descendre pour établir l’emprise sur le terrain, cette asymétrie écrasante s’inverse. Les populations ont cumulé un tel sentiment d’impuissance, d’injustice, de rancune face à ces attaques contre lesquelles aucune riposte n’est possible, qu’elles mobilisent une immense quantité d’énergie. La rage est si absolue, si répandue que, même sous-équipés, les locaux finissent par mettre à mal les plus grandes armées d’Occident. Il y a un potentiel qui n’est pas calculé comme potentiel d’attaque, mais qui finit par être la vraie aiguille de la balance des conflits, de nos jours: c’est la force du désespoir. Avec les attaques aériennes, on protège la vie des militaires qu’on engage, mais les batailles engagées sont tellement faussées par ce type de procédure de conquête, qu’on finit par obtenir des fausses victoires. Dans une guerre bien menée, c’est au sein des armées qui s’affrontent qu’on a la plus grande partie des pertes. Si la plupart des pertes se trouve chez les civils, c’est que les États-Majors qui ont élaboré la stratégie sont défaillants. 
— Très bien vu. Et ça fait très spécialiste; mais non pas de manuscrits du moyen âge.
— Je suis une spécialiste de la réflexion.
— Soit, mais ce type de réflexion est très insolite.
— Je suis une femme curieuse. 
— Je vois.
— Vous savez, Bagdad était pour le monde arabe ce que Paris est pour l’Occident. Une
immense blessure dont peu de monde a conscience en Europe; mais la fin de Bagdad a
été le début de la fin du monde pacifié qu’on avait obtenu après la Deuxième Guerre
Mondiale. Les pays du Moyen Orient ne cessent de s'éloigner de nous, malgré tous les efforts.
— Oui, et pourtant l'Occident en a fait des efforts, les procédures de combat ont changé. On ne fait plus les mêmes erreurs qu'en l'Irak. Pourtant la situation ne s'est pas tellement améliorée.
— Pendant la deuxième guerre mondiale, les ingénieur de la RAF travaillaient à l'amélioration des prestations de leurs avions. Quand ils revenaient endommagés à la base, ils étudiaient les points dans lesquels ils étaient le plus souvent frappés et ils essayent
d'en améliorer la résistance. Malgré cela, aucune avancée spectaculaire avait été faite.
Puis un jour les ingénieurs on inversé la perspective. Les avions endommagé qu'ils
récupéraient étaient des avions qui étaient quand même revenus à la base, il fallait donc
renforcer les endroits qui n'avaient pas été endommagés dans les avions qui étaient de
retour, car c'était probablement à cet endroit là qu'avaient été frappés les avions qui ne
revenaient pas du combat. A partir de cela les résultats furent bien plus que concluant. La
perte d'avions baissa sensiblement
— Très intéressant, je ne connaissais pas cette histoire. Merci , vous m'avez appris quelques
chose !                                                                                                                                                                                                                                         André pense que depuis quinze ans plus personne ne lui apportait quelques chose de nouveau quant à son métier. Pour incongure qu'il lui apparaissait ce discours prononcé par une femme venant de tout autre horizon, il lui semble presque logique que ce soit Anastasia à le tenir. Il la regarde attentivement, en attendant la suite de la reflexion, qui ne tarde pas. Anastasia reprends:  
— Vous savez, j'ai vécu ou travaillé dans beaucoup des pays qui ont fait objet d'interventions militaires occidentales, les occidentaux ne gagnent pas les guerres là bas, ils gagnent autant de batailles qu'il faut pour arriver à un cesser le feu ou à la reddition. Mais le but d'une guerre est politique, non pas militaire. Si le but politique n'est pas atteint la guerre est perdue, même si le pays est conquis. Des autocrates ont été renversés, mais les pays se sont éloignés du modèle occidentale, de la démocratie; se sont révoltés contre leurs libérateurs au point de les haïr, une fracture s'est crée et elle n'a fait que s'accroître. L'espace de la Méditerranée est en train de se reottomaniser; ils se sont recentrés sur eux mêmes. L'Occident a perdu toutes les guerres qu'il croit avoir gagné. Et il n'arrive même pas à s'en apercevoir. Vous savez où ont été frappés tous ces pays, tous ces avions qui ne reviennent jamais ? 
— Non, et vous... ? 
— Dans leur dignité. Les pays sont faits d'êtres humains non pas de territoires, un être humain a qui on a ôté sa dignité ne revient jamais auprès des gens responsables de cela. De nombreux pays d’Europe ont été détruits pendant les différentes guerres, mais jamais humiliés à ce point. Ce qu’ils n’ont pas toléré c’est la légèreté avec laquelle cette destruction a été effectuée. Comme si leur histoire n'avait jamais existé, si elle avait été une quantité négligeable, quand leur Histoire fut un des plus hauts moments de l'Histoire humaine. Ils ne reviendront jamais vers les responsables de tout cela. Jamais
André sent les yeux se remplir de larmes. Il ne voulait pas qu’elle le voie. Il lui tourne le dos en faisant semblant de ranger quelque chose. 
— Vous êtes bien plus qu’une femme curieuse, pour mener si loin une réflexion sur ce type de sujet. 
— Pour pouvoir comprendre qu’on ne cesse pas une réflexion tant qu’on n’a pas saisi le cœur de
la question, il faut avoir éprouvé le sentiment d’avoir perdu une chose aimée au point de penser qu’on ne peut pas survivre à la perte.
André se retourna brusquement, il la regarda dans les yeux; il se foutait, désormais, qu’ils
soient plein de larmes: « Tant mieux: qu’elle voie où j’en suis! » songea-t-il même.
— Et si je vous disais que je vous comprends parfaitement, vous me diriez quoi ?
— Que c’est la première fois que vous me parlez pour de vrai.

 

 

Tiré de "Autres Nomades" Agna Tombouctou - Paris 2016

 

Trad. It.

Quando entra nella libreria, trova André con i gomiti appoggiati sul bancone. Anastasia si aggira nella libreria e in uno scaffale vede “Falluja, la mia campagna perduta” di Feurat Alani. Legge la quarta di copertina. Si dice che è perfetto per il momento che sta vivendo. Un uomo che assiste impotente alla fine di un luogo che ama, alla fine di un mondo che era stato il suo, e non può far altro che raccontarlo per assicurarsi che continui ad esistere. Chiede ad André:
— Conosci?
— Ovviamente, dice André.
— È scritto bene?
— Ah, il libro?! Non lo so, non l'ho letto, parlavo della battaglia.
—Sono sicura che se uscissimo e chiedessimo a un centinaio di persone di parlarci
Falluja come una ovvietà, la metà ci direbbe che si tratta di una preparazione messicana -
confondendola con Fajitas - e l'altra metà cercherebbe la telecamera nascosta. Nessuno sa che
 questa città esiste e nessuno sa che qui a avuto luogo una battaglia decisiva. Bisogna essere specialisti per saperlo.
—La conosci anche tu. Sei una specialista in battaglie decisive?
— Diciamo piuttosto che il Medio Oriente è stata la metà della mia vita adulta.
—E l'altra metà?
—Il Sahel.
André sospira:
—Non capitano spesso due vite così, e non sono certo fra le più semplici.
—In effetti. Ho visto crollare davanti ai miei occhi più mondi reali di quanti ne abbiano visti al cinema i miei amici appassionati di fantascienza. E tu? come conosci Falluja?
— Sono un libraio, mi piace leggere.
—Ma non hai letto quel libro.
— No.
– Quale hai letto, allora?
— Un libro di strategia militare.
— Insolito.
— Sono un uomo curioso.
— Ok. Se ti piace il genere, posso parlarti di una mia riflessione personale in proposito?
— Sì, certo.
— Negli ultimi trent'anni, sull'altra sponda del Mediterraneo gli attacchi aerei sono stati condotti all'inizio delle campagne militari, mentre in Occidente bombardare le città, soprattutto le capitali storiche, perfino durante la Seconda Guerra Mondiale è stata una extrema ratio. In Medio Oriente, il risultato degli attacchi aerei era scontato e molto rapido, i regimi al potere hanno perso la guerra – nessuna contraerea in Medio Oriente può resistere agli squadroni dell’aeronautica occidentale. L'asimmetria è troppo elevata. Poi, quando si è trattato di prendere il controllo del territorio e di stabilizzarlo, questa asimmetria si è invertita. Le popolazioni avevano accumulato un tale sentimento di impotenza, di ingiustizia, di risentimento di fronte a questi attacchi contro i quali non era stata possibile alcuna difesa che hanno mobilizzato un'immensa quantità di energia nel resistere alla presenza straniera che pure si voleva liberatrice. La rabbia era così assoluta, così diffusa che, anche se poco equipaggiati, le popolazioni locali hanno finito per rendere inefficaci perfino i più grandi eserciti d’Occidente. C’è un potenziale che non viene calcolato come potenziale bellico, ma che ha finito per essere il vero ago sulla bilancia dei conflitti di questo tipo: è la forza della rabbia, scatenato dal sentimento di ingiustizia. Iniziando le operazioni con delle campagne aeree, gli Stati Maggiori proteggono la vita dei soldati impegnati nell'azione, ma l'esito di queste battaglie è talmente distorto da questo tipo di procedure di conquista che finisce per  produrre false vittorie. In una guerra ben condotta,  la maggior parte delle perdite dovrebbe trovarsi nei ranghi degli eserciti che si affrontano. Se la maggior parte delle perdite si trovano far i civile, è perché gli Stati Maggiori che hanno elaborato la tattica hanno adottato delle procedure operative inadeguate.

— Osservazione molto pertinente e molto professionale, da specialista, ma non di manoscritti del Medioevo.
— Sono una specialista della riflessione.
— Sia pure. Ma è un soggetto di riflessione molto insolito.
— Sono una donna curiosa.
— Capisco...
— No, non credo che tu abbia capito...  Baghdad è per la civilizzazione araba quello che Parigi è per l’Occidente. La sua caduta è stata una
ferita immensa, di cui pochi in Europa sono consapevoli. Il crollo di Baghdad è stato l’inizio della fine del mondo pacificato che avevamo ottenuto dopo la Seconda Guerra mondiale. I paesi del Medio Oriente continuano ad allontanarsi da noi, nonostante tutti gli sforzi.
— Verissimo, anche se le procedure sono state rettificate, c'è stata una vasta riflessione in quest'ambito, non si commettono più gli stessi errori che in Irak. Eppure la situazione non è specialmente migliorata.
— Durante la seconda guerra mondiale, gli ingegneri della RAF stavano lavorando per migliorare le prestazioni dei loro aerei. Quando tornavono danneggiati dalle missioni  studiavano i punti in cui venivano colpiti più spesso e li rafforzavano per migliorarne la resistenza.  Nonostante gli sforzi, non si notavano progressi spettacolari. Poi un giorno gli ingegneri hanno invertito la prospettiva. Gli aerei danneggiati erano nonostante tutto rientrati alla base. Gli ingegneri si sono detti che  era importante rinforzare i punti in cui non erano stati colpiti gli  aerei che erano riuscit a far ritorno alla base, perché probabilmente era in quei punti che erano stati colpiti gli aerei che non erano riusciti a far ritorno dal combattimento. Hanno dunque rinforzato i componenti di quelle parti là. Dopo aver applicato questa nuova pratica i risultati furono molto più soddisfacenti. Là la perdita di aerei diminuì in modo significativo.
—. Molto interessante, non conoscevo questa storia. Grazie, ho imparto qualcosa di nuovo oggi !                                                                     André pensa che da quindici anni nessuno gli aveva portato qualcosa di nuovo riguardo riguardo la storia militare e la sua professione. Per quanto incongruo gli sembrasse che fosse una donna di un ambiente completamente diverso dal suo a fargli questo tipo di discorso, gli sembra naturale che sia Anastasia a pronunciarlo. La guarda attentamente, aspettando il resto della riflessione. Anastasia continua:    — Sai, André, ho vissuto e lavorato in molti paesi che sono stati al centro di interventi militari occidentali, lì gli occidentali non vincono le guerre, vincono tante battaglie quante ne sono necessarie per ottenere un cessate il fuoco o una resa. Ma lo scopo di una guerra è politico, non militare. Se l’obiettivo politico non viene raggiunto la guerra è persa, anche se il Paese viene conquistato. Gli autocrati vengono rovesciati, ma i paesi si allontanano dal modello occidentale, dalla democrazia; si ribellarono contro i loro liberatori al punto da odiarli più che gli autocrati contro cui si stavano rivoltando. La frattura  fra Oriente e Occidente non fa altro che aumentare. L'area Mediterranea è in fase di reottomanizzazione; si stanno ripiegando su se stessi. L’Occidente ha perso ogni guerra vinta sul campo di battaglia. Sapete dove sono stati colpiti tutti questi paesi, tutti questi "aerei" che non tornano mai più?
— No, e tu...?
— Nella loro dignità. I paesi sono fatti di esseri umani non di territori, un essere umano a cui è stata tolta la dignità non ritorna mai verso i responsabili di tutto ciò. Molti paesi d'Europa sono stati distrutti durante la guerra, ma non umiliati. Quei paesi sono stati umiliati dalla distruzione disinvolta della loro storia, quello che non hanno sopportato è la leggerezza con cui la distruzione è stata condotta. Come se la loro storia non fosse mai esistita e questo nonostante il fatto che la loro Civilizzazione abbia toccato uno dei maggiori apici mai raggiunti nella Storia Umana. Nessuno si è preoccupato di cosa fosse stato distrutto, di che impatto psicologico avesse avuto quella distruzione,  nessuno si è preso cura della ricostruzione.  
André sente i suoi occhi riempirsi di lacrime. Non voleva che lei lo vedesse, le volta le spalle, fingendo di mettere via qualcosa.
— Sei molto più che una donna curiosa, per riflettere così in profondità  su questo tipo di argomenti.
— Per poter comprendere che non si smetta di pensare finché non si ha afferrato il cuore della questione, bisogna aver provato cosa significa aver perso qualcosa di amato al punto di credere di non poter sopravvivere alla perdita.
André si volta di scatto, la guarda negli occhi:
—E se ti dicessi che ti capisco perfettamente?
—Direi che è la prima volta che mi parli veramente.

 

Photo du net "Plan de Baghdad au Moyen Age" 

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Cedric Simon hace 15 días

Une délicieuse découverte malgré le sujet et sa vérité évidente

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