Fripouille et Flexy.

(Partie 3)

Fripouille avança maladroitement, salua la chartreuse d’une petite révérence un peu raide, puis l’accompagna sur la piste.

Scarlett sourit malicieusement :

— Voyez comme le hasard sait déjà marier les contrastes : le noir profond et le bleu-gris… Mystère et élégance réunis !

Scarlett, toute fière sur son pupitre, replongea la patte dans le vase des boules noires.

— Mes chers convives, place au suivant ! Le numéro est… 8 !

Lara leva haut la tête, sa robe de poils tricolores luisant sous les lumières. Son collier doré scintillait comme une médaille. Elle avança d’un pas assuré, son regard bleu océan jetant presque un défi à la salle entière.

Scarlett fit rouler la boule dorée entre ses griffes avant de l’annoncer :

— Et pour l’accompagner… la boule 2 !

Un grand chat ocicat bondit avec souplesse au centre de la salle. Son pelage tacheté rappelait un léopard miniature, ses yeux ambrés brillaient comme de l’or.

— Mesdames et messieurs, voici Opardy, murmura Scarlett d’une voix qui se voulait mystérieuse.

Le public siffla d’admiration. Lara esquissa un sourire malicieux : ce duo sauvage promettait des étincelles.

Scarlett, sans perdre de rythme, relança le tirage.

— Et maintenant… numéro 3 !

Kazie fit un petit pas en avant, son élégance naturelle adoucie par un sourire timide. Elle fit onduler sa queue comme pour se donner du courage.

— Et pour elle… le numéro 7 ! annonça Scarlett en brandissant la boule dorée.

Un majestueux chat norvégien s’avança, grand et solide, au pelage épais couleur crème tigrée. Il s’appelait Popcorns, et sa démarche tranquille contrastait avec son allure impressionnante. Ses yeux verts pétillaient d’humour.

— Voilà un duo de grâce et de puissance, lança Scarlett. Kazie et Popcorns ! La dentelle et la montagne, réunies sur la piste.

Sous les applaudissements et les roucoulements d’encouragements, Lara et Opardy d’un côté, Kazie et Popcorns de l’autre, rejoignirent les autres couples déjà formés.

La piste se remplissait peu à peu d’élégance et d’énergie, tandis que la musique reprenait un rythme enivrant.

Scarlett plongea la patte dans le vase noir et agita les boules avec un air de solennité.

— Et maintenant… numéro 4 !

Fripouille sentit son collier doré peser sur son cou. Son cœur battait si fort qu’il avait peur qu’on l’entende jusqu’aux loges des maîtres. Il fit un pas en avant, maladroit mais digne, les moustaches vibrantes comme des antennes de radio.

Scarlett tira ensuite une boule dorée et la leva bien haut.

— Et sa cavalière sera… numéro 6 !

Une silhouette élancée s’avança. Son pelage fin et ondulé brillait sous les lumières, comme un tissu de soie plissé. Ses grandes oreilles et ses yeux en amande donnaient à son visage une allure exotique, presque royale.

— Mesdames et messieurs, voici Fléxy, la Cornish Rex ! annonça Scarlett.

Un murmure d’admiration parcourut la salle. Fripouille, bouche entrouverte, la regarda s’approcher. Elle avait une démarche légère, souple, comme si ses pattes touchaient à peine le sol.

— Enchantée, dit Fléxy avec un sourire joueur, ses moustaches ondulant doucement.

Fripouille, les oreilles un peu roses, réussit à bredouiller :

— Euh… moi c’est Fripouille… Mais… appelle-moi Frip.

Scarlett claqua des griffes avec malice.

— Voilà un duo qui promet : la maladresse et la souplesse, le chaton nerveux et la déesse flexible. À vous deux, montrez-nous si l’équilibre existe vraiment !

Fripouille, tellement timide face à Fléxy, ne pouvait s’empêcher de jeter un coup d’œil à Kazie qui dansait élégamment avec le fameux Popcorns. Ses pas étaient précis, légers, comme portés par le vent, tandis que lui se sentait gauche, incapable de suivre le rythme. Il soupira, baissa un instant les yeux… quand il sentit le regard brûlant de Fléxy sur lui.

— Alors, Fripouille ! murmura-t-elle en s’approchant, sa voix douce résonnant comme une caresse. C’est ton premier bal, n’est-ce pas ? Ou peut-être ton second ? Moi, au premier… je m’étais tellement ennuyée. Mais ce soir, me voilà face à un bel gentleman noir. Tu me plais déjà énormément.

Fripouille sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Il voulut répondre mais ses mots s’étranglèrent. Il détourna le regard, comme à son habitude, incapable d’affronter cette intensité.

Fléxy fronça les moustaches, amusée, puis glissa sa queue sous son menton pour le forcer à relever la tête.

— Arrête de t’éloigner. Rapproche-toi. Regarde-moi. C’est moi que tu dois voir, pas la salle, pas les autres.

Fripouille obéit maladroitement, fit un pas en avant, trébucha presque, mais rattrapa son équilibre juste à temps. Fléxy ronronna doucement.

— Voilà… c’est mieux. Maintenant, bouge comme moi. Suis mes pas.

Elle fit un tour gracieux, sa silhouette élégante effleurant le pelage de Fripouille. Lui, crispé au début, finit par laisser ses pattes se caler sur le rythme, porté par la chaleur de sa partenaire.

— Voilà… parfait, souffla-t-elle en souriant. Maintenant, parle-moi. Dis-moi qui tu es.

Fripouille inspira.

— Eh bien… je… je ne suis pas grand-chose. Un petit chat noir qui essaie de trouver sa place. J’ai un grand frère de cœur, Zazou, il est en couple maintenant. Moi, je suis venu avec Kazie et sa sœur. Ce sont mes amies.

Fléxy arqua un sourcil, ses yeux pétillant d’un éclat malicieux.

— Des amies, tu dis ? Rare pour un mâle d’avoir des amies chattes. Tu es… différent.

Elle se dandina doucement contre lui, son parfum léger de jasmin flottant dans l’air.

— Bon… tu veux sûrement savoir des choses sur moi, non ?

Fripouille hocha timidement la tête, fasciné.

— Je suis issue d’une famille aimante et drôle, expliqua-t-elle. J’ai une sœur siamoise espiègle qui s’appelle Galaxie. Et je suis l’aînée, évidemment. J’aime écouter les bruits des effluves, sentir l’odeur du café de ma maîtresse Yvana, et m’endormir quand elle joue du piano…

Sa voix se fit plus tendre, presque un murmure :

— Mais ce que je préfère, ce sont ces instants-là. Quand je danse avec quelqu’un… et que le monde entier disparaît.

Fripouille sentit ses pattes s’embraser. Pour la première fois, il ne pensait plus à sa maladresse. Plus à Kazie. Plus à Zazou. Juste à elle.

— Viens, dit Fléxy en lui frôlant doucement la patte. Je vais te montrer mes maîtres. Allons sur le ponton, tu verras, on peut les observer à travers la grande vitre extérieure.

Fripouille, intrigué, la suivit. Deux silhouettes, un chien et une chatte déjà installés là, occupaient le coin, mais en les voyant approcher, ils se poussèrent avec un sourire complice. Fléxy et Fripouille sautèrent à leur place, leurs coussinets s’appuyant contre la rambarde fraîche.

— Regarde, fit-elle en pointant du museau. Là-bas… troisième personne à gauche, juste après ce monsieur en veste sombre. Tu vois ?

Fripouille plissa les yeux. Derrière la vitre, une femme blonde aux cheveux longs délicatement attachés, vêtue d’une robe crème pailletée, riait doucement.

— C’est ma maîtresse, Yvana, dit Fléxy avec une pointe de fierté. Et à ses côtés, son nouveau compagnon, Igor. Tu vois, avec son nœud papillon crème ? Il m’adore. Oh, regarde ! Il m’a vue !

Comme pour confirmer, Yvana eut un sourire tendre en jetant un regard vers la vitre. Igor inclina légèrement la tête, amusé, comme s’il devinait déjà qui était ce petit chat noir collé à Fléxy.

Fripouille sentit ses oreilles chauffer.

— Tu crois… qu’elle se demande qui je suis ?

— Je parie qu’elle t’adore déjà, répondit Fléxy en se blottissant légèrement contre lui. Regarde : ils éclatent de rire avec leurs convives, comme si la joie coulait jusque sur nous.

Fripouille sourit malgré lui. Ce monde lui paraissait soudain moins effrayant, comme s’il y avait une place pour lui, juste là, à côté d’elle.

Fléxy tourna la tête vers lui, ses yeux brillants.

— Et les tiens, Fripouille… ils sont où ?

Fripouille baissa un instant les yeux vers son reflet dans la vitre.

— J’en ai pas, murmura-t-il. Pas de maîtres… J’ai été recueilli par mon grand frère de cœur, Zazou.

Il esquissa un sourire en désignant du museau l’autre salle, derrière la grande vitre illuminée.

— Mais regarde, les maîtres de Kazie et Lara sont là-bas, en train de manger des gambas avec du riz.

Fléxy se figea, ses oreilles se baissant doucement.

— Oooh… je suis navrée, Fripouille. Et tes… tes anciens maîtres ? Tu les connais au moins ?

Le petit chat noir secoua doucement la tête.

— Pas vraiment. Ma sœur et moi… on avait été laissés dans une boîte à chaussures. Elle a été emmenée par un gars qui faisait du skateboard. Il avait l’air désolé, mais… il n’a pas ouvert pour nous prendre tous les deux. Et moi… je suis resté seul, jusqu’à ce que je rencontre Zazou, un soir, au bord de la Seine.

Il s’interrompit, sa gorge serrée. La lumière des lampadaires dansait dans ses yeux comme pour retenir une larme.

Fléxy le regarda avec une tendresse nouvelle, son museau s’approchant doucement du sien.

— Alors… Zazou a été ton ange gardien, souffla-t-elle. Et ce soir, peut-être que le destin a voulu que tu sois là, près de moi.

Fripouille sentit son cœur bondir, comme si ses anciennes blessures s’apaisaient sous ce simple murmure.

Fin de la partie 3.

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✍️ Le 19/09/25

📸 Leonardo.ai et Canva

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