Chapitre 24
En Panodyssey, puedes leer hasta 10 publicaciones al mes sin iniciar sesión. Disfruta de 9 articles más para descubrir este mes.
Para obtener acceso ilimitado, inicia sesión o crea una cuenta haciendo clic a continuación, ¡es gratis!
Inicar sesión
Chapitre 24
Il me fait une deuxième proposition.
– J’ai une carte duo illimitée, on pourrait aller ensemble au cinéma, non ? tente l’homme qui ne doute absolument de rien.
Pourquoi douterait-il ? Je mords à sa question et ne peux m’empêcher de répondre. Le sujet m’inspire visiblement. Sa flèche fait son effet sur ma carapace. Mon audace reprend le dessus sur le mutisme.
– On irait aussi avec votre femme ?
Je sonde mon vis-à-vis charmeur.
– Non, j’invite régulièrement ma voisine, elle est plus dispo et elle n’attend que ça.
Il a l’œil qui pétille. Je perçois comme un ourlet de provocation.
– Ma voisine est une vieille dame que je sors de temps à autre, lâche-t-il, content de son petit effet.
– J’espère que vous évitez les roulettes avec elle !
Je manœuvre l’ironie. Le terrain devient mouvant. J’aimerais en savoir davantage sur l’animal. Je déraille complètement. Ce n’est pas une rencontre de charme et pourtant je viens de rencontrer le charme personnifié. Je le sens capable de garder son sang-froid en plein ouragan, l’énergumène.
La petite lueur qui s’allume soudainement dans ses yeux trahit une forme de causticisme incroyable. Joueur me semble-t-il. Nous nous observons. Mes yeux dérapent et finissent par ricocher contre son regard. J’ai du mal à le regarder en face. J’espère qu’il ne lit pas dans les méandres de mes pensées sinon je fonce directement dans une voix de garage après avoir défoncé le butoir. Aucune chance de trouver une chaussure à mon pied avec trois enfants à charge, presque seule. Mon niveau de confiance en moi ne peut être plus bas. L’homme doit interpréter ce qu’il lit sur mon visage. D’un coup, il abat son masque mutin.
– J’ai trois enfants, trois garçons et vous ? demande cet homme d’une voix merveilleusement ingénue.
Je pense qu’il se moque de moi. Il ne peut pas avoir aussi trois garçons mais en même temps il ne sait pas que j’ai moi aussi trois garçons, une fameuse coïncidence alors !
– Incroyable, j’ai moi aussi trois garçons.
Je soupire à cette évocation.
– Et je suis divorcée, célibataire, inscrite sur Beethoc en tant qu’adhérente endormie. Je suis parfaitement inactive sexuellement parlant, en dépit de mes nombreux attraits physiques ! rajouté-je d’une traite pour compléter ma plaque d’immatriculation et laver toute ambiguïté.
Témérité spontanée des laconiques. Cette zébrure impromptue déstabilise l’homme que j’ai en face de moi. Il écarquille les yeux avant de partir d’un énorme éclat de rire. Le rire de l’homme déferle sur tous les consommateurs. Il inonde le moindre recoin poussiéreux de la salle. Les deux piliers de bars qui éclusent leur petit blanc, manquent de tomber.
– Vous avez de l’humour décidément ! J’adore, réussit à aligner l’homme entre deux quintes de fou rire.
– Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? Tout ce que je viens de dire est véridique, je n’invente rien ! appuyé-je, mon audace verbale à nouveau nichée dans son alcôve souterraine.
Je ne sais absolument plus sur quel pied danser. Ce goujat se moque et en plus il ne me croit pas. Je ne vois pas en quoi ce que je dis n’est pas crédible. Y en a marre, quand je joue carte sur table, on ne me croie pas. Ces tourments de communication me fatiguent. Quoi que je fasse, cela tourne à l’incompréhension, surtout avec les hommes.
– Je ne vous vois absolument pas mère de trois enfants mais ce n’est pas grave, on peut quand même s’entendre sur tout le reste ! dit-il, sûr de lui, clin d’œil mordant en rebord de visage.
Mon Dieu, que fais-je ici dans ce bouge ! Je n’arriverai donc jamais à comprendre la gent masculine. Je nous vois presque avec nos six garçons autour de la table, le barman amenant un par un les laits à la grenadine avec son air de jubilation. Lui aussi sort droit d’un film de Funès. Et cet homme qui ne croit pas en ma simple sincérité.
Je le regarde droit dans les yeux. Me lève, blessée jusqu’aux tréfonds de mon âme féminine et maternelle. Je sors sans un mot du café, altière, la démarche d’un canard sur talon presque aiguille.
Je l’entends crier :
– Attendez ! Où partez-vous comme ça ? Je ne connais même pas votre nom ! Au secours, arrêtez-la.
Le vieux tenancier certainement habitué à des scènes rocambolesques, ne bronche pas.
Sans me retourner et tout en continuant à me dandiner sur mes talons qui gîtent, j’écoute, mes yeux postés entre mes omoplates. L’homme a du oublier qu’il était monté sur roues, glissade, juron et re-chute sur le sol carrelé du café. Cette fois-ci, sans même esquisser un geste, je poursuis mon chemin avec la ferme intention de le laisser vaquer à son sort ophidien. Qu’il rampe, ce misérable ! Je me suis mise presque à nue devant lui et il ne réalise même pas l’authenticité unique de ce trésor. Qu’il aille au diable avec ses roues ! Je le vois bien traverser le Styx à roller, rouler sur l’eau à fleurs de morts et de vivants !
Les cascades de cet homme, un authentique tumulte sur roues.