Réorientation
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Réorientation
Les premiers jours. Je fais ma rentrée, je rencontre les gens qui sont seront dans ma promo. C’est plutôt sympa au début. Les premières semaines sont même très sympas. Le seul hic, c’est que je pige rien du tout aux cours de maths, que je ne tarde pas à sécher. C’est vrai que galérer à comprendre ce que dit le prof dans un amphi blindé et attendre que le temps passe en TD ça m’a vite gonflé. Mais ce n'est pas le plus grave, je dirai. Le vrai problème c’est qu’en dehors de l’algo, j’étais aussi à la ramasse en info.
Il faut aussi dire qu’à cette époque, je n’avais pas de logement sur Grenoble. Du coup, je squattais de temps en temps le canapé de mon frère ou je me tapais des allers/retours chez mes parents à environ 90 km de la FAC. Sois 180 bornes dans la journée et la circulation grenobloise le matin et le soir. C’était sympa pour être à l’heure à 8 h le matin. Je bossais le soir et le week-end pour gagner un peu d’argent. Ce n'était donc pas évident pour moi de travailler mes cours, surtout les matières qui me saoulaient.
Nouvel échec
J’ai fini par trouver un appart, ce qui m’a soulagé. Mais il y a toujours quelque chose qui ne passait pas à la FAC. Je n’arrivais pas à me sentir concerné. Pendant mes deux ans à Chambéry en Biologie, je trouvais que les profs étaient de vrais brutasses avec un niveau de dingue. Ils maîtrisaient leurs matières et étaient de très bons pédagogues. Mais à Grenoble, ce n’était pas du tout le cas (pour la plupart). Ils ne semblaient pas particulièrement concernés par leurs cours, et même pendant les TP ou les projets, on s’ennuyait ferme. C’est aussi à ce moment-là que ma mère tombe gravement malade. Je n’arrivais plus à dormir de peur d’être réveillé par un appel qui m’annoncerait une terrible nouvelle.
Pris entre la peur, la fatigue et la déprime, j’ai laissé tomber la FAC. Encore une fois. Je me suis donc retrouvé avec moi-même. Sans boulot, sans études… Sans perceptive.
Le Rebond
Au final, c’est certainement ce qu’il me fallait. Pour une fois, je n’avais plus de rythme imposé. Je pouvais décider de ce que je ferai de chaque moment de la journée. Je ne vous cache pas qu’au début, avec le moral en berne, j’ai passé pas mal de temps à glander. J’ai ensuite poncé tous les jeux vidéo du moment. Puis, un jour, je me suis réveillé. Je ne saurai pas l’expliquer, c’est comme si j’étais guérie de quelque chose et que j’en prenais soudainement conscience.
Je me suis donc remis à l’informatique. C’était ça qui me plaisait au fond. Mon problème ne venait pas du fait que j’étais mauvais. C’est juste que le système de la FAC ne me convenait pas. Je me suis donc mis dans l’idée de faire une formation à distance.
Je vous vois venir. Vous pensez certainement à OCR (Open ClassRooms) ou à une autre plateforme connue. Sauf que là, on est en 2007. OCR n’existe pas encore, il s’agit pour l’instant du site-du-zéro. Un site pas mal du tout pour suivre de tutoriel pour apprendre un langage. Mais vous n’obtenez aucune certification ni valorisation de ce que vous avez suivi. Je décide donc de prendre une formation qui propose une certification. Je choisis deux titres chez Educatel. Un avec la dénomination programmeur pour micro-informatique (je sais le titre fait très old school aujourd’hui.) et un de technicien de maintenant informatique. Ces formations sont assez chères. Il faut compter 7 000 € en tout sans aucune aide.
La formation se déroule assez simplement. Je reçois des manuels toutes les semaines ou toutes les deux semaines suivant les cours. Je dois potasser à mon rythme et retourner des feuillets d’exercices. Ces derniers sont corrigés par un prof et je reçois, quelques jours, plus tard la correction. Si mon exercice est validé, je peux avancer sur le cours suivant. Dans le cas contraire, je dois le refaire. À la fin de chaque formation, il y a un projet à réaliser et à retourner au professeur pour une évaluation complète. C’est ensuite lui qui décide si on obtient le titre ou non.
Imaginez que rien ne se faisait par Internet. J’envoyais mes exercices par la poste. Pour les projets j’ai dû imprimer des dossiers avec des centaines de pages de code source en Java, C et C++. Aujourd’hui, j’en rigole avec l’impression d’être un dinosaure tellement ces formations ont évoluées.
La révélation
Ces formations ne m’ont pas permis d’obtenir un emploi. Aujourd’hui, on entend souvent qu’un diplôme universitaire est exigé pour travailler en tant que développeur. Je peux vous dire qu’à l’époque, c’était indispensable, et même avec un BAC+2 ou BAC+3, c’était quasiment perdu d’avance.
À défaut, elles m’ont apporté plusieurs choses :
- Elles m’ont permis de trouver ma façon d’étudier et de travailler. Chez moi, j’étais mille fois plus performant pour assimiler quelque chose. Pendant les cours, j’avais l’impression de perde 8 h de ma vie par jours. J’ai pu comprendre les mécanismes qui marchent chez moi pour apprendre et comprendre. J’ai pu pratiquer à mon rythme sans pression en prenant bien le temps d’assimiler les concepts.
- Elles m’ont fait découvrir la joie de développer un programme. De pouvoir faire réaliser quelque chose à la machine. De voir son code compiler puis exécuté avec succès. C’est un plaisir qu’on ressent très rarement, je trouve.
- Elles m’ont redonné confiance en moi. Même si le titre ne valait rien sur le marché du travail cela constituait enfin un succès. Après tous les échecs que j’avais essuyés, ça m’a fait un bien fou.
Fort de ma confiance renouvelée et des connaissances que j’avais acquises, j’ai décidé de reprendre des études pour obtenir un diplôme. Le diplôme qui me permettrait de vivre de ma passion. Mais cette fois-ci hors de question de passer par la FAC.