

Chapitre 1
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Chapitre 1
Le calme étrange
Le soleil matinal caressait doucement sa peau, dessinant des mandalas lumineux derrière ses paupières closes. Des formes apparaissaient et disparaissaient au rythme du passage des nuages. Elle aurait pu les observer longtemps si ses narines n’avaient été saisies par une odeur autrement plus convaincante : celle du café.
Alice soupira. Son rituel quotidien - café et lecture.
Elle ouvrit à peine les yeux, tendit une main paresseuse et attrapa sa tasse fumante. Ici, sur ce balcon, dans ce fauteuil moelleux sauvé de l’Emmaüs, elle se sentait… elle-même. Pas besoin de jouer, pas besoin d’être efficace, inspirante, bienveillante, productive — ni même cohérente. Juste elle.
Première gorgée. L’amertume, un peu sucrée, tapissa sa langue. Puis la chaleur glissa doucement dans sa poitrine et descendit jusque dans son ventre. Elle aurait juré qu’on pouvait sentir le liquide s’infuser jusque dans le sang. Peut-être pas biologiquement parlant, mais symboliquement, oui. Totalement.
Elle resta là un moment, les yeux dans le vague, jusqu’à ce qu’un coin de sa rétine accroche un détail.
Le livre sur la table basse. Les Contes de la Roue de l’Année : Légendes et Symboles des Cycles Ancestraux.
Elle esquissa un sourire. Pris, au début, pour se divertir et fuir l'ennui, ce livre finit par lui coller à la peau. Littéralement : elle l’avait emporté partout, jusqu’aux toilettes, ce qui avait d’ailleurs failli le condamner à un accident aquatique. Elle n’en démordait pas, au point d’en connaître certains passages par cœur. Depuis, il reposait tranquillement sur son étagère. Mais, ce matin-là, Alice l’avait repris sans y penser. Et une drôle de sensation s’est étendue en elle. Pourquoi lui? Pourquoi maintenant? Que cherchait-elle au juste?
Des réponses. Elle cherchait des réponses. Et ce livre lui en a rapporté pas mal à l’époque.
Était-ce sous l’influence de cet ouvrage ou de la dose élevée des antalgiques, mais l’hiver dernier fut marqué par un rêve. Un rêve un peu trop net pour être innocent. Elle y avait rencontré deux êtres qu’on ne croise normalement que dans les vieux grimoires celtiques : le Roi Houx et le Roi Chêne. L’un sombre et râleur, l’autre doré et tranquille. Elle les avait vus s’affronter au cœur d’une clairière enneigée, entre deux flammes vives et des mots bien plus sages que dans tous les podcasts qu’elle avait écoutés.
Ce rêve-là avait changé bien des choses.
Bon, d’accord, la fracture de la cheville avait aussi beaucoup aidé. Une chute spectaculaire devant la boutique d’opticien — glissade, crack, ambulance, médocs, arrêt de travail. Et puis, soudain, plus de to-do list, plus d’obligations. Juste du temps. Pour respirer. Pour se poser. Pour écouter. Et pour explorer sa nouvelle passion - les traditions de la Roue de l’année.
Non, elle ne s’était pas mise à faire des rituels à la pleine lune avec un châle à franges et un bâton de sauge. Pas de coven, pas de secte, rien de tout ça. Juste… une reconnexion. À ses rythmes. À ses envies. À une forme de silence intérieur qu’elle n’avait pas entendu depuis des années.
Et ce silence, justement… revenait.
Mais pas le bon.
Depuis quelques jours, elle se sentait bizarre. Pas mal. Pas triste. Pas fatiguée. Juste… plate. Comme une mer sans vagues. Une eau lisse et fade. Le genre de calme qui n’apaise pas, mais inquiète.
Elle n’avait plus envie de lire. Ni d’écouter quoi que ce soit. Les sujets qui la passionnaient quelques semaines plus tôt — pleine conscience, bien être spirituel, la juste place dans le monde — lui donnaient maintenant l’impression d’avoir tout dit. Tout lu. Tout entendu. Plus de frissons, plus de curiosité. Juste un vide poli et silencieux.
Est-ce qu’elle avait atteint le plafond ? Ou peut-être l’overdose de développement personnel ?
Elle fronça les sourcils, la tasse encore chaude dans les mains.
Elle ne voulait pas revenir à son “ancienne vie” — courir dans tous les sens, organiser, contrôler. Mais ce calme-là ne ressemblait pas à une paix. Plutôt à un entre-deux. Un sas sans porte. Pas de douleur, pas de joie. Juste… rien.
Et pourtant, quelque chose grondait au fond. Une attente. Un doute. Une question sans mots.
— Mais qu’est-ce que c’est que cette moue? La voix sonore de Nadège arracha Alice de ses réflexions. Et réveilla au passage tous ceux qui somnolaient encore sur leurs balcons tout comme leur voisine de l’immeuble.
— Bonjour, Nadège! Moi aussi, je suis contente de te voir! répondit Alice avec un brin de sarcasme et beaucoup de sincérité.
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