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La fin du travail : naissance de l’humain contributif

La fin du travail : naissance de l’humain contributif

Published Nov 8, 2025 Updated Nov 8, 2025 Society
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La fin du travail : naissance de l’humain contributif

Le crépuscule d’un modèle

Pendant plus de deux siècles, le travail a été au cœur du pacte social. Au point qu’il a été institutionnalisé, érigé, comme support du développement sociétal dans les années 30, suite à la crise de 29. A ce moment-là seule une infime fraction de la population active avait un emploi. Il a s’agit de mettre en place un système où tout le monde devrait disposer de pouvoir d’achat et donc d’avoir un un revenu, par conséquent un salaire et donc un travail, un emploi. Son rôle était alors majeur, il assurait à la fois le revenu, l’identité et la place de chacun dans la société. C’est lui qui liait le citoyen à l’État par la cotisation, et l’individu à l’économie par le salaire. Il liait la production à la redistribution, la dignité à l’activité, et l’État au citoyen. Travailler, c’était non seulement produire, mais exister socialement. La devise républicaine « travail, famille, patrie » ou les slogans syndicaux « liberté, égalité, fraternité par le travail » traduisaient une même idée : la valeur d’un individu se mesurait à sa capacité à contribuer à l’effort collectif sous forme salariée. Mais ce modèle, né de la révolution industrielle, touche à sa fin. Non pas par déclin moral, mais parce que la machine économique qu’il a créée n’a plus besoin de cette forme d’énergie humaine.

Ce paradigme, hérité du 19ᵉ siècle, reposait sur une équation simple : l’effort humain était la source première de la richesse. Depuis plusieurs décennies, un phénomène profond se déploie dans toutes les sociétés industrialisées : le travail s’étiole. Les progrès techniques, la robotisation, la numérisation et l’intelligence artificielle réduisent peu à peu la part des tâches que l’être humain doit accomplir pour produire les biens et les services nécessaires à la vie collective. Ce mouvement, souvent interprété comme une menace pour l’emploi,



marque en réalité un changement d’époque. Depuis les années 1970, les gains de productivité liés à l’automatisation ont commencé à dépasser la croissance démographique et la demande solvable. L’économie peut produire toujours plus avec toujours moins de travail. Ce désajustement, d’abord invisible, a ouvert une fracture : d’un côté, une productivité exponentielle ; de l’autre, une masse salariale stagnante. Le moteur du capitalisme industriel s’est déréglé.


Nous sortons d’un cycle historique dans lequel le travail salarié constituait la base de l’organisation économique, de la redistribution sociale et du lien civique. Ce modèle, bâti au XIXᵉ siècle sur la révolution industrielle et prolongé par l’État social du 20ᵉ, atteint aujourd’hui sa limite structurelle. Non pas par défaillance morale ou politique, mais par obsolescence mécanique : la productivité technologique dépasse la capacité d’absorption du salariat. Face à cette mutation, les États industrialisés font un choix défensif : sauver l’emploi, même au prix de l’économie réelle. Plutôt que de repenser la distribution de la richesse produite par les machines, ils cherchent à préserver la structure sociale fondée sur le salaire. C’est le moment où le travail cesse d’être une nécessité productive pour devenir une fiction politique. Tout l’appareil étatique s’est mis au service de la préservation du travail salarié, quitte à créer de la dette pour financer la fiction du plein-emploi. Le 20ᵉ siècle s’est terminé dans ce paradoxe : plus on travaille, moins on produit de richesse réelle, et plus on s’endette pour faire semblant que tout continue.



L’humanité a toujours construit ses structures sociales autour du mode dominant de production : féodalité agraire, capitalisme industriel, puis société de services. A l’origine la société n’était donc que primaire (matière première, agriculture), le secteur secondaire, au travers de l’artisanat, n’a émergé que progressivement jusqu’à la révolution industrielle, le secteur secondaire, qui a pris le pas sur le secteur primaire. Le secteur tertiaire, les services, a également toujours existé, mais représentait la portion congrue de l’économie. Le travail se développant, induisant de la gestion de la ressource humaine et le progrès sociétal des besoins, les services se sont multipliés jusqu’au point où le secteur tertiaire a pris le pas à son tour sur le secteur secondaire. En 1970 l’agriculture représentait encore 6 % du PIB et l’industrie 30 %. Avec la diversification de l’économie grâce à sa tertiarisation, qui a dilué les parts, l’agriculture ne représente aujourd’hui plus que 2 % et l’industrie 10 %. La mutation en cours annonce une civilisation post-salariée, où la création de valeur n’est plus associée à l’emploi mais à la contribution, l’émergence du secteur quaternaire. Qui a également toujours existé, il y a toujours eu présence d’une économie ‘alternative’ au modèle dominant. Elle est désormais appelée à prendre le pas sur les précédents, dans l’ordre des choses, une évolution naturelle logique et souhaitable. Après la libération du corps par la machine, celle de l’esprit par l’automatisation ouvre enfin la voie à l’humain contributif.

De la prospérité à la dette : la mécanique d’un épuisement

La rupture s’amorce dans les années 1970. Entre 1945 et 1973, les « Trente Glorieuses » reposaient sur un contrat clair : croissance du PIB, hausse des salaires et protection sociale élargie. L’emploi structuré finançait tout : retraites, assurance maladie, chômage. Lorsque le choc pétrolier et la libéralisation monétaire brisent ce cycle, la mécanique s’enraye. Jusqu’alors, la croissance s’appuyait sur un modèle linéaire : travail → production → consommation → emploi. Mais l’automatisation et la mondialisation modifient la donne : la production devient moins intensive en main-d’œuvre. Pour maintenir le plein-emploi, les États occidentaux recourent à un artifice : la dépense publique compensatoire. Entre 1971 et 1986, la France illustre ce basculement. La suspension de la convertibilité or-dollar en 1971 libère l’émission monétaire. Le Serpent Monétaire Européen interdit aux Etats d’emprunter à leur banque centrale. Quelque chose qui est également inscrit dans la 5e Constitution de 1958, traduit dans la loi de 73. Pour contourner le SME Valéry Giscard d’Estaing, d’abord Ministre de l’Économie de Pompidou puis président, met alors en place un système consistant à contraindre les banques commerciales à se porter acquéreuses des obligations d’Etat.

Un système repris par Mitterrand en 1981 qui perdurera jusqu’à la première cohabitation où l’opposition de droite, revenue à la majorité aux législatives de 1986, s’oppose à la loi de finance, mettant fin à l’inflation. Le franc a perdu plus de 80 % de sa valeur durant ces quinze ans sous l’effet de l’inflation, passant de 4 francs français pour 1 franc suisse en 1971 à exactement le contraire en 1986. Durant cette période, pour maintenir l’activité, l’État s’endette auprès de la Banque de France. L’économie entre dans un régime de financement du travail par la dette. Mitterrand se retrouvant alors privé de financement par cette possibilité se trouve contraint de se tourner vers le marché. De cette période à aujourd’hui, la dette publique doublera environ tous les 10 à 15 ans.



Ce n’est pas la conséquence d’une explosion des services publics, mais de la volonté politique de maintenir le plein-emploi. On favorise alors de plus en plus le capital pour protéger l’entreprise, au titre de l’emploi au détriment du salarié de plus en plus contraint. Chaque plan de relance, chaque réduction d’impôt, chaque dispositif d’aide à l’embauche n’est qu’un moyen de soutenir une structure salariale qui ne correspond plus à la productivité réelle. Ce mécanisme, devenu structurel, consiste à substituer le crédit à la création de valeur. L’emploi devient une variable budgétaire : on crée des postes, on subventionne des secteurs, on multiplie les dispositifs d’aide, que les actionnaires se partagent goulûment se surenrichissant au gré que la société s’enfonce dans la crise. L’inégalité se rapproche de ce qu’elle connaissait avant le début du cycle. Au point qu’en seulement 30 ans la fortune des plus riches est multipliée par presque 14. Celle des 500 plus riches français passe de 6 % du PIB à plus de 42 %. L’économie s’est financiarisée jusqu’à la fracture entre le sommet et les plus basses couches que nous connaissons aujourd’hui.


L’obsession du plein-emploi entraîne une complexification artificielle : normes, contrôles, procédures, “plans d’insertion”. Une partie croissante de l’activité économique sert à entretenir la machine administrative elle-même. Ce n’est que la manifestation visible de cette fuite en avant. Pour maintenir le plein emploi malgré la baisse de la productivité humaine face à la productivité des machines, les sociétés ont ajouté des couches de complexité. Les réglementations, les dispositifs d’aides, les contrôles et les obligations se sont multipliés. Chaque réforme, présentée comme une mesure sociale, visait en réalité à préserver la quantité d’emplois, même au prix de leur utilité et quittes à en dégrader constamment la qualité, menant à ce que le revenu médian et le SMIC se rapprochent insensiblement faisant que le salaire permet de moins en moins de financer le système social qui en dépend.


Ainsi, des millions de tâches ont été inventées pour occuper, vérifier, contrôler, normaliser. Ce que David Graeber a nommé les bullshit jobs n’est pas une caricature mais un symptôme : nous avons créé du travail pour que le travail existe. Cette inflation bureaucratique, censée garantir la cohésion, a produit l’effet inverse : rigidité, coût, perte de sens. Ce coût onéreux de la gestion d’entreprise ampute les salaires d’autant, les frais de gestion sont autant d’argent indisponible pour la masse productive de l’entreprise. Ce qui rend l’embauche compliquée les salaires étant systématiquement plusieurs centaines d’euros en-dessous du minimum correspondant à l’acceptable pour chaque secteur.

Le résultat macroéconomique est connu : les salaires stagnent, les petites entreprises disparaissent sous la charge administrative, les inégalités se creusent. Pour financer cet édifice, les États se sont endettés. Depuis les années 1970, la dette publique croît plus vite que le PIB dans la plupart des économies avancées, essentiellement pour soutenir la masse salariale et le pouvoir d’achat. Ce décalage crée une économie hybride : la richesse productive provient des machines et des technologies, tandis que la richesse distribuée dépend d’un travail humain de plus en plus artificiel. Le système s’endette pour financer du travail devenu économiquement inutile, simplement parce qu’il reste socialement nécessaire. Nous avons choisi de préserver l’emploi plutôt que d’adapter le système, issu du modèle économique du 20e siècle, à sa disparition naturelle et souhaitable, pourtant signe que les conséquences attendues se sont produites.

L’idéologie du travail : une religion séculière

L’emploi est devenu une fin en soi. Pourtant, l’économie moderne n’a plus besoin de tous pour produire. La société industrielle, qui valorisait la sueur comme mesure de la dignité, se retrouve confrontée à sa réussite : avoir aboli la nécessité du travail humain. Dans la modernité occidentale, l’emploi a remplacé la religion comme repère moral. Être sans travail, c’est être sans statut. Le chômage est vécu comme une faute personnelle, non comme la conséquence d’une évolution structurelle. Or, la société industrielle a réussi sa promesse : libérer l’homme de la nécessité. L’erreur est d’avoir continué à fonder la dignité sur la contrainte. C’est ainsi qu’au XXIᵉ siècle, les pays les plus riches connaissent simultanément surmenage et exclusion. Les cadres s’épuisent, les jeunes se découragent, les seniors sont écartés. Cette contradiction engendre des pathologies collectives : burn-out, dépression, perte de sens, précarisation, exclusion. Le travail, censé donner une identité, la détruit par son excès de contrainte ou son absence. L’État social tente de corriger en redistribuant, mais ses instruments – assurance chômage, retraites, allocations – sont construits sur la même base : le salariat. Quand l’emploi se raréfie, c’est toute la structure de redistribution qui vacille.


Les politiques publiques aggravent cette tension : l’âge de la retraite recule parce que moins de travailleurs financent davantage d’inactifs. Mais c’est l’architecture du modèle qui est obsolète : un système de cotisations proportionnelles à un facteur – le travail – qui se raréfie mécaniquement. De moins en moins de contributeurs de moins en moins rémunérés qui cotisent de plus en plus voyant leur pouvoir d’achat s’amoindrir, ralentissant l’économie qui peine à financer son modèle social et se réfugie dans le modèle du travail, aggravant la dette. Tant que l’on ne dissociera pas la protection sociale de l’emploi, chaque réforme sera un pansement sur un modèle à bout de souffle. Ainsi, le débat sur l’âge de la retraite n’est qu’un symptôme. Retarder l’âge légal ne résout rien : il prolonge artificiellement la présence dans un système qui ne génère plus de valeur suffisante. Le financement des pensions par les actifs devient intenable dès lors que la population active se contracte. Ce n’est pas la démographie qui pose problème, mais la persistance d’un modèle hérité du 19ᵉ siècle dans une économie automatisée du 21ᵉ.


Le progrès technique : libération ou impasse ?

Chaque révolution technologique a déplacé la frontière entre l’homme et la machine. La vapeur a libéré la force physique, l’électricité a libéré le temps, l’informatique libère aujourd’hui l’esprit. L’intelligence artificielle franchit un seuil : elle automatise la décision répétitive et le raisonnement normé. L’industrie se décentralise ; une imprimante 3D suffit à produire localement ce qui exigeait hier une chaîne industrielle. Or, le capitalisme industriel reposait sur la rareté : sans travail humain ni coût marginal, la valeur marchande fondement du salariat s’évapore. Mais au lieu de voir dans cette libération une chance, nous la vivons comme une menace, car notre organisation sociale reste fondée sur la dépendance au travail. Le coût marginal de production disparaît : produire un logiciel, un modèle 3D, un texte, un diagnostic médical ne coûte presque plus rien, ce qui implique qu’il n’y a plus de bénéfice à partager. Le coût marginal, c’est-à-dire le coût de production d’une unité supplémentaire, l’élément essentiel de la valeur ajoutée, tend vers zéro — non parce que tout est gratuit, mais parce que la technologie absorbe la majeure partie du travail humain. C’est le cœur même du capitalisme industriel – la transformation du travail en valeur marchande – qui se dissout.

Le capitalisme ne s’effondre pas : il s’accomplit. Il a atteint son objectif ultime : rendre le travail humain économiquement marginal. En supprimant le besoin de travail, il réalise son but originel : produire toujours plus efficacement. La conséquence est paradoxale : le travail disparaît non parce que l’économie va mal, mais parce qu’elle a trop bien réussi. Le progrès technique a accompli la promesse de libérer l’homme de la nécessité. Reste à réorganiser la société autour de ce nouvel état de fait : non plus distribuer la richesse par le travail, mais distribuer le travail par la richesse.

Le prix de la résistance : croissance sans valeur

Pour retarder l’inéluctable, les sociétés ont entretenu artificiellement la production. Pour retarder ce basculement, les nations ont surproduit. La croissance quantitative a remplacé la croissance qualitative. Des millions d’emplois ont été créés pour gérer, vérifier, contrôler la production des autres. Les fonctions administratives ont explosé ; le tertiaire hypertrophié est devenu l’asile du salariat. On a multiplié les biens jetables, accéléré les cycles, saturé les marchés. Ce que l’on a appelé “hausse de productivité” fut souvent une fuite en avant productiviste : produire toujours plus pour employer toujours autant. Le résultat : une croissance quantitative dépourvue de valeur qualitative, une inflation de ressources consommées et un appauvrissement des travailleurs. La mondialisation a amplifié ce mouvement : délocalisations, dumping social, financiarisation. L’économie mondiale s’est mise au service de la rentabilité du capital, non du bien-être collectif.

Ce « plein-emploi » artificiel a un coût écologique et social colossal. La planète paye la facture : surconsommation, pollution, épuisement des sols, destruction de la biodiversité. La soi-disant productivité du travail n’était que la productivité des machines ; l’humain n’y gagnait que l’aliénation. La crise écologique est le revers de cette stratégie. L’exploitation des ressources, l’accumulation de déchets, la pollution de masse découlent directement du maintien du travail comme impératif économique. Nous avons sacrifié l’équilibre environnemental pour préserver la mécanique du salariat. Ce n’est pas la croissance qui pollue, elle n’est qu’un flux, une valeur, elle repose sur ce que la société valorise, mais l’emploi, qui implique de ravager la planète si tout le monde doit en avoir un.

Vers une société post-salariale

La mutation n’est pas une option, c’est une trajectoire. Le salariat de masse régresse mécaniquement. De nouveaux statuts émergent : indépendants, coopérateurs, auto-entrepreneurs, contributeurs de plateformes, bénévoles institutionnalisés. Ces formes ne sont pas des anomalies ; elles sont les prémices d’un nouvel ordre productif. Le passage à la société post-salariale ne relève plus de l’utopie : il est déjà en cours. Le salariat de masse, fondement du compromis social du XXᵉ siècle, cède la place à des formes éclatées d’activité : indépendants, freelances, plateformes, tiers-secteur. Mais ces mutations restent bridées par le cadre fiscal et social hérité du monde du travail. Il faut accepter que le travail – au sens d’activité contrainte pour subsister – n’est plus le centre de gravité de l’économie. Le moteur n’est plus l’emploi mais la contribution. L’activité humaine se redéploie là où la machine reste incompétente : empathie, créativité, jugement éthique, sens du collectif.



Ce qu’on appelait autrefois « travail immatériel » devient le cœur de l’économie. L’emploi devient une modalité parmi d’autres de la participation sociale. Ce que remplace le travail, c’est la contribution : la mise en œuvre libre de ses compétences, de son temps et de sa créativité au service d’un projet collectif. Mais pour que cette transition réussisse, il faut briser le lien entre survie et emploi. Tant que vivre dépendra d’un salaire, la liberté restera illusoire. C’est ici qu’intervient la réforme du revenu. L’activité contributive n’est pas un loisir déguisé : c’est une nouvelle forme de production de valeur. Le savoir, la culture, la recherche, la médiation sociale, la transition écologique, la santé, la transmission… toutes ces dimensions, longtemps périphériques, deviennent centrales. L’économie de demain repose sur la pertinence humaine, non sur la quantité d’heures travaillées.

Le revenu garanti : une réforme de civilisation

Pour que cette mutation soit viable, il faut détacher la survie matérielle du travail. Le revenu garanti tripartite répond à cette nécessité. Il ne s’agit pas d’une aide, mais d’un droit structurel, le socle d’une nouvelle redistribution.


  1. Le revenu universel : Une somme mensuelle, versée à chacun, en monnaie locale complémentaire donnant du pouvoir citoyen sur la monnaie, pour soutenir l’économie de proximité.
  2. Le revenu de base : modulé par un impôt négatif en proportion du revenu de chacun, qui se substitue aux aides sociales conditionnelles.
  3. Le revenu contributif : rémunération de la participation sociétale – innovation, culture, écologie, savoir.


Ce dispositif simplifie l’État social, élimine la bureaucratie d’assistance et redonne à chacun la liberté de s’employer là où il se sent utile. La dignité cesse d’être conditionnée à l’emploi ; elle découle de la citoyenneté. Il rétablit la confiance entre l’État et le citoyen : la dignité ne dépend plus de la conformité à une norme salariale.


Loin d’encourager la passivité, ce système libère l’énergie créatrice. L’expérience historique montre que la sécurité économique favorise la créativité. Les sociétés où les besoins de base sont garantis innovent davantage. La peur de la misère paralyse plus sûrement que la paresse. Une société où chacun dispose d’un socle matériel stable devient plus entreprenante, plus innovante, plus équilibrée. Le revenu garanti n’est pas un coût ; c’est un investissement dans la liberté productive.

L’investissement citoyen : l’Action Mutuelle d’Investissement (AMI)

Pour alimenter cette économie contributive, il faut une source de capital alignée sur le bien commun. Une économie contributive ne peut reposer sur la seule dépense publique. Elle doit s’appuyer sur un mécanisme d’investissement démocratique. L’AMI – Action Mutuelle d’Investissement – offre ce levier. L’AMI est une structure coopérative émettant des quotes-parts accessibles à tous. Ces apports servent de levier pour le crédit bancaire, mais les bénéfices sont réinvestis localement. La gouvernance est égalitaire : un membre, une voix.

Principe : L’AMI émet des quote-parts accessibles aux citoyens. L’épargne ainsi collectée constitue un fonds de garantie ouvrant sur un effet de levier auprès d’organismes concessionnaires disposant du pouvoir de création monétaire. Chaque projet peut alors être financé par des quotes-parts grevées d’un intérêt que le projet rachète à son gré et selon ses capacités. Ainsi, le capital cesse d’être un instrument de rente ; il devient un outil de participation. L’épargne populaire finance directement l’économie réelle. Le citoyen n’est plus simple consommateur ni simple contribuable : il devient co-investisseur dans la société qu’il habite.



L’AMI incarne la jonction entre le capitalisme abouti et le contributisme naissant : la richesse reste collective, mais son orientation devient démocratique. Ce modèle complète la banque classique : l’épargne citoyenne sert à financer les projets sociétaux, culturels, environnementaux, entrepreneuriaux à impact. L’AMI transforme l’économie de marché en économie de participation. Ainsi se clôt la boucle : après la nationalisation du travail par l’État et sa privatisation par le capital, vient sa socialisation démocratique par la contribution.


Le revenu garanti et l’Action Mutuelle d’Investissement (AMI) forment ensemble la base financière du contributisme, mais ils n’agissent pas sur le même plan. Le premier relève de la redistribution des flux : il assure la circulation équitable du pouvoir d’achat, stabilise la demande et garantit à chacun une sécurité matérielle. Le second agit sur les stocks de capital : il transforme l’épargne en investissement collectif, réinjecte la richesse accumulée dans le cycle réel et démocratise la propriété productive, favorisant la constitution d’épargne patrimoniale. Ainsi, le revenu garanti libère le temps, tandis que l’AMI donne à ce temps libéré un levier économique. L’un soutient la vie quotidienne, l’autre prépare la prospérité commune. Ensemble, ils réconcilient la production et la participation.

Une croissance régénérative

Libérée de la contrainte du plein-emploi, l’économie peut enfin évoluer vers une croissance qualitative. Produire moins, mais mieux, plus écologique, remplacer la quantité par la durabilité. La technologie, loin d’être ennemie de l’écologie, en devient l’instrument pour une économie circulaire et symbiotique : circuits courts, matériaux biosourcés, production additive, recyclage à la source. Ce changement de paradigme n’est pas une décroissance, mais une mutation de la valeur. Cette économie régénérative redéfinit la croissance. Le PIB n’est plus la mesure pertinente. Ce qui compte, c’est l’amélioration du bien-être collectif, la restauration des écosystèmes, la diffusion du savoir.


La production automatisée garantit l’abondance matérielle. L’humain, libéré, se concentre sur les dimensions à forte intensité cognitive et relationnelle. L’innovation n’est plus réservée aux entreprises : elle émerge du tissu contributif, soutenu par le revenu garanti et financé par l’AMI. La machine produit l’abondance matérielle ; l’humain contribue à la prospérité immatérielle. Ensemble, ils composent une économie symbiotique où la valeur se régénère au lieu de s’épuiser. Cette dynamique crée une économie régénérative : les ressources naturelles sont restaurées, la cohésion sociale renforcée, la culture et le savoir deviennent moteurs de prospérité. La croissance cesse d’être un chiffre ; elle redevient un projet collectif.

Le tournant civilisationnel

L’abandon du travail comme base de la société n’est pas une crise ; c’est un tournant civilisationnel. Comme la fin du féodalisme au XVIᵉ siècle, cette transition provoque résistances et inquiétudes. Les structures politiques, fiscales et symboliques reposent encore sur la valeur travail. Pourtant, la logique interne de l’économie rend ce changement irréversible. Nous vivons un moment analogue à la fin du féodalisme. Au XVe siècle, la propriété terrienne cède la place au capital industriel. Au XXIᵉ, c’est le travail salarié qui cède devant la contribution. Chaque transition de ce type bouleverse les structures politiques et mentales. Les résistances sont fortes : syndicats, partis, administrations défendent un modèle dont dépend leur légitimité. Mais la logique économique est plus puissante que la politique. Quand une structure devient inefficace, elle disparaît.



Les vingt prochaines années verront s’effondrer les repères hérités du salariat : retraites par répartition, sécurité sociale conditionnelle, impôt sur le revenu lié à l’emploi. Ces mécanismes seront remplacés par des flux directs de redistribution, adossés à la création monétaire et à la participation citoyenne. La question n’est plus économique, mais politique : saura-t-elle se gouverner sans dépendre du travail ? La convergence de l’intelligence artificielle, de la conscience écologique et de la maturité démocratique ouvre une ère nouvelle. Pour la première fois, l’humanité dispose des moyens techniques de sa propre libération. La question n’est plus « que faire des chômeurs ? » mais « que faire de la liberté retrouvée ? ».

Naissance de l’humain contributif

La fin du travail n’est pas la fin de l’homme ; c’en est la libération.

L’humain contributif n’est plus défini par son poste, mais par son apport à la société. Il n’est plus un rouage d’une machine, mais un maillon conscient d’un organisme collectif, l’aboutissement logique de cinq siècles d’émancipation. Après avoir libéré la force physique, l’électricité, l’informatique et l’automation libèrent désormais le temps et l’esprit. Le travail, jadis instrument d’élévation, devient obstacle à l’accomplissement. Les fonctions véritablement humaines – soigner, enseigner, créer, transmettre, comprendre – retrouvent leur valeur. L’économie se simplifie, la bureaucratie se résorbe, l’inégalité structurelle s’efface avec la hiérarchie salariale. Le temps libre cesse d’être du “non-travail” ; il devient espace d’initiative.



Ainsi se clôt le cycle du capitalisme industriel : après avoir libéré l’homme de la peine physique, il le libère de la contrainte économique. L’automatisation et l’intelligence artificielle achèvent la tâche commencée par la machine à vapeur. Dans cette nouvelle société, chacun peut s’employer librement à ce qui a du sens : apprendre, transmettre, soigner, créer, protéger. L’emploi n’est plus le critère de la valeur sociale, mais une modalité parmi d’autres de la contribution. Nous entrons dans une ère où la richesse ne se mesure plus à la somme des heures, mais à la qualité des contributions. L’humain contributif est l’héritier de toutes les révolutions précédentes : il en est l’aboutissement logique.


La fin du travail marque le commencement d’une civilisation où la technologie n’asservit plus, mais sert ; où la prospérité ne se paie plus d’inégalités, mais se partage par la participation ; où l’économie redevient un moyen et non une fin. La richesse cesse d’être accaparée ; elle circule. La machine ne remplace pas l’homme : elle le complète. C’est la naissance de l’humain contributif – l’étape suivante de l’histoire humaine, le moment où la société cesse d’exploiter l’homme pour le laisser enfin s’accomplir. La fin du travail n’est pas la fin du monde, mais le commencement d’un monde humain.

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