Être journaliste aujourd’hui : un métier en danger ?
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Être journaliste aujourd’hui : un métier en danger ?
Revenus en baisse, petits boulots en extra, précarité : les conditions d’exercice du métier de journaliste se dégradent. D’abord reporter de politique étrangère à Antenne 2 puis directeur général adjoint en charge de l’information de France 3, mais également créateur d’Envoyé Spécial en 1990, Paul Nahon nous aide à mieux comprendre l’état actuel de la profession.
© Capture d'écran BFM TV
L’ informatique permet aujourd’hui à n’importe qui de s’exprimer sur Internet. Selon une récente étude menée par We are social, on dénombre, sur la totalité de la population mondiale, plus de 50% d’internautes. Certains d’entre eux n’hésitent pas à s’en servir pour publier des articles concernant l’actualité, notamment grâce à des blogs et des publications sur les réseaux sociaux. Croyez-vous que ce phénomène relativement nouveau est une menace pour le métier de journaliste ?
Les blogs et l’utilisation des réseaux sociaux sont une autre façon de travailler. S’agissant des simples citoyens qui postent des articles et vidéos, tout le travail d’enquête est mis de côté. Pour les journalistes, il s’agit de vérifier la véracité des faits et dénoncer les éventuels mensonges.
L’essor des médias sur le web est aujourd’hui considérable. Pensez-vous que l'on risque de voir la presse écrite papier disparaître à cause de la multiplication des contenus numériques ?
Je ne le pense pas, mais il faut que le papier fasse sa révolution. Il est d’ailleurs en train de la faire. Le problème est effectivement l’arrivée d’Internet. Aujourd’hui, on peut lire Le Monde ou Libération gratuitement sur le web. De plus, les journaux sont très chers. L’audience de la presse écrite est par conséquent en train de diminuer chaque jour un peu plus. Il y a malheureusement moins de publicité, surtout présente sur Internet et les chaînes de télévision. Il existe cependant un contre-exemple, celui du New York Times qui a déjà effectué sa révolution. Il ne coûte qu’un peu plus d’un 1 euro et son chiffre d’affaires reste stable.
Les conditions ont donc changé. Qu’en est-il pour la télévision ?
C’est contradictoire dans la mesure où par rapport à il y a une trentaine d’années, il n’y avait que trois chaînes de télévision. Aujourd’hui, sur la TNT, il en y a 27. Il y a donc actuellement du travail pour les animateurs et journalistes. Néanmoins, il y a une crise économique dans tous les médias (télé, radio, presse écrite) à cause d’Internet et des nouveaux modes de consommation de la télévision et du papier. Il y a par conséquent une sorte de précarité qui est en train de s’installer dans ce métier. Les journalistes sont de moins en moins payés et on leur demande toujours plus. Chez BFM-TV par exemple, ils partent, filment, enregistrent le son, montent et font le commentaire seuls. Le journaliste doit être un véritable chef d’orchestre. Avant, nous partions sur les lieux de tournage avec un cadreur, un preneur de son, un éclairagiste et restions généralement entre deux et trois se- maines, que cela soit en France ou à l’étranger. Aujourd’hui, c’est trois jours maximum pour un reportage.
Le journalisme est une profession dont la liberté est réduite dans certains pays. En France, existe-t-il de la censure dans certains cas ?
Aucune. Tout le monde dit vraiment ce qu’il veut, dans les règles du journalisme néanmoins, à savoir l’objectivité, l’indépendance, le pluralisme et la vérification des sources. La liberté d’expression est totale. De plus, aujourd’hui, tout se sait avec Internet et les réseaux sociaux.
Comment est perçue la presse française à l’étranger ? Est-elle enviée ?
On lit très peu la presse écrite française à l’étranger. Pour une raison bien simple ; 90% du monde dans ce milieu parle anglais et/ou espagnol, presque jamais le français. Pour ce qui est de la presse télévisuelle, nous sommes plutôt bien perçus. Nous avons moins de moyens que les Américains ou les Anglais, mais nous n’avons pas à rougir de nos investigations, je pense notamment à Cash Investigation avec Élise Lucet. On ne nous envie pas dans les régimes démocratiques où il existe une grande variété de journaux et de chaînes de télévision et de radio. Pour les dictatures, les médias sont contrôlés par le pouvoir. C’est le cas en Russie, en Turquie, et dans certains pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Pour en avoir rencontré quelques-uns, les journalistes de ces pays sont très malheureux et se plaignent beaucoup. Certains voudraient s’installer dans les régimes démocratiques, mais il faut pour cela beaucoup d’argent, ce qui n’est souvent pas le cas pour eux.
Vous avez enseigné à l’ESJ Paris. Pensez-vous que les écoles de journalisme sont aujourd’hui des formations nécessaires pour exercer le métier ?
Quand j’ai commencé en 1973 chez RMC, ce n’était pas obligatoire. Aujourd’hui c’est le cas. Toutes les chaînes audiovisuelles et les journaux recrutent des étudiants du CELSA, des IUT de journalisme comme ceux Strasbourg et Bordeaux par exemple, ou des grandes écoles comme l’ESJ à Paris et à Lille.
Quels problèmes peut-on rencontrer en étant issu d’une école non reconnue ?
Le principal inconvénient des écoles non reconnues, ce sont les difficultés, pour les étudiants qui en sortent, à s’insérer sur le marché du travail. Les grands médias nationaux les « boudent » encore. En réalité, le tarif des ces écoles privées, souvent très élevés, interroge sur la qualité des formations.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune journaliste ?
Il faut être extrêmement curieux, lire un maximum de choses et pas seulement sur Internet, aller au théâtre, au cinéma, avoir donc une culture générale incroyable, et maîtriser l’anglais parfaitement. Pour ma part, j’ai reçu beaucoup de stagiaires et j’ai tout de suite vu dans leur oeil s’ils aspiraient à devenir un bon journaliste.
Propos recueillis par Victor Joly le 01/09/2019