L'Underwood
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L'Underwood
J'ai pas cherché mais j’ai trouvé, le point final.
Tout est plié.
Tout est vidé du moindre sens,
il n'y a plus ni matière ni substance.
Silence,
la sentence est tombée,
l’injustice a tranché.
Sur l’échafaud vont les années,
perdre leur tête dans le panier.
Embrumé par la fumante tasse,
las,
j'en ai marre du café.
Plongé dans l'ombre, je laisse ma place,
assez de me voir tournoyer.
Oui l'onde est sombre comme le monde,
pas même une loupiotte à la ronde.
Alors je tourne et tourne encore,
le corps raccord avec la mort-
-telle l’agonie sans raison,
seul le tournis pour horizon,
au-dessus du vaste océan
de caféine me stimulant
le peu qu'il me reste de ma muse.
Au fond de ma mémoire confuse
j'ai plus de vers, d'imaginaire,
me voici donc sur Terre, à terre.
Et à présent que je me nique,
pour le tragique du générique,
les doigts sur les touches rugueuses
de l'Underwood poussiéreuse.
Articulations craquantes,
inspiration vieillissante.
Les mots sur fond de feuilles blanches
ôtent leurs habits du dimanche.
Je jette un regard par la fenêtre,
le ciel est noir et ça n’inquiète
pas tant le triste contemporain
qui ne contemple que son rien
dans le miroir des vaniteux,
dans l’illusoire des reflets creux
de sa petite vie numérique.
Les étoiles de la toile se fabriquent.
J’ai rien demandé mais je l’ai eu,
tout est fini.
Tout est foutu.
Je n’ai plus guère de souvenances,
à peine quelques réminiscences.
Bribes d'images, de paysages,
mais peu de noms sur les visages
de ceux qui, le temps d'un café,
viennent tournoyer à mes côtés.
Diamant sur microsillons,
danse la plume sur des chansons
d'une époque d’exigences,
du temps où les mots faisaient sens.
« Avec le temps va tout s'en va ! »
Morts, les poètes. Sur les ondes
des petits chanteurs en bois
s'en vont pisser sur leurs tombes.
Mais je radote comme ils me disent,
quand mes loupiottes jouent la tamise,
que sans lumière je vais traîner
dans mes artères, mes rues pavées
d’embuches et de passages à vide,
de sans issue et de sordides…
Dans ma vieille ville j’perds mes repères,
moi le sénile, le grabataire,
depuis que je suis sans mémoire.
J’me saigne les doigts sur les touches noires
tous les matins, et tous les soirs,
j’frappe le ruban dans mon plumard.
J’écris les noms et les grandes lignes,
et tente en vain de rester digne.
Tenir la pose, garder la prose
sur mon Underwood morose.
Je jette un œil par la fenêtre,
le ciel est noir et ça m’inquiète
pas tant que ça,
j’ai oublié ce qui pouvait bien m’effrayer.
Dans le miroir, y a un vieillard
qui continue sans le savoir
d’espérer, quoi qu’il advienne,
que, de lui, l’on se souvienne.
Parce que l’oubli est un tombeau,
un bout du monde où les bateaux
quittent la mer pour n’être plus
qu’un vague sentiment de déjà-vu,
qu’une impression de reconnaître
sur quelques photos obsolètes
comme les étoiles, les poètes
et l’Underwood désuète.
Auteur, compositeur, interprète, guitare/piano et montage vidéo : Oren le conteur
Texte à retrouver dans "Nous n'irons plus voir la mer"
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Aline Gendre 5 months ago
Animation : vrai travail de fourmis ! Et une voix (re)connue à la toute fin. " quand [les] loupiotes jouent la tamise ..."❤️
Oren Le Conteur 5 months ago
🙏🏻🌹