Avant de te coucher tu défais tes cheveux

Tu regardes la glace et après tes pupilles

Tu vois ton âme lasse. Et tes chagrins nerveux

Font fondre en larmes tes yeux de petite fille.

Tu dénoues tes rubans que tu ranges à côté

D’autres colifichets dans ta boite à bijoux.

Tu aimes les toucher, les prendre avec doigté

Pour sécher les diamants qui roulent sur ta joue

Tu t’assieds sur ton lit, à la table de nuit

Dans le coffret de buis tu sors de son étui

La petite clé d’or qui ouvre avec un « click »

Le couvercle et les bords de la boite à musique

Tu caresses les ors du coffret ouvragé

Et à travers tes pleurs tu fais tourner la clé

Et dis dans un frisson au rouage hermétique

« Chante moi ma chanson et joue moi ma musique »

Allongée sur le lit dans la chambre glacée

Et seule dans la nuit tu entends les reliques

Qui semblent s’égoutter d’une coque cassée

Pour te faire écouter leur refrain mécanique

Et leur crissement fou grinçant comme un ressort

Comme un cri de coucou qui rentre et qui ressort

Ou les notes gelées d’un cristal de Lalique

Qui se ferait secouer dans un jouet métallique

Et toi tu voudrais voir avec la fée Clochette

Jiminy le criquet chanter des mots magiques

Et frotter son briquet contre la pipelette

Pour allumer le noir de lueurs féériques

Tu voudrais voir danser la jolie ballerine

Et tressauter le coeur du fantassin unique

Le fier soldat de plomb avec sa carabine

Qui l'aime d'un aplomb intrépide et stoïque

Mais tu sens dans le froid les souvenirs du mal

Les sorcières d’Eastwick, les démons maléfiques

Qui crissent sur les murs et heurtent les dédales

De ton cœur éclaté devenu amnésique

Et tu entends les tics et tu entends les tacs

Le cliquetis caustique et les clacs élastiques

De la danse macabre orchestrée par la claque

Des méchants de ta vie qui t’ont rendue cynique.

Le mécanisme enfin a fini sa tournée

Tu refermes l’écrin et tu ranges la clé

Séchant tes derniers pleurs tu vas te recoucher

En cherchant la douceur de ton cher oreiller

Tu pries les yeux ouverts, scrutant l’obscurité

Et tu sens sur ton cou, qui chuchote à moitié

Sur ton front, sur ta joue, et qui te fait chanter

Le souffle chaleureux de l’amant chevalier

Et dans la nuit tu cries « s’il te plait, touches moi !

Redonnes moi la vie, rends moi mes émotions ! »

Et tu entends le vent clair comme une illusion

Murmurer « aime moi et je viendrai vers toi »

Tu t’endors en rêvant au magnifique amant

Avec au cœur le chant d’un amour fantastique

Qui viendra remplacer, te touchant, t’enlaçant

Le bruit triste et glacé de la boîte à musique

Herve Sabattier - December 2016